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Rajesh Jeetah, ministre de la Santé et de la Qualité de la vie : « Maurice a une population très malade »
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Rajesh Jeetah, ministre de la Santé et de la Qualité de la vie : « Maurice a une population très malade »
Chaque pinte de sang livrée aux cliniques privées est vendue à Rs 1 500 depuis fin juin. Le ministre de la Santé nous explique pourquoi et en profite pour parler des projets ambitieux du ministère pour juguler le diabète et amener les Mauriciens à revoir leurs habitudes alimentaires et prendre soin d’eux.
Pour quelle raison avez-vous décidé de vendre le sang qui est recueilli gratuitement auprès des volontaires ?
Nous ne vendons pas ce sang. Nous réclamons cette somme auprès des cliniques privées, car si nous obtenons du sang gratuitement des volontaires, il nous faut déployer de grands moyens – caravane et tout un personnel qui sillonnent l’île, et campagne publicitaire – pour l’obtenir. D’autre part, il doit être traité par notre laboratoire, ce qui coûte de plus en plus cher alors que la demande en sang ne cesse de croître.
Nous demandons ce que l’on appelle un processing fee aux cliniques privées qui consomment environ 20% du sang que nous recueillons. Nous leur avons demandé de participer à ces frais afin d’améliorer la capacité de la banque du sang, d’offrir un meilleur service et de répondre à la demande accrue. Mais le sang sera toujours gratuit pour ceux qui sont transfusés dans les hôpitaux publics. Les Rs 1 500 ne s’appliquent qu’aux patients des cliniques privées.
Donc, on leur fait payer pour assurer la qualité. Mais les patients devront-ils payer pour que les services d’analyses médicales de vos laboratoires et les soins en général soient améliorés ?
Non, absolument pas. Les services de santé publique resteront gratuits. Je ne sais pourquoi en ce moment on parle de faire payer les analyses médicales effectuées par nos laboratoires. Ce service restera gratuit malgré d’énormes investissements que nous avons faits au laboratoire central de Victoria à Candos.
La seule chose qui sera payante, mais là aussi cela ne concerne que les Mauriciens et étrangers qui sont couverts par une assurance médicale, ce sont les services offerts par le centre cardiaque de Pamplemousses qui est géré par le Trust Fund for Specialised Medical Care.
Pendant combien de temps nos cardiaques et nos diabétiques, entre autres, n’auront droit qu’à une visite médicale d’environ deux minutes chaque trois mois dans les hôpitaux et dispensaires pour leur suivi médical ? Est-ce acceptable ?
Bien sûr que non. Nous avons recruté un grand nombre de médecins et nous investissons des milliards dans notre infrastructure hospitalière ainsi que dans des équipements high-tech. Plusieurs hôpitaux sont en voie d’agrandissement. Il faut qu’on dissocie médecine et service de santé de la politique et qu’on réfléchisse hors de toute politique partisane. L’île Maurice doit aujourd’hui se demander quand s’arrêteront les investissements pour plus de lits, pour plus de médecins et pour plus de médicaments. Est-ce qu’il y a une limite à ces dépenses pour une population de 1,2 million d’habitants ? Nous avons un budget de Rs 5,3 milliards pour nos services de Santé entièrement gratuits.
Ce budget est nécessaire car nos hôpitaux reçoivent chaque jour en moyenne 22 000 personnes, des accidentés, mais majoritairement des malades parmi lesquels on compte de plus en plus de jeunes. Une moyenne de 22 000 patients par jour, c’est beaucoup pour une population de 1,2 million d’habitants, ce qui fait dire que Maurice a une population très malade. Trop malade même.
Et ce problème va empirer et les services de Santé ne pourront pas répondre à la demande malgré les investissements dans de nouvelles infrastructures, des équipements et des médecins.
Que proposez-vous devant une telle situation ?
Nous avons déjà commencé des campagnes de prévention et nous avons utilisé la loi pour freiner la consommation de cigarette et d’alcool. Les Mauriciens dépensent Rs 13 milliards annuellement en cigarettes et alcool. C’est inadmissible, car cela indique que nous sommes parmi les plus gros consommateurs d’alcool et de tabac au monde. Nous avons adopté des lois sévères pour résoudre ce problème. Mais nous allons encore une fois devoir légiférer pour amener les Mauriciens à revoir leurs habitudes alimentaires. On a déjà banni les boissons gazeuses dans les cantines des écoles. Nous allons interdire la vente de bien d’autres produits alimentaires dans ces cantines et aux jeunes en général.
Je ne crois pas que c’est seulement avec des hôpitaux plus grands et avec encore plus de médecins qu’on résoudra les problèmes. Nous avons une population qui a une très forte prédisposition pour le diabète et les maladies cardiovasculaires. Cependant 75 % des hommes et 90 % des femmes ne font jamais d’exercices physiques. Une campagne de sensibilisation et les efforts de nos caravanes de Santé pour le dépistage de diabétiques et des hypertendus qui vivent avec cette maladie sans le savoir sont parmi les solutions.
Maurice a un fort taux de diabétiques dans la population – 20 % de tous ceux qui ont plus de 30 ans. Ne trouvez-vous pas aberrant qu’il n’y ait aucun diabétologue employé par le ministère de la Santé et encore moins une clinique pour traiter les diabétiques dans les hôpitaux ?
Quand je suis arrivé au ministère de la Santé, j’ai demandé ces mêmes choses. Vous savez que le diabète est une maladie qui donne lieu à plusieurs complications. Pas seulement aux pieds, mais aux yeux, au coeur et aux reins. Donc, il nous faut déployer toute une panoplie de services pour ces diabétiques. Nous avons déjà mis sur pied une unité de podologie à l’hôpital Victoria. Ne croyez pas que nous négligeons les diabétiques ou que nous avons baissé les bras devant l’étendue de ce problème. Bien au contraire. Nous avons de grands projets pour améliorer les soins et la qualité de vie de ces malades.
Que comptez-vous faire concrètement ?
Nous organisons une conférence internationale sur ce sujet du 12 au 14 novembre. Nous invitons des spécialistes étrangers ici pour qu’ils partagent avec nous leurs connaissances et les solutions possibles qui nous aideront à mieux prévenir et à mieux soigner nos diabétiques. Ce sont des sommités en diabétologie qui seront ici.
Nous avons aussi commencé une étude depuis assez longtemps sur le diabète. Deux spécialistes étrangers seront à Maurice sous peu pour continuer cette étude qui donnera des indications précises sur la voie à suivre. Par ailleurs, nous attendons un spécialiste britannique pour aider à améliorer les soins aux diabétiques. Nous avons d’ambitieux projets pour juguler le diabète.
Avez-vous abandonné l’ambition de donner aux Mauriciens des soins de santé équivalant à ceux de Singapour ?
Non. Cette vision, qui est celle du Premier ministre, n’a pas été abandonnée. Nous poursuivons nos efforts dans ce sens et elle se réalisera peut-être plus vite que prévu. Je fais des efforts pour mettre en place des écoles de médecine, des centres hospitaliers universitaires ainsi que des branches de cliniques privées internationales de grande réputation. Mais encore une fois, il faut se dire que la santé est l’affaire de tous, pas seulement du ministère ou du gouvernement. Les Mauriciens doivent prendre leur santé en main en termes d’alimentation et d’exercice physique notamment.
Propos recueillis par
Raj JUGERNAUTH - L''''express-dimanche
 
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