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Portrait – Siddick Khedarun: « J’ai commencé le sport à 38 ans ! »

19 avril 2013, 11:46

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Portrait – Siddick Khedarun: « J’ai commencé le sport à 38 ans ! »

Dans la pièce transformée en musée sportif personnel l’année dernière, Siddick Khedarun, 58 ans, contemple tous les symboles de ses succès : trophées, photos, certificats, médailles. Son vélo, fidèle compagnon et ami sincère l’ayant accompagné dans les combats livrés dans la solitude de l’effort, tient en équilibre, attendant d’autres défis à relever. Sa plus grande fierté : son premier Iron Man (Ndlr : 3,8 km de natation, 180 km de vélo, 42,195 km de course à pied) à Langkawi, Malaisie, en 2001. Quoi de plus normal, direz-vous ? Poseriez-vous la même question si vous saviez que cet triathlète aguerri a débuté le sport à l’âge de 38 ans ?

 

Siddick Khedarun est un ancien businessman qui a choisi, il y a dix ans, de mettre un terme à ses activités professionnelles pour se consacrer uniquement au sport. Il avait vécu jusqu’à l’âge de 38 ans éloigné des terrains de sports ou autre aire de compétition, faute d’avoir jamais été encouragé à s’adonner à une activité physique. Mais notre homme aimait « nager », comme beaucoup de Mauriciens, et en 1993 se décide à acquérir les bonnes techniques. « Je me suis rendu à la piscine Serge-Alfred. Je me souviens que des cours pour adulte y étaient dispensés. Mon premier entraîneur a été Ajay Gokhool. Je lui suis reconnaissant », se souvient-il.

 

Siddick Khedarun avait en fait rendez-vous avec son destin de sportif. Plusieurs triathlètes s’entraînaient sous la férule du technicien dont Nicolas de Lapeyre qui l’initiera au triathlon. « Je nageais jusque-là, un peu comme tous les Mauriciens. J’avais une affection particulière pour la natation car mes oncles, les Sayed-Hossen, étaient des pionniers dans le domaine. Ils avaient fondé la Young Swimmers Association. Ils nageaient dans le port et à Baie-du-Tombeau. J’ai appris les bonnes techniques et grâce à mon contact avec les triathlètes, j’ai découvert le vélo et la course à pied. J’ai débuté le triathlon à 38 ans », confie notre interlocuteur. Une année après, en 1994, il effectue sa première traversée à la nage Péreybère-Grand-Baie, longue de 5 km. Il faisait alors partie du club ASA.

 

Bien décidé à vivre à fond sa nouvelle passion, le triathlon, Siddick Khedarun achète sa première bicyclette à Rose-Hill. « J’ai acheté une bicyclette bon marché. Elle m’a coûté Rs 4000. Elle était un peu lourde, elle pesait 15 kg », observe-t-il. Pour faire connaissance avec ce nouveau prolongement de lui-même, il pédale de Rose-Hill à Phoenix, où il habite. Le samedi suivant, il devait disputer son premier triathlon à Trou-aux-Biches.

 

« Rien ne me faisait peur »

 

« Rien ne me faisait peur »,assure-t-il. Il pédalait tranquille, aux côtés de Gilles Marie, en compagnie duquel il avait effectué le premier volet de son triathlon. Quand ce nouvel ami se détacha, Siddick Khedarun s’entendit dire alors : « Mets un gros plateau ! » « Je ne savais pas ce que c’était. Des coureurs se sont approchés et ont changé mon braquet. J’ai compris alors qu’on pouvait aller plus vite. J’ai terminé mon premier triathlon olympique (Ndlr : 1500 m de natation, 40 km de vélo puis 10 km de course à pied) et j’ai vu là un signe d’encouragement », observe Siddick Khedarun. Il fera ses premières armes dans le triple effort au sein de Speed Triathlon Club, dirigé par Cyril Curé qui l’avait accueilli « à bras ouverts ». Et du vélo de course, il passera « naturellement » au VTT et garde d’excellents souvenirs d’un slalom en compagnie de Clyde Lamport.

 

En vingt ans de pratique du sport, Siddick Khedarun est parvenu, visiblement, à rattraper le temps perdu durant ses années d’homme ordinaire, plus enclin à la sédentarité. Il a pris part à un Iron Man international à Langkawi en Malaisie en janvier 2001 et à trois autres épreuves du même type organisées sur le sol mauricien mais sans le label officiel (Ndlr : 1999, 2000, décembre 2001) qui est détenu par la société World Triathlon Corporation. Il a aussi pris part à de nombreux duathlons et aquathlons, à la ligue en mer de natation, aux compétitions Masters de natation de même qu’à des compétitions d’athlétisme.

 

Lors des championnats d’Afrique vétérans d’athlétisme organisée à Maurice en 1998, il remporte l’or sur 5 km marche et 20 km marche. Durant l’édition de 2002 à Maurice toujours, il avait voulu s’essayer à la perche qui représentait à ses yeux un formidable défi. Il s’inscrira à dix épreuves et récoltera plusieurs médailles dont l’or à ce saut qui se libère de la pesanteur, au 5 km marche et au 400 m haies. « Je n’avais pas peur, cela m’a fait plaisir de découvrir le saut à la perche », remarque-t-il. Une chute lors du 400 m haies l’obligera à revoir son planning à la baisse et à disputer six épreuves uniquement. Mais ce fut malgré tout une occasion de découvrir d’autres spécialités de l’athlétisme comme la marche. En 2007 à Maurice, il deviendra champion d’Afrique de triathlon dans son groupe d’âge.

 

Sa vie aurait-elle été différente s’il avait été aiguillé vers le sport dès son jeune âge ? Oui, répond-il, avec conviction. « Je jouais au football quand j’étais jeune mais deux fractures du pied m’ont vite fait tourner la page », raconte-t-il. Au collège Mauritius, il avait pris part au cross-country. Il avait même remporté une course disputée entre Wooton et le collège mais n’avait jamais été encouragé à poursuivre ses efforts, à s’entraîner, à viser plus loin. Mais heureusement pour lui, il n’avait jamais touché à la cigarette et à l’alcool.

 

Siddick Khedarun travaillait dans le magasin familial depuis son enfance. Puis il ouvrira son « propre business » qu’il dirigera pendant quinze ans. Avant d’effectuer un virage à 180 degrés. « Je suis satisfait de mon choix. Je n’y croyais pas moi-même. J’ai compris que le plus difficile était la maîtrise de la natation en raison de sa technicité. Le vélo et la course à pied n’étaient pas des problèmes pour moi », souligne-t-il. Il s’était entraîné seul avant de prendre part à son premier triathlon calqué sur l’Iron Man à Maurice en 1999.

 

Il saura aussi faire confiance aux bons techniciens : Ajay Gokhool puis Kevin Hill, l’ancien DTN de triathlon pour ce qui est de la natation, Pascal Auger, ancien DTN de triathlon, pour la bicyclette, Jean-Claude Tour pour le volet course à pied et Rama Ramanah pour le marathon. « Le sport me procure beaucoup de joie. Quand je termine un entraînement et que je fais mes étirements, les sensations sont inexprimables. L’argent ne peut offrir cela. Je me suis fait beaucoup d’amis aussi, j’ai visité de nombreux pays », affirme-t-il.

 

Avec toujours ce même désir : viser plus loin, plus haut. « J’ai toujours foi dans une même méthode d’entraînement. Je ne croyais pas qu’il fallait absolument la quantité mais plutôt la qualité. Je suis toujours le même programme en triathlon », ajoute-t-il. Siddick Khedarun ne connaît pas la peur, même pas celle de la souffrance. « Il n’y avait aucune épreuve à Maurice pour satisfaire mon aspiration. Un beau jour au Gymkhana, à l’occasion d’un duathlon, j’ai rencontré un Iron Man en la personne de Kevin Hill. Cette rencontre a changé ma vie », soutient-il. Il vivra alors les différentes épreuves comme des entrées, plats de résistance et desserts tout en sachant faire appel tant à des techniciens étrangers que locaux dans sa quête de l’excellence.

 

« Motiver les enfants »

 

Il n’a jamais vécu l’indifférence de sa famille à sa carrière sportive comme une souffrance. « Je ne compte sur personne d’autre que moi. Je suis fort mentalement. Je suis un solitaire, je fais les sacrifices nécessaires pour réussir », assure-t-il. Depuis qu’il s’est acheté un vélo, il circule à bicyclette tout le temps. Il pédale jusqu’à la piscine Serge-Alfred puis regagne sa maison de la même façon. Il ne prend jamais le bus. Chaque déplacement est une forme d’entraînement. Car l’important pour lui n’est pas de participer mais bien de faire preuve de sérieux afin de « chercher un podium ».

 

Siddick Khedarun a conservé la simplicité qui était la sienne à ses débuts. C’est l’homme d’aucun gadget, d’aucun complément alimentaire non plus. « Je n’ai jamais utilisé un chronomètre. Avec peu de moyens, on peut faire du sport. J’ai pris part à trois Iron Man avec un vélo de 15 kg », précise-t-il. Il a opté pour un vélo plus sophistiqué à contre cœur après avoir été victime d’un vol il y a deux ans. « Je m’étais rendu au marché de Vacoas. J’avais cadenassé mon vélo à la barrière en bordure de route. Mais à mon retour, il n’était plus là. Je m’étais arrêté pour acheter dix oranges. J’étais triste car j’avais transformé petit à petit au fil des années mon vélo ordinaire en un vélo professionnel. Il possédait dix vitesses. Celui que je possède aujourd’hui est doté de vingt-sept vitesses », relate-t-il. C’est avec ce vélo de 15 kg qu’il avait participé à Anou Pedaler en 2010 et pris la 362e place sur 769 participants en 3h23.

 

Son souhait est que tous les parents encouragent leurs enfants à pratiquer ne serait-ce qu’un sport. « Les jeunes ont du potentiel mais il faut savoir les canaliser vers une discipline. Je suis triste que personne ne m’ait guidé dès mon jeune âge. Il faut motiver les enfants », conseille-t-il.

 

2013 sera une sorte d’année sabbatique. « Mon genou droit me fait souffrir. Je ne cours pas. Mais je nage, je pédale afin de rester en forme. Je reprends la compétition l’année prochaine si mon genou va mieux », déclare-t-il. Comment vivre sans le sport et cette intensité grisante aussi longtemps ? « Je ne peux vivre sans courir, sans nager, pédaler. Le sport fait partie intégrante de ma vie. Le déclic a été les séances d’initiation à la natation à la piscine de Beau-Bassin. Il y a beaucoup de problèmes en sport. Je me suis même intéressé à la psychologie afin de comprendre ce qui se passe », insiste-t-il. Une passion vécue à fond et souvent en payant de sa poche pour effectuer ses déplacements à l’étranger. Comme lors de sa première compétition internationale, avant son Iron Man mauricien, et qui le mena au relais-marathon de Saint-Benoît à La Réunion et à une troisième place dans la catégorie vétérans.

 

Le besoin de s’oxygéner le conduit naturellement dans les parcs, comme lors de son séjour en Angleterre en 2004 et 2005. Il était étonné toutefois de la faible fréquentation du Hackney March Football Ground, situé dans le nord de Londres et qui regroupe trente-deux terrains. Au Gymkhana à Vacoas où il se rend sept jours sur sept. Ou encore à la colline Candos.

 

« Le samedi matin, je fais du yoga au Gymkhana. Cela m’aide à améliorer ma façon de respirer. Je remercie l’EPZ Welfare Fund et la SMF d’avoir rénové il y a trois ans le circuit de 2 km de la colline Candos. J’ai une suggestion toutefois : qu’une piste en gazon soit aménagée à l’extérieur. Au Gymkhana, c’est regrettable qu’il n’y ait pas d’éclairage et que le circuit soit ouvert jusqu’à 19h30 seulement. Les coureurs sont pénalisés. Il n’y a pas de vestiaires non plus. Je lance un appel aux autorités : il serait bon que la piste du Gymkhana soit ouverte jusqu’à 21 h en hiver et 22 h en été »,souhaite Siddick Khedarun. Le monde est perçu autrement quand il est vu avec des yeux de sportif.

 

Robert D’Argent