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Paula Atchia : «Le collège Père Laval a été oublié des autorités pendant 15 ans»
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Paula Atchia : «Le collège Père Laval a été oublié des autorités pendant 15 ans»
? A 71 ans, vous rempilez au collège Père Laval, non plus comme directrice-fondatrice mais comme manager. Pourquoi y être retournée ?
(Sourire) Il est vrai que je n’ai pas de pension malgré le fait que j’aie travaillé 40 ans dans l’éducation, soit dans cinq collèges confessionnels et dans deux écoles privées internationales, à savoir le Bocage et Northfi elds mais il y a aussi le fait que j’ai démarré comme première directrice du collège Père Laval, à Ste-Croix, en janvier 1997, car le diocèse de Port-Louis avait jugé nécessaire d’avoir un collège secondaire pour les enfants issus de milieux modestes et vivant dans de cette région de Port-Louis. Dans ma tête, il a toujours été question que j’y retourne un jour, car mon coeur était resté là-bas. C’est désormais chose faite, mais cette fois comme manager. Je serai responsable des policy decisions, de la reconstruction, de la restructuration de l’emploi du temps, du programme d’études et du personnel, travaillant en excellent partenariat avec la directrice et le personnel.
? Le collège Père Laval connaît-il les mêmes difficultés financières rencontrées récemment par les collèges techniques du diocèse de Port-Louis?
Non. Nous avons certes connu des difficultés financières à la fin de notre première année d’opération car le gouvernement ne nous donnait pas de grant-in-aid. Nous avons dû manifester pour que le collège reste ouvert et pendant trois ans, j’ai eu la tâche de trouver de l’argent pour que le collège continue à fonctionner. Le gouvernement a fi ni par nous donner un grant-in-aid. Aujourd’hui, le collège est fully grant-aided à travers la Private Secondary Schools Authority et les salaires sont donc payés par le gouvernement. Notre problème actuel est de toute autre nature. Il concerne les infrastructures. Depuis 1997, le collège n’a pas été rénové. A part quelques couches de peinture, et quelques salles de classe, pas grand chose n’a été fait. Ce collège a été oublié pendant 15 ans. N’ayons pas peur des mots : il a presque été laissé à l’abandon.
? A quoi l’attribuez-vous?
C’est triste à le dire mais je crois que les autorités ont d’autres priorités. Aujourd’hui, tout collège en difficulté a droit à un prêt auprès de la Banque de développement de Maurice (DBM). Depuis plusieurs mois, nous avons fait une demande d’emprunt pour obtenir ce prêt et rénover l’école. Le diocèse de Port-Louis s’est même porté garant pour nous. Mais nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse. Le ministère de l’Education nous soutient pourtant. C’est désormais à la DBM de valider notre dossier. Il n’y a aucune raison pour laquelle notre demande ne soit pas agréée.
? Ce désintérêt des autorités pour le collège Père Laval a-t-il eu un impact sur la performance des élèves ?
A nos débuts, il y a eu énormément de progrès dans les résultats. Nous affichions 65 % de réussite aux examens de Form V à la fin de la première année. Sur le plan éducatif et social, ce collège a été une réussite. Votre journal, L’express, a même désigné les élèves du collège Père Laval Homme de l’année 2000. Mais nous avons noté une baisse dans les performances depuis deux ans car le personnel, les élèves et même les parents sont découragés. Nous attendons cette rénovation depuis 10 ans. Il faut que nous arrêtions cette baisse dans les performances.
? Votre plan de reconstruction est-il prêt ?
Il l’est. Pédagogiquement, ce plan prendra effet dès cette année. Du moment que l’emprunt nous est accordé, nous améliorerons les infrastructures comme il se doit. En attendant, nous devrons emménager quelque part dans un lieu qui peut caser nos quelque 350 garçons.
? Hormis la reconstruction, quels changements apporterez-vous au collège ?
Nous comptons changer les matières au programme d’études. Je pense à réintroduire et consolider le sport et la musique, introduire les Life-skills, les African et Asian studies, le Travel/Tourism, qui sont des matières pour lesquelles nous avons des enseignants. Nous commencerons dès cette année avec la Form III et nous étendrons ces matières jusqu’à la FormV. Nous évaluerons les matières dans lesquelles nos élèves sont moins performants et nous les remplacerons. Cela ne sert à rien de conserver au programme d’études des matières qui ne suscitent pas l’adhésion des élèves.
? Le collège Père Laval connaît-il des problèmes d’indiscipline ?
En ce moment, toutes les écoles rencontrent des problèmes d’indiscipline. L’indiscipline n’est jamais principalement due aux élèves. Ses causes sont trop faciles à trouver ailleurs. Un élève indiscipliné est souvent un élève intelligent mais négligé. Il n’y a pas d’enfant bête au collège Père Laval. Ils ont tous réussi leur Certificate of Primary Education alors que ce sont des enfants qui ne parlent pas un mot d’anglais chez eux. Trop souvent victimes du système d’éducation, lorsqu’ils débarquent chez nous, c’est à peine si certains savent lire et écrire et nous devons construire sur leurs bases. Dans ces conditions, les enseignants peuvent faire des miracles s’ils le veulent. Ils l’ont déjà démontré dans le passé. Ce n’est pas une question d’argent mais d’éthique de travail. Ils ont besoin de retrouver leur joie et leur dignité d’enseignants qu’ils ont quelque peu perdues.
? Vous vous donnez combien de temps pour apporter ces changements ?
Nous nous donnons une année. Je dois dire que nous avons un solide appui de l’association des parents d’élèves et aussi de la part du personnel et de l’ensemble des élèves du collège.
Propos recueillis par Marie-Annick Savripène
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