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Questions à Avnish Gungadurdoss co-fondateur d’«Instiglio», organisation américaine oeuvrant pour de meilleurs

10 septembre 2012, 00:00

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Questions à Avnish Gungadurdoss co-fondateur d’«Instiglio», organisation américaine oeuvrant pour de meilleurs

Vous étiez lauréat de la cuvée 2004 du HSC et huit ans après vous vous retrouvez à Bogota pour lancer « Instiglio » . Qu’est- ce que c’est?

Instiglio est une organisation à but non lucratif que j’ai co- fondée avec deux de mes anciens camarades de classe à Harvard aux Etats- Unis au début de 2012. Pour faire simple, nous sommes un intermédiaire financier offrant une innovation contractuelle aux gouvernements des pays en développement qui améliorent l’efficacité et le dynamisme du secteur public.

En particulier pour les services sociaux…

À l’heure actuelle, les gouvernements paient d’avance pour les services sociaux tels que l’éducation ou la santé.Mais, par la suite, on ne connaît pas l’impact des programmes fi nancés. Les contrats traditionnels fournissent très peu d’incitations pour la mise en oeuvre adéquate. Dans le modèle Instiglio, appelé « Social Impact Bonds » ( SIB), le gouvernement paie, mais à la fin et seulement si un programme produit les résultats escomptés. Il incombe maintenant au prestataire de services de fournir un service de haute qualité améliorant vraiment la vie de ses bénéficiaires. Tout cela est possible parce qu’ Instiglio sollicite des investisseurs privés pour financer ces programmes sociaux au début contre la promesse d’un retour si les programmes réussisent.

Donc toutes les parties prenantes, bénéfi - ciaires, ONG comme l’Etat, y trouvent leur compte ?

Dans ce modèle, l’argent des contribuables ne fi nance que ce qui fonctionne. Si on y pense, nous reprenons la discipline, la responsabilité et la rigueur des marchés privés, excepté que le produit ici est un résultat social : une meilleure santé, de l’éducation, les taux de criminalité, la pauvreté, etc. Le modèle a été éprouvé en Angleterre et nous nous sommes lancés le défi de sa mise en oeuvre dans le contexte des pays en développement, où les besoins sont encore plus grands.

Qu’avez- vous accompli jusqu’ici et où en est le projet ?

Nous avons eu beaucoup de soutien de la communauté et gagné notre première subvention à travers le concours Harvard Public Sector Innovation Award. Du jour au lendemain, nous étions devenus des entrepreneurs sociaux. Après des mois à évaluer trois pays, nous avons trouvé que la Colombie est le terrain le plus fertile pour le lancement d’une telle innovation. Inspirée par l’idée, une équipe d’environ 10 bénévoles nous ont rejoints alors que nous plongions tête la première à Bogota. Des semaines de travail à 80 heures ont fi nalement payé le mois dernier quand le gouvernement colombien nous a commandé un projet, qui devrait être axé sur la réduction des taux extrêmement élevés d’abandon scolaire ici.

Comment un universitaire comme vous se retrouve- t- il à mettre en place des solutions contre la pauvreté?

Il y a deux choses qui m’ont conduit à fonder Instiglio: la frustration et l’espoir. Au cours des dernières années, j’ai travaillé dans des programmes contre la pauvreté en Inde et au Bangladesh. J’ai remarqué qu’il n’y avait pas assez de responsabilité ( accountability ) par rapport aux résultats, pas assez d’accent sur les bénéfi ciaires et un paternalisme ancré. Nous voulions changer cela. L’espoir est venu de la communauté de la Harvard Kennedy School , où je viens de terminer ma maîtrise. Je me suis retrouvé entouré de personnes extraordinaires, consacrées au service public. Cela forçait l’humilité, mais m’inspirait également. La frustration et l’espoir étaient une motivation puissante pour imaginer un monde différent et commencer à oeuvrer pour.

Diriez- vous que vous avez la clé pour résoudre la pauvreté dans le monde?

Résoudre la pauvreté est ambitieux et affi rmer avoir la clé ne rendrait pas justice à la complexité du problème. Quelquesuns des meilleurs esprits s’y sont consacrés pendant des années et, collectivement, la communauté du développement n’a pas tenu ses promesses de réduire drastiquement la pauvreté mondiale. Outre les solutions techniques, la résolution de la pauvreté nécessite souvent l’adaptation, difficile, des systèmes sociaux, surmonter les hiérarchies sociales enracinées, remettre en question les structures de pouvoir et les paradigmes politiques, et une compréhension commune et le désir de fournir un accès égal aux opportunités. C’est diffi cile car cela implique souvent de renverser un statu quo confortable pour les élites dirigeantes. Donc, non, je ne pense pas que nous ayons la clé de la pauvreté. Mais nous croyons que nous pouvons commencer à rétablir certaines composantes. Pourquoi se soucier de la pauvreté ? Je crois que la pauvreté est en grande partie le résultat de l’évolution historique des systèmes politiques et sociaux que nous créons et alimentons. Ces systèmes favorisent certains groupes au détriment d’autres et sont souvent les moteurs de l’inégalité. Avec cette réalité vient un sentiment de responsabilité collective dans la création de la pauvreté et le devoir de véritablement régler le problème.

Et comment Instiglio peut y participer ?

L’idée Instiglio est puissante parce que, finalement, elle réhabilite les populations pauvres et vulnérables dans les décisions du secteur public. Elle entend remplacer le facteur feel- good qui règne parfois dans les programmes sociaux en mettant l’accent sur les résultats réels, tout en ajoutant une marge d’innovation dans la prestation des services. Au- delà de l’idée, je crois vraiment en l’importance de la mise en oeuvre. A Instiglio nous sommes très conscients qu’aucune toile n’est jamais complètement vide. Chaque pays a ses propres institutions établies, sa politique de gouvernance et de responsabilisation. Contrairement à la plupart des autres organisations de développement, notre rôle est de consolider les structures locales et les organisations, non de les remplacer. Plus précisément, nous identifions les acteurs politiques locaux avantgardistes et des ONG efficaces pour les soutenir avec une expertise de pointe. Ces clusters d’excellence représentent l’espoir pour des changements durables, et doivent être responsabilisés.

Avnish, le lauréat reviendra- t- il au bercail ?

C’est mon rêve de revenir à l’île Maurice et de poursuivre ce « service public » , en quelque sorte. Pourquoi pas Instiglio Maurice ? Je pense cela très souvent. En fait, je vais étudier sérieusement les possibilités offertes à Maurice, quand je reviens en décembre. Pour l’instant, dans Instiglio , j’ai trouvé une plate- forme unique pour expérimenter, apprendre et grandir. En tant que praticien du développement avide de ré- imaginer la façon dont le secteur fonctionne, il est très important d’acquérir le type d’exposition que propose « Instiglio » . En ce moment par exemple, je travaille avec un des politiciens les plus innovants et avant- gardistes de Colombie et c’est une opportunité incroyable à cet âge de se renseigner sur la gouvernance à son meilleur niveau. Ce type d’exposition stimule l’imagination et j’espère ramener tout cela avec moi à Maurice. Ce serait intéressant aussi de participer à la politique locale à un moment donné.
 
 
 

Ludovic AGATHE