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Rachel de Spéville : une plongée au cœur des réalités mauriciennes

24 juin 2012, 00:00

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Rachel de Spéville : une plongée au cœur des réalités mauriciennes

Elle a fait un stage de quatre mois au sein de la cellule ‘Culture & Avenir’ du Bureau du Premier ministre dans le cadre de la rédaction d’un mémoire universitaire qui propose une gestion du multiculturalisme à Maurice, le passage vers une société de l’interculturel pour consolider l’unité nationale.
 
 
Rarement la rédaction d’un mémoire universitaire aura eu un aussi grand impact non pas sur le parcours intellectuel de son auteur mais surtout sur son évolution personnelle. C’est la riche expérience qu’a vécue Rachel de Spéville, responsable de projets chez Pamplemousses Production, dans le cadre d’un programme d’études en vue d’un Master 2 professionnel en Ingénierie des Échanges Interculturels à la Sorbonne-Nouvelle, Paris III.

Soudain, cette île Maurice qu’elle ne connaissait qu’en surface se présente comme une plate-forme d’analyse idéale qui, dans une large mesure, répond aux exigences de la démarche universitaire. Mieux le choix de l’île Maurice, comme champ d’expérimentation lui a offert, en même temps, l’opportunité d’effectuer une véritable plongée dans l’histoire de sa terre natale pour en découvrir toutes les nuances qui en font sa richesse.

« Je n’avais pas envisagé de revenir à Maurice après l’obtention de mon diplôme. Cependant, la rédaction de ce mémoire et les rencontres faites lors de mon stage au Bureau du Premier ministre m’ont offert de nouvelles perspectives. » Il semble que pour cette dernière, le retour au pays se soit imposé, à ce moment-là, comme une évidence.

Comme c’est souvent le cas, les études supérieures favorisent une ouverture d’esprit qui fait sauter certains archétypes. Ce conditionnement intellectuel peut aller jusqu’à amener les sujets à effectuer une véritable remise en cause de soi, de la société et du milieu dans lequel ils évoluent.

Rachel de Spéville confie qu’à la Sorbonne-Nouvelle, les débats autour de la pluralité culturelle mettent en scène deux écoles de pensées : le multiculturalisme d’un côté et de l’autre l’interculturalité. La première se décline comme une méthode qui juxtapose et institutionnalise les différences. La seconde favorise et encourage le vivre-ensemble en respectant la spécificité de chacun.

Maurice est par essence multiculturelle, reconnaît la jeune femme. Pour mieux cerner le modèle mauricien, Rachel de Spéville soumet une demande de stage à la cellule culturelle du Bureau du Premier ministre. Le risque que la demande soit rejetée est latent. Et pour cause. « Elle remet en question le multiculturalisme mauricien et propose une nouvelle façon d’appréhender la diversité culturelle à travers le prisme de l’interculturalité ». La demande est agréée. Elle est affectée au sein de la cellule « Culture & Avenir » dirigée par Alain Gordon-Gentil, conseiller du Premier ministre en matière culturelle.

Pendant quatre mois, elle fera face aux réalités paradoxales de cette société mauricienne, qui selon elle « semble tiraillée entre la volonté de transcender les appartenances communautaires et un retour notable du repli identitaire ». Ses observations autour des concepts de culture et d’identité la mèneront à mesurer le poids du cloisonnement communautaire et de la stratification sociale pour l’avènement du mauricianisme.

Cette démarche analytique lui permet de découvrir les rouages et la complexité du fonctionnement de son pays, du combat pour la reconnaissance identitaire de certains groupes, à l’ethnicisation de la politique, en passant par la prédominance des clubs et associations constitués sur la base de l’appartenance ethnique ou encore à l’inégalité des chances.

Ce stage s’est graduellement transformé en une véritable initiation pour la jeune fille dans une réalité mauricienne qu’elle ignorait de par les circonstances de sa vie sociale et familiale, qu’elle avait du mal à appréhender et dans laquelle elle voyait à peine une possibilité d’intégration réelle.

«Contrairement aux traditions multiculturelles anglo-saxonnes qui ont institutionnalisé la gestion du pluralisme culturel, en plaçant la rencontre des cultures seulement au niveau des ethnies. À l’île Maurice la diversité culturelle est appréhendée de manière très différente, puisqu’elle est au fondement même de la société. Lorsque l’on juxtapose l’ensemble des éléments qui ont jalonné le parcours et la formation de la nation mauricienne, il est évident qu’en dépit des limites et de la fragilité du multiculturalisme, nous avons toujours pratiqué l’apprentissage du vivre ensemble comme une finalité. La démarche interculturelle exprime non seulement une volonté d’instaurer un dialogue entre les cultures afin d’arriver à une interpénétration réciproque, mais aussi d’atteindre la tolérance et la compréhension d’autrui et de ses différences. Mais le vivre ensemble n’est jamais acquis, d’où le risque de vouloir l’institutionnaliser, car il s’agit d’abord d’une dynamique individuelle, c’est un mouvement du cœur pas de l’esprit », écrit-elle.

Désormais, pour Rachel de Spéville, l’interculturel ne sera plus une simple notion intellectuelle. Il va falloir trouver un juste équilibre entre le besoin d’affirmer son identité repensée, enrichie et recomposée par son expérience et la nécessité de tenir compte de l’évolution des autres.