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Rajen Dyalah : «Décongestionner le pays dans tous les sens du terme»

15 avril 2010, 10:49

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Ancien militant et député du Mouvement militant mauricien (MMM), Rajen Dyalah promène son regard sur la société mauricienne. Il veut d’un pays qui œuvre inlassablement pour plus de modernité.

¦ Quels sont les grands défis que doit relever le prochain gouvernement ?

Il y a, selon moi, une priorité qu’on est en train d’occulter. C’est l’agriculture. Nous approchons rapidement d’une population de 1,5 million de citoyens. Afin de répondre à la demande alimentaire intérieure, nous devons, je pense, mettre en place une industrie agro-alimentaire solide. En outre, comme à chaque fois qu’il faut un grand projet de développement économique découlant d’une action politique forte, c’est au gouvernement d’en être le fer de lance. Les entrepreneurs font déjà un travail en ce sens, mais c’est à une petite échelle. Il faudrait une vision et une approche intégrée pour être effectif.

Un autre défi à relever parallèlement, c’est de lancer une industrie professionnelle de la pêche. De par notre cheminement, nous, les Mauriciens, avons développé des choix alimentaires très sophistiqués. Il n’y a qu’à voir les offres alimentaires dans les hypermarchés. Or, nombre de ces produits peuvent être fabriqués localement, surtout ce qui relève de l’alimentation à base marine. Pour l’instant, nous nous approvisionnons principalement des pays du Sud-Est asiatique. C’est un créneau qui sera économiquement viable. Connaissant l’esprit de débrouillardise des Mauriciens, je pense qu’on peut fabriquer des produits autant pour la consommation locale que pour l’exportation dans la région.

¦ Quelles sont les perspectives économiques pour les cinq prochaines années ?

Nous nous sommes relativement bien comportés pour les cinq années écoulées. Face à la crise financière, où de grands pays ont connu une hausse du chômage et de la pauvreté, nous nous en sommes bien sortis. Cela a été possible grâce à un système économique où l’Etat joue son rôle en investissant dans les allocations sociales, la pension, l’Etat providence, l’éducation… Nous sommes condamnés à bien faire tout en gardant en tête les préoccupations sociales et le bien-être des gens. Je crois que l’île Maurice a un avenir brillant si elle continue sur cette voie de modernisation. Cette modernisation passe par un décongestionnement du pays dans tous les sens du terme. Il faut également que les Mauriciens deviennent conscients que globalisation équivaut pour eux à être plus productifs. Il faut aussi produire plus d’intelligence.

¦ Croyez-vous que les dirigeants politiques sont conscients de ces enjeux ?

Ils doivent en être conscients. Autrement, ce serait un drame. C’est à leurs techniciens et leurs conseillers, qui sont en contact avec la réalité mauricienne, de les guider dans le bon sens. Je pense que chaque dirigeant de ce pays veut que le pays brille sur la scène internationale et que nous soyons un exemple. Il reste à orienter nos efforts en ce sens.

¦ Comment voyez-vous cette campagne en comparaison de celles que vous avez connues au temps de votre carrière politique ?

Je constate qu’il y a un progrès à certains niveaux. Je note qu’au plan des affiches et des posters, nous faisons une campagne avec moins de laideur. C’est également très positif que nous ne voyons pas de plastique durant cette campagne. Et puis, il y a l’utilisation de l’internet, des radios privées et des téléphones portables pour faire passer les messages.

¦ Il existe bien cependant des pratiques condamnables?

Bien sûr. Cependant, Maurice demeure un exemple de démocratie dans la région. Nous avons le plus vieux journal, le plus vieil hippodrome, le plus vieux théâtre et la plus vieille tradition politique. La démocratie est inhérente à notre système. Malgré ce fait, nous demeurons fi gés et nous développons des modes de campagne surannés. Celle-ci aurait dû être plus moderne dans le sens où les meetings ne servent pas qu’à insulter les gens. Cela aurait dû être une occasion de démontrer ce qui n’a pas été fait ou encore ce qui a été fait, de proposer des idées et des projets à partir desquels les électeurs feront leur choix. A ce niveau, nous sommes en retard par rapport aux démocraties occidentales.

¦ On parle d’une île Maurice moderne. Comment expliquer que le communalisme y ait toujours sa place ?

C’est une question fondamentale. Tout le temps, les gens disent qu’ils vont en finir avec le communalisme. Pourtant, on constate qu’il est toujours là. Je pense qu’il nous faut d’abord bien définir ce terme. Si on ne comprend pas une chose de manière adéquate, comment agir sur elle ? C’est lorsqu’on ne comprend pas un problème qu’on n’arrive pas à lui trouver une solution. Chaque Mauricien naît dans une religion. Il hérite, en conséquence, d’un mode de vie. C’est lorsqu’il y a détournement de sens que le Mauricien bascule dans le communalisme. Je crois qu’on ne finira pas le communalisme du jour au lendemain. Le problème, c’est que nous n’avons pas un fort taux de métissage. Très peu de Mauriciens sont métis. Le jour où ce pays vivra le métissage comme un phénomène naturel, bien des données changeront. Cependant, ce n’est pas facile. C’est même très difficile.

¦ Comment voyez-vous le rôle de la société civile mauricienne ?

C’est bien d’avoir une société civile active. Toutefois, il ne faut pas que certains de ses éléments développent une mentalité mercantile.

¦ N’avez-vous jamais été tenté de refaire de la politique ?

Oui et non. Lorsqu’on a donné sa vie à la politique – je m’y suis lancé à l’âge de 18 ans - il faut savoir partir et non pas attendre ses 90 ans. J’ai été actif entre 1968 et 1995. Je crois que c’est suffisant. Il faut savoir partir au bon moment comme cela se fait dans les grandes démocraties, qu’elles soient asiatiques ou occidentales.

¦ Quel est le regard que vous jetez sur votre ancien parti, le MMM ?

Je ne souhaite pas faire de commentaires surtout en cette période électorale. J’ai donné ma vie à ce parti. Cependant, il faut savoir que je n’ai jamais quitté le MMM. C’est le MMM qui m’a quitté.

Propos recueillis par Nazim ESOOF

Nazim ESOOF