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Ram Seegobin : « Les politiciens sont uniquement intéressés par le partage du pouvoir »

21 août 2011, 17:04

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Fin commentateur de la vie politique mauricienne, le responsable du mouvement Lalit s''''indigne des gesticulations de nos dirigeants. Il déplore que ces derniers nous imposent leur agenda et que le peuple soit forcé d’assister à leurs séances de « tripotage ».


En tant qu’observateur, quel regard portez-vous sur ce qui se trame sur la scène politique ces jours-ci ?

Tout laisse croire que la saison des amours a commencé, le Mouvement socialiste militant s’étant séparé de l’alliance gouvernementale. Toutes ces rencontres autour de la réforme électorale et de la IIe République ne sont, en fin de compte, qu’un exercice de façade. Le Parti travailliste ainsi que le Mouvement socialiste militant cherchent, tout compte fait, un terrain d’entente avec le Mouvement militant mauricien.

Il n’est donc pas questions de réforme électorale mais plutôt d’alliances ?

L’on se pose la question, au niveau de Lalit, de savoir si les dirigeants de ces trois blocs sont réellement en train de discuter en faveur d’un élargissement de la démocratie. Ou de faciliter de nouvelles alliances ainsi que le partage de pouvoir entre leurs leaders respectifs.

Le peuple n’est pas dupe, la perception étant que les politiciens ont plutôt à cœur les nouvelles configurations. Leur manière de faire est agaçante car ils sont en train de nous imposer leur agenda. Les médias sont leurs relais et nous sommes là, bien malgré nous, des spectateurs de leurs séances de tripotage.

Quel est votre « feeling » quant à une alliance entre le MSM et le MMM ?

Je n’ai aucun feeling mais plutôt un sentiment de dégoût... C’est de l’indécence. La principale raison derrière ce rapprochement est de limiter autant que possible l’hémorragie au sein du parti de Pravind Jugnauth.

N’aurait-il pas fallu un référendum sur des sujets aussi sensibles que la réforme électorale et la IIe République ?  

Je ne crois pas que ce serait la solution idéale. On va seulement demander au peuple s’il est d’accord ou pas. Je suis davantage en faveur d’une méthode classique : une assemblée constituante où les partis politiques, de même que les académiciens ainsi que les syndicats peuvent exprimer leurs points de vue. C’est à la lumière des débats qu’on pourra y voir plus clair.

La IIe République n’est-elle, finalement, qu’un procédé pour perpétuer les dynasties politiques ?

Oui, je le pense. Il n’y aura pas de changement de la nature du pouvoir. Mais ces jours-ci, nous sommes face à un problème plus grave. Le gouvernement est composé de 90% de membres de l''exécutif et un d’un seul malheureux « backbencher ».

Ils sont tous dépendants du pouvoir arbitraire et discrétionnaire du Premier ministre. C’est un drame pour la démocratie. Ni Navin Ramgoolam, ni Paul Bérenger n’y prête attention, étant davantage intéressés par le partage de pouvoir entre un président et un Premier ministre.

Sinon, quelle est votre opinion sur ce bal de transfuges ?

L’histoire retiendra qu’entre 1976 et 1982, Sir Seewoosagur Ramgoolam, ne devait sa survie au pouvoir que grâce aux transfuges. A travers tous les gouvernements qui se sont succédés, il y a eu des transfuges.
Une personne a sans doute le droit de quitter son parti si elle n’est pas d’accord avec l’orientation qu’il est en train de prendre. Un problème va cependant surgir. Avec la réforme électorale, si la « party list » est adoptée, est-ce qu’un député pourra alors changer de camp ?

Est-ce que vous souscrivez aux explications de Jim Seetaram et de Mireille Martin pour justifier leur changement d’allégeance ?

La question qui doit leur être posée est : est-ce que vous aurez fait la même chose si un maroquin ministériel n’était pas en jeu ? J’aurais accordé de la crédibilité aux propos de Mireille Martin si elle n’avait pas obtenu un poste de ministre rien qu’au lendemain de sa démission du Mouvement socialiste militant.

Il ne faut pas se leurrer. Un transfuge est une personne en quête d’une carotte. Dans d’autres cas, c’est mieux pour certains de se trouver au pouvoir plutôt que dans l’opposition. Surtout si l’on traîne des casseroles ou si l’on est impliqué dans un quelconque trafic...

Vous insinuez qu’ils n’ont pas les mains propres ?

Je ne parle pas de ces deux-là. Mais d’autres qui ont fait le grand saut dans le passé.

Bérenger soutient que la compétence de son parti est requise aux Finances, au Tourisme et aux PME. Comment décodez-vous ce message ?

Je n’ai pas compris la logique vis-à-vis des PME. Mais pour les Finances et le Tourisme, il vise clairement le Parti mauricien social démocrate. Sa future alliance avec le Parti travailliste repose donc sur une condition : Navin Ramgoolam doit botter Xavier-Luc Duval hors du gouvernement. Les mauves n’ont jamais brillé au Tourisme, je ne vois pas d’autres explications. Il vient donc d’envoyer un message aux militants et s’il dit que l''alliance ne sera pas faite demain ou après-demain, c’est qu’il dispose d’une grande marge de manœuvre.

Le Mouvement socialiste militant accuse Mireille Martin d’avoir succombé à cause de l’argent. Y aurait-il un fond de vérité dans ces allégations ?

Le Sun Trust est bien mal placé pour faire ce genre d’accusation. Lui-même est impliqué dans des activités inacceptables. Le parti était au pouvoir quand il a loué des étages à des ministères et a fini par encaisser Rs 45 millions quand il était au pouvoir pour les contrats résiliés sous l’alliance rouge-mauve.

Il était également au pouvoir quand  la clinique MedPoint, un bien du clan Jugnauth, a été acquise. Pour la leçon de moralité, il devra repasser.

Si ses dirigeants du parti allèguent que Mireille Martin est partie à cause de l’argent, c’est qu’ils n’ont pu la retenir avec leur argent. Certains propos de Pravind Jugnauth le trahissent. Quand il accuse Mireille Martin d’être une députée « vente à l’encan », c’est qu’il y a eu une enchère. Et qu’il l’a perdue face aux travaillistes, n’ayant pas suffisamment mis le paquet.

Les associations créoles se félicitent de la nomination de Mireille Martin et de Xavier-Luc Duval. Qu’en pensez-vous ?

Elles font comme la Voice of Hindu. Lalit est foncièrement contre les nominations basées sur l’ethnicité. Tant que le système électoral et la Constitution cautionnent la représentativité communale, les Mauriciens continueront à réagir de la sorte. C’est la compétence qui doit primer avant tout et non l’inverse.

Il y a aussi Cehl Meeah qui veut entrer au gouvernement...

Je préfère ne pas m’étendre sur ce type... Je n’ai pas envie de gâcher ma journée...

Propos recueillis par Vel Moonien