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Rama Valayden : « Le budget est préparé sans exercice démocratique »
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Rama Valayden : « Le budget est préparé sans exercice démocratique »

Quels sont les effets d’avoir un ministère qui change régulièrement de ministre ?
L’un des premiers effets, c’est comme de se retrouver devant une télévision où il n’y a pas d’images. Où les sons sont discordants et contradictoires. Nous entendons des discours de tous les côtés sans que le contenu nous soit intelligible. Ni le public, ni les fonctionnaires du ministère concerné, ni les collègues du ministre ne reçoivent un message cohérent. C’est la raison pour laquelle il faut avoir un fi l conducteur, un dossier sur lequel on s’appuie, un plan basé sur le long terme. Cela ferait que même s’il y a changement de ministre, nous restons dans une certaine cohérence du ministère. Là où il n’y a pas de document de fond qui inscrit l’action du gouvernement dans le temps, il y aura inévitablement des zigzags en termes de politique générale, de priorités et de touche personnelle du titulaire en poste.
Comment est-ce que les fonctionnaires vivent les changements fréquents de ministre ?
Les fonctionnaires intériorisent l’idée que le ministre en place ne l’est que pour un temps donné. Ils savent que le ministre ne dispose que d’un certain temps pour mettre en pratique ses idées. Ils peuvent, par conséquent, être tentés de jouer avec cela. C’est le plus mauvais signal qu’on puisse envoyer quel que soit le domaine dans lequel on se trouve. Cela peut être source d’instabilité politique, institutionnelle et intra-institutionnelle. Un ministre a besoin de temps pour prendre connaissance de son ministère. Il doit réaliser son networking. Connaître les différents protagonistes et partenaires avec lesquels il doit travailler. De surcroît, s’il n’est pas un leader dans son domaine, c’est l’échec garanti.
Comment est-ce que les gens perçoivent ces instabilités ?
Le politique est censé intervenir afin d’améliorer la vie des gens. Qu’est-ce qui se passe lorsque la vie de ces gens ne va pas pour le mieux ? Prenons l’exemple de l’eau. Cette question est essentielle à la vie de tous les citoyens et cela tous les jours. Or, il n’y a pas de vision dans ce secteur aujourd’hui. Il suffit que le directeur de la Central Water Authority (CWA) accorde une interview pour que le contenu de ce qui est publié devienne le plan directeur de son secteur. Il n’y aura pas eu en amont de réel projet. Un projet basé sur des faits, sur des réalités, sur la viabilité, sur les besoins des citoyens… Vu la situation aujourd’hui, il est inévitable que les citoyens se disent, à propos de l’eau, qu’ils peuvent se passer de gouvernement. De la même manière, on peut dire que le ministère de la Jeunesse et des Sports peut fonctionner sans ministre. Ce ministère n’est en effet que pourvoyeur d’argent.
Revenons au budget. Différents budgets pour trois différents ministres sur ces trois dernières années, quelle lecture en faire ?
Dans le fond, il n’y a pas de changement. Le dernier en date ne se démarque pas des précédents. Par exemple, depuis trois ans, on dit vouloir inscrire l’île dans le développement durable. Mais cela ne se traduit pas dans les budgets. Le mieux-vivre, la joie de vivre, le bonheur sain ne font pas partie des priorités du budget. Aujourd’hui comme avant, le budget continue à être préparé sans qu’il n’y ait eu un exercice démocratique. Dans la forme, chacun essaie d’apporter sa touche. En fin de compte, il n’y a que quelques variantes. Le premier souci d’un ministre, c’est d’éviter les écueils des critiques car, de toutes les manières, il n’y a aucune vision à long terme.
Propos recueillis par Nazim Esoof
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