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Réduit, au calme
Sans cérémonie, il arrive, la démarche lente et prend place à son bureau dans l’aile droite du château du Réduit il attend la première question avec une certaine impatience. L’entretien commence lentement, tranquillement le président Anerood Jugnauth, serein, parle de généralités et puis les choses sérieuses s’amorçent. Son visage devient expressif au fur et à mesure qu’il parle du passé, des coups reçus, des traumatismes, mais aussi de la grande joie d’avoir contribué à construire l’île Maurice moderne. Graduellement, sa réserve pâlit et laisse place à cette parole verte et affirmée à laquelle il a habitué les Mauriciens. Il parle de tout : des dynasties politiques, de la presse, de son passage au «Hindu Congress », de son passage au MMM, de ses rapports avec Bérenger, avec SSR, de son enfance et par-dessus tout, du traumatisme vécu au sein du gouvernement de 1982, révélant du coup, certains faits inconnus jusqu’à l’heure et qui intéresseront sans doute les historiens.
? Entre le moment où nous avons pris rendez-vous pour cet entretien et le moment où se déroule l’entretien lui-même, il s’est passé beaucoup de choses sur le plan politique. Quel est votre sentiment devant tous ces développements ?
Je crois que tout va très bien se passer. Je suis très très optimiste. Je suis content pour l’avenir du pays.
? Vous êtes issu d’une famille très pauvre et il n’était pas évident pour un enfant issu de ce milieu social de se lancer en politique à l’époque. Qu’est-ce qui vous a poussé un jour à vous lancer en politique ?
Depuis mon enfance mon père était un bissoondoyaliste. Je veux dire qu’il admirait Basdeo Bisoondoyal. J’accompagnais mon père très souvent à ses causeries. Puis est arrivé son frère, Sookdeo, avec le IFB (Independent Forward Block) et tout naturellement je me suis rapproché. J’ai grandi dans cette atmosphère et cela m’a attiré vers la politique. Et même pendant mes études d’avocat à Londres, j’ai gardé contact avec la politique. Pour être franc, je dois vous dire que j’étais plus intéressé avec ma profession d’avocat qu’avec la politique. Et à un certain moment je voulais même entrer dans le judiciaire. Mais il y a eu les élections de 1963 où je me suis présenté et j’ai été élu sous la bannière de l’IFB.
? Vous regrettez de n’avoir pas fait carrière plutôt dans le judiciaire ?
Non, mais une chose est cependant claire. Si j’avais continué dans le judiciaire, dans la profession légale comme avocat, c’est certain : aujourd’hui, j’aurais une grosse fortune. Je n’ai pas de doute là-dessus. Je travaillais beaucoup et j’avais beaucoup de clients.
? Vous voulez dire qu’aujourd’hui que vous n’avez pas de fortune ?
Enfin, non. Je ne dirais pas que j’ai une fortune, mais je ne suis pas pauvre.
Et beaucoup de choses que je possède aujourd’hui, ce sont des choses que j’ai acquises pendant que j’étais avocat.
? En 1977 vous m’accordiez un entretien au cours duquel vous me disiez que vous vous considériez comme un «politicien part-time» ce qui vous avait valu beaucoup de problèmes avec votre parti d’alors, le MMM.
Je m’en souviens tout à fait. Et d’ailleurs ensuite je l’ai dit et redit dans des meetings publics. Même quand j’étais leader de l’opposition, j’ai continué à le dire. Que j’avais une profession qui assurait l’avenir de ma famille et que c’était ça le plus important.
? Quand on voit votre carrière politique, 16 ans comme Premier ministre, 7 ans comme président de la République, c’est pas mal pour un politicien «part-time».
Oui, c’est comme ça. C’est mon destin. Je le dis toujours : vous ne pouvez pas échapper à votre destin. Je vous le redis : je n’ai jamais eu ni l’envie ni l’ambition de devenir Premier ministre ou président. Cela ne m’a jamais même effleuré l’esprit. Les circonstances m’ont emmené là. Quand je suis entré dans le MMM et qu’on me demandait de devenir le président du parti, j’ai tout le temps refusé. On m’a presque forcé à le devenir. Certains disaient que j’avais un rôle historique à jouer et des choses de ce genre. Moi, ce que je disais était simple : je suis venu pour aider autant que je peux, mais je garde ma profession.
Et alors on m’a dit non ! Il y avait Bérenger, De L’Estrac etc. Il faut prendre des responsabilités au sein du parti qu’ils m’ont dit.
? Avez-vous compris ce qu’ils voulaient dire quand ils parlaient de votre rôle «historique» ?
Quand je regarde en arrière maintenant, je dirais Excusez-moi, je vais être bien franc là-dessus, ma conclusion aujourd’hui c’est que, très probablement, Bérenger avait un hidden agenda et il se servait de moi. Et nous savons tous ce qui s’est passé après.
? Par «historique» on voulait dire que vous étiez un hindou et que vous pouviez jouer ce rôle. Est ce exact de le dire comme ça ?
C’est exactement ça. Ils trouvaient que j’avais le profil pour être présenté comme Premier ministre.
? Donc, on se servait de vous, vous en êtes conscient et vous jouez le jeu ?
Non. Je n’en étais pas conscient. Je vous fais cette analyse aujourd’hui plus de 30 ans après les faits. Mais, sur le moment, non, j’étais vraiment très sincère et je n’avais aucun doute sur la sincérité de Bérenger. Quand je look back je me rends compte que personne n’avait cette sincérité que j’avais moi. On se servait de moi. C’est pour ça que les frictions sont nées très vite quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1982.
? Regrettez-vous cette cassure de 1982 ?
Non, non, non je ne regrette pas du tout. C’est le destin qui a fait cela.
Cette cassure a été un bien pour le pays. Un blessing in disguise. Pour être franc, le MMM essayait, tout en gardant notre constitution, notre système de gouvernement, de mettre en place parallèlement un autre système de gouvernement qui consistait à donner tous les vrais pouvoirs au Bureau Politique.
Le conseil des ministres devenant ainsi un Rubber Stamp. Ensuite comme Premier ministre, je n’avais plus aucune prérogative et je n’avais plus qu’à avaliser ce que proposait le bureau politique.
Je n’étais pas disposé à accepter ça. J’ai commencé à comprendre beaucoup de choses. Et puis, bien sûr je ne pouvais accepter de voir le ministre des Finances Bérenger dire oui, oui, oui, à tout ce que disait la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Et puis le clou a été quand il a voulu enlever les subsides sur le riz et la farine ! Nous avions été élus pour améliorer la vie des gens et au lieu de cela nous proposions de les affamer ! C’était inacceptable ! Nous disions aux gens d’aller crever de faim !
? Avec le recul historique, peut-on dire que c’est au milieu de cette adversité que naît le nouveau Jugnauth ?
Quand j’ai réalisé ce qu’ils voulaient faire et ce qu’ils avaient en tête, j’ai été obligé de changer. J’ai pris des positions qui m’ont mis en conflit direct avec Bérenger.
J’ai vu les choses clairement.
? Vous aviez perdu votre naïveté ?
Vous appelez ça naïveté, moi non.
C’était ma sincérité. J’ai commencé à comprendre que ma sincérité n’était pas réciproque. J’ai commencé à m’affirmer, à tel point que nous avons dû aller jusqu’à la cassure. Vous disiez tout à l’heure qu’un nouveau Jugnauth était né. Pas du tout, j’ai toujours été comme ça. Les gens ne me connaissaient pas.
Et je dois dire que le premier à m’avoir mal jugé, c’était Bérenger lui-même. Il m’a complètement sous-estimé et pensait qu’il allait pouvoir me manipuler. Il pensait pouvoir faire n’importe quoi et que j’allais me soumettre.
? Pourquoi dites-vous que cette cassure était un mal pour un bien, alors qu’un gouvernement porté par un peuple tout entier, explosait alors qu’il venait d’être élu ?
Nous avons, à partir de ce moment, suivi une voie qui a sauvé ce pays. Nous avons sauvé notre système électoral alors que je peux vous dire, certains au MMM, avaient des idées bizarres sur la démocratie.
? Vous voulez dire quoi ?
Peu de gens le savent et je voudrais en parler. A cette période le MMM avait de très bonnes relations avec l’Union Soviétique et la Libye. Quand je suis devenu Premier ministre, on m’a envoyé en mission dans ces deux pays, car le MMM dans sa majorité pensait que ces deux pays allaient nous aider. Je suis arrivé en URSS peu de temps après notre victoire de 1982. J’ai plaidé notre cause avec les Soviétiques.
Ils m’ont écouté avec beaucoup d’attention puis m’ont dit : «On peut vous aider, on peut vous donner beaucoup d’aide. Mais on ne peut pas donner de l’aide à un système de gouvernement qui favorisera les capitalistes et pas le peuple». Voilà la réponse que j’ai eu !
En clair, si nous faisions un système communiste, nous pouvions avoir de l’aide. J’ai été choqué ! Même chose pour la Libye, qui a proposé les mêmes choses. Et je suis revenu à Maurice avec ces réponses dans mes valises.
? Comment ont réagi les membres du gouvernement ?
Certains voulaient que nous changions notre système de gouvernement.
Non pas d’un seul coup, mais graduellement, à travers un système parallèle qui allait graduellement prendre la place de notre système westminstérien. J’étais farouchement opposé à cela. J’ai toujours dit au sein du MMM qu’il fallait accepter le système démocratique en place et que c’est avec ce système que nous allions arriver au pouvoir. Je ne voulais pas d’expériences inutiles où nous allions nous casser le nez.
? Quand on s’interroge sur votre passage au «Hindu Congress», mouvement fondamentaliste hindou, ça vous gêne maintenant que vous êtes Président de la République?
Pas du tout. Ce passage au Hindu Congress était purement stratégique.
J’étais avec l’IFB et en accord avec le Ptr pour l’indépendance. Le PMSD était le seul parti du pays qui était contre l’indépendance et il était très agressif sur le terrain. Il a fallu le Hindu Congress pour contrecarrer cette stratégie du PMSD.
J’ai rejoint le HC et j’ai me suis servi de cette plate-forme pour faire du canvassing sur la nécessité de l’indépendance.
Nous avons pu contrecarrer le PMSD.
Et puis quand cette action était terminée, je me suis retiré du Hindu Congress. Je suis revenu à l’IFB.
? Y a-t-il une réalisation au cours de votre carrière politique dont vous êtes particulièrement fier ?
Rien en particulier, c’est plutôt un ensemble de réalisations que nous avons pu faire à partir de 1983 concernant le développement du pays, le progrès, le recul de la pauvreté. Je considère que cela a été un moment merveilleux de ma vie. En 1982 quand j’ai pris le pays, la situation était catastrophique. Si vous n’aviez pas de courage vous pouviez tout abandonner. Mais j’ai toujours cru dans l’avenir du pays. Dans sa viabilité économique. D’ailleurs j’étais ministre avec Sir Seewoosagur et souvent nous avons eu des divergences. J’avais l’impression qu’il était moins convaincu de la viabilité économique du pays que moi. C’est pour cela aussi que j’ai démissionné du gouvernement à l’époque.
Lui était plus concentré sur la lutte politique, sur l’indépendance. Et puis, je n’étais pas d’accord avec l’utilisation de l’argent public. Pour réussir, il faut croire dans ce que l’on fait et travailler dur. Discipline, détermination.
? Les Mauriciens sont-ils disciplinés ?
Enfin Disons qu’ils le sont un peu Pas aussi disciplinés que je le voudrais.
Je suis un peu déçu pour tout vous dire. Il n’y a pas l’enthousiasme au travail qu’il devrait y avoir. J’avais créé cette discipline je crois, mais je vois que les choses se sont calmées Il faut donner à cela un nouveau dynamisme.
? Les Mauriciens connaissent votre enthousiasme, votre détermination et vos engagement passionnés. Une campagne électorale vient de commencer ce matin. Cela ne vous «démange» pas un peu de vous tenir loin de tout ça ?
Non, je connais mes responsabilités.
Et en plus j’ai fait beaucoup de campagnes
C’est bon, Assez !
? La réserve qu’impose le poste de Président vous pèse quelquefois ?
Pas du tout. Sauf quelque fois quand les journalistes m’agacent avec leurs questions, je peux sappe lor cale après dire kiksoz ki pas bizin ! ( Rires).
? Vous avez toujours eu des relations très difficiles, souvent conflictuelles avec la presse. En connaissez-vous les raisons ? Méfiance naturelle de l’homme politique ou quelque chose de plus profond ?
Je n’ai jamais eu de bonnes relations avec la presse. Et ce, depuis toujours, mais surtout à partir du moment où j’ai été au pouvoir. Nos relations étaient difficiles, beaucoup de frictions. Pour tout vous dire, j’ai toujours eu l’impression, je l’ai vécu, que la presse a toujours été contre moi pendant tout le temps où j’ai été Premier ministre. Je ne sais pas pourquoi.
Mais je suppose que cette presse doit avoir ses raisons.
? Trois Premiers ministres, Sir Seewoosagur, Anerood Jugnauth et Navin Ramgoolam ont tous les trois toujours affirmé que la presse était contre eux ?
Quoi vous dire ? Peut-être que c’est une tradition de la presse Mais elle publie tellement de choses fausses
? Le père de famille, l’homme politique, est-il heureux de ce qui s’annonce pour son fils en politique ?
J’ai une autre manière de regarder l’avenir. Quand je vois mon enfance, quand je vois d’où je viens et où je suis, je me dis que c’est mon destin. Je suis heureux pour Pravind, pour ce qui se déroule.
Mais c’est lui, c’est chacun qui doit savoir conduire son destin. Chacun doit savoir faire son chemin. Et chacun atteindra ce que son destin avait prévu. Ni plus ni moins. Je crois à 100 % au karma.
? Peut-on pressentir son karma, pressentir la route de son destin quand elle se présente à vous ?
Oui. Je le pense. Quelquefois il y a des choses qui vous paraissent impossibles, mais vous ressentez en vous comme un urge, une urgence à vouloir les faire, je pense que cette sensation quand vous l’éprouvez, c’est celle du destin qui vous pousse à aller plus loin.
? Si vous aviez à refaire votre route, quel est le chemin que vous n’emprunteriez pas ?
En politique, je crois que je choisirais, si c’était à refaire, de ne pas entrer dans le MMM. Vous savez, j’ai dit à Pra- vind : il vaut mieux être dans caro cannes que d’aller travailler avec le MMM et Bérenger.
Ah oui ! Si j’avais à refaire une carrière je ne serais pas entré dans le MMM.
Je ne sais pas quelle autre alternative il y aurait. Mais passer encore ou je suis passé avec le MMM, jamais, plus jamais.
? C’est quelque chose qui vous a traumatisé ?
Ce que j’ai vécu de juin 1982 à octobre 1983, je n’oublierai jamais comment j’ai été traumatisé. J’aurais pu devenir fou avec ça. Il y avait des camarades qui m’ont soutenu..
? La main tendue de Sir Seewoosagur à l’époque vous a aidé ?
Oui il a été très helpful. C’est lui qui a fait le premier pas. Il a envoyé, je me souviens, Michael Glover me voir de sa part. Il m’a fait dire qu’il offrait de nous aider, il m’a dit de continuer la route, de ne pas se presser à organiser des élections et que nous allions ensuite discuter.
C’est ainsi que Sir Seewoosagur a ouvert les portes. Nous nous sommes rencontrés, nous avons discuté d’alliance avec les Travaillistes. SSR a tout de suite été d’accord avec l’idée. Et il y a eu l’alliance bleu, blanc, rouge en 1983. Et je vois aujourdhui se répéter l’histoire. SSR était à l’époque le father figure et aujourd’hui je suis un peu dans cette situation.
? Vous avez été le compagnon d’armes de Paul Bérenger, vous avez longtemps cheminé côte à côte. Quel conseil l’homme de 80 ans que vous êtes donnerait-il à son ancien lieutenant ?
Aio ! Un conseil que je lui donnerais: il faut être honnête et sincère dans la vie.
Il ne faut pas avoir de hidden agenda dans les relations avec les gens. Et puis il faut pas faire du tort aux gens. Je trouve qu’il est rempli de méchanceté.
? Et vous pensez, vous, qu’au cours de votre carrière vous n’avez pas fait de tort aux personnes ou à personne?
Sans doute oui. Mais jamais intentionellement.
Il ne faut pas faire à son prochain ce que vous n’aimeriez pas qu’il vous fasse. Il y a tout dans cette phrase.
C’est une philosophie que j’essaie d’appliquer dans ma vie.
? Avez-vous eu de l’admiration pour un homme politique mauricien?
Oui. Il y a un homme pour qui j’ai enormément d’admiration et d’amitié pour son intégrité, sa droiture, sa sincérité. C’est Karl Offman. Il est là dans les temps  faciles, les temps difficiles. Nous avons eu des différends, mais chacun respecte l’autre. C’est un homme rare. Très rare.
? Que pensez-vous de ce qu’on appelle les dynasties politiques à Maurice. Nombreux sont ceux qui y trouvent les premices d’une république bananière ?
Je ne sais pas pourquoi on appelle cela des dynasties…
? Entre les Jugnauth, les Ramgoolam, les Boolell, et peut-être bientôt les Bérenger, si son fils, Emmanuel, décidait de se lancer, il est permis de s’interroger, non ?
Je ne suis pas d’accord avec cette interprétation.
Tout simplement parce que tout cela est démocratique. Imaginons que dans une famille il y ait un père médecin, ou avocat ou professeur, souvent on voit les enfants prendre le chemin du père.
C’est normal quand on a grandi dans un milieu et que l’on a appris à aimer, à apprécier.
Alors on fait quoi ? On empêche un enfant de suivre les traces de son père et devenir médecin par exemple ? La politique c’est pareil. Sauf que pour la politique, il peut choisir ce qu’il veut, c’est la population qui choisit, par ce que c’est elle qui vote. Quand j’ai quitté le MSM, ce sont les instances qui ont choisi Pravind pour devenir leader. Je n’ai rien imposé.
Que Navin soit leader du Ptr et Premier ministre je ne trouve pas cela anormal. Demain si le fils de Paul veut suivre les traces de son père, vraiment je n’aurais rien à redire.
? Vous auriez souhaité qu’il fasse de la politique ?
J’aurais souhaité qu’il en fasse, il est jeune. Ne serait-ce que pour l’avenir du MMM. Sinon ce parti n’aura pas d’avenir.
C’est bien possible que l’avenir du MMM passe par le fils de Paul Bérenger. Je n’y verrais rien à redire.
? Si la famille Jugnauth est toujours à la tête du MSM est-ce à cause du Sun Trust ? Cela vous agace cette ²question ?
Non, ça ne m’agace pas. Ma conscience est claire là-dessus. Vous savez, tous les partis politiques ont des contributions. J’ai préféré utiliser cet argent pour le parti. Je l’ai fait au vu et au su de tout le monde. Il n’y a pas de secrets dedans. Je ne comprends pourquoi les gens disent toujours: Sun Trust ! Sun Trust, Sun Trust ! Il n’y a rien de mal dans ce que j’ai fait. Les autres partis n’ont qu’à faire la même chose.
? Vous avez parlé avec une certaine amertume de vos rapports, de vos differends avec Paul Bérenger. En 2000 vous vous retrouvez avec lui et vous avez gouverné ensemble Comment faire comprendre ces choses à un homme normal ?
C’était purement tactique. En 1991 Bérenger voulait contracter une alliance avec Boolell. Uteem, De L’Estrac et Nababsing n’en voulaent pas. J’ai envoyé Satcam en mission à l’étranger et pendant qu’il n’était pas là, j’ai signé un accord avec le MMM et Bérenger.
? Quand vous concluez cette alliance, vous faites la même chose que vous reprochez à Bérenger: vous avez un «hidden Agenda»
Je n’ai pas honte, oui, je dois le reconnaître.
Mais c’était une question de survie politique. C’était purement tactique, je le redis. Concernant nos rapports, ils étaient corrects. Vous savez en politique, on oublie ce qui s’est passé On essaie de prendre un nouveau départ. Mais ça n’a pas réussi:
Pendant qu’il était mon ministre, il négociait avec Navin Ramgoolam. Je l’ai mis dehors.
? Quand vous avez perdu les élections de 1995, vous vous êtes dit : peuple ingrat ?
Non , je ne veux pas me servir de ce mot. Mais je me suis dit quand même que la population n’avait pas beaucoup de reconnaissance.
Malgré tout ce que nous avions fait: transformer un pays agricole en un pays moderne avec une économie solide. Mais je vais vous dire une chose. Je reviens à ma notion de destin. J’ai compris après cette défaite que c’est le travail de Dieu. Ma santé était complètement foutue. Si j’avais remporté encore une élection, j’aurais continué avec mon rythme de travail et je serais mort. J’ai réalisé ces choses après. J’ai pris du temps à retrouver une bonne santé.
? Quelle est la première qualité que doit posséder un homme politique ?
Il faut de l’amour, de la conviction. Si vous n’avez pas ces qualités, il vaut mieux ne pas en faire.
? Etes-vous, à 80 ans, un homme heureux ?
Ah oui ! Franchement. Je suis en bonne santé, ma famille, mes enfants, les gens que j’aime vont bien, que demander de plus ?
Source : Apartés avec Alain Gordon-Gentil
L’express du vendredi 2 avril 2010.
 
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