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Raouf Bundhun : «Ramgoolam se dit rassembleur, mais l’est-il vraiment ?»

19 septembre 2010, 05:36

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L’ancien vice-président qui a lancé sa biographie le mercredi 15 septembre livre ses réflexions sur le monde politique. Ses commentaires sont loin d’être complaisants.

 Vous avez dit dans votre discours mercredi lors du lancement de votre biographie «On the wings of destiny», que vous espérez que la postérité se souviendra de Navin Ramgoolam comme d’un rassembleur. Est-ce à dire que vous n’estimez pas qu’il l’est déjà ?

Ecoutez, le contexte dans lequel j’ai dit cela est le suivant : nous avons eu sir Seewoosagur Ramgoolam qui nous a mené à l’indépendance et il est connu comme le père de la nation. Sir Anerood Jugnauth est lui connu comme le père du développement économique du pays. Je voudrais savoir ce que les gens retiendront de l’actuel Premier ministre qui en est à son troisième mandat. Il dit partout qu’il est un rassembleur. J’aurais personnellement voulu qu’il soit reconnu par l’Histoire comme un vrai rassembleur de tous les Mauriciens indistinctement.

Vous mentionnez qu’il dit être un rassembleur. Pensez-vous qu’il le soit ?

Il le dit. L’a-t-il fait jusqu’ici ? Est-ce que cela se traduit dans la réalité ? Je pense qu’il doit être beaucoup plus actif à ce niveau. Il faut qu’il soit un homme d’état. Son gouvernement a passé une loi au Parlement connue comme l’Equal Opportunities Act. Cette loi n’a pas encore été proclamée – qu’attend-t-on ?

Je crois que l’«Equal Opportunities Bill» résume bien la situation on tient un discours mais cela ne se traduit pas nécessairement dans les faits !

Exactement. Et on le voit un peu partout.

Voyez les nominations dans les organismes parapublics par exemple. Il y a beaucoup de bons éléments qui ne sont pas retenus et les postes vont aux gens qui sont proches des partis politiques au détriment du talent.

Vous semblez surpris. Or vous êtes dans la vie publique depuis plus de 40 ans la situation s’est-elle à ce point détériorée ?

La situation en générale s’est beaucoup améliorée au contraire le pays a décollé et le pays a avancé de façon fulgurante. Et au départ, nous avons eu la chance d’avoir quelqu’un comme SSR qui a amené des différents talents au sein de son gouvernement.

Il n’a pas hésité à mettre Sookdeo Bissoonsoyal à la porte et à faire appel à son adversaire acharné, Gaëtan Duval, pour le développement du pays. Nous savons ce que ce partenariat a donné par la suite – un développement fulgurant.

Et là où se trouve le pays aujourd’hui, je crois que ç’aurait été idéal si le Parti travailliste s’alliait au MMM. D’ailleurs je l’ai dit avant les élections.

Pourquoi le redites-vous ?

Mais avec la crise économique, avec le manque de confiance qu’il y a eu dans le passé - il y a une bonne partie de la population – plus de 40% – qui ne se sent pas incluse dans ce gouvernement. Mais si l’on veut créer un élan patriotique, si l’on veut avancer la cause de l’unité nationale, je pense qu’une alliance PTr-MMM amènera la stabilité dont le pays a besoin pour avancer.

Et Navin Ramgoolam est l’homme idéal pour faire cette alliance car il a le charisme de rassembleur. Je pense cependant qu’il est parfois mal entouré et donc mal conseillé car souvent il y a des organisations socioculturelles qui se l’accaparent.

Voyez Dulthumun par exemple.

Enfin je pense qu’il faudrait accorder un peu de crédit au jugement du Premier ministre ! Pourquoi dit-on qu’il est mal entouré à chaque fois qu’on n’est pas d’accord avec lui ?

(Hésitations…) Oui peut-être. Vous savez quand on est chef, l’on se retrouve très souvent isolé dans la prise de décision. Uneasy lies the head that wears a crown. Mais je crois que tôt ou tard, les politiciens doivent prendre une décision qu’il arrêtent de prendre la parole à des fonctions religieuses. Laissons cela aux prêtres, aux pandits et aux maulanas. Il faut une séparation complète et sur cela, je dis chapeau à l’église catholique.

Je vous fais remarquer que vous risquez de vous attirer les foudres du Premier ministre car il n’aime pas que les gens disent qu’une alliance avec le MMM aurait été préférable à une alliance avec le MSM et surtout pour les raisons que vous avancez !

Mais pourquoi ? Il était en train de négocier avec le MMM, non ?

Votre remplaçant au poste de vice-président, Angidi Chettiar, nous a quittés récemment et la question va se poser quant à son remplacement. Mais beaucoup pensent que ce poste est une sinécure.

A quoi sert un vice-président ?

Le poste n’est pas défi ni dans la Constitution qui prévoit qu’il y ait un vice-président qui remplace le président quand ce dernier est absent. Mais ce que le vice-président fait ou ne fait pas dépend de la personne qui occupe ce poste. Monsieur Chettiar qui était une bonne personne a été très discret dans ses activités à tel point que les gens pensent qu’il n’a rien fait. Mais quand moi, j’étais vice président, je vous assure que le poste n’était pas une sinécure. J’étais très actif sur le plan social, sur le plan culturel et sur le plan éducatif. J’ai essayé de promouvoir la lecture parmi les jeunes. Un vice-président doit être comme un président au-dessus de la mêlée, qui incarne l’unité nationale, comme Cassam Uteem l’a été.

Vous voulez dire que Sir Anerood ne l’est pas ?

Je ne dis pas cela. SAJ a été un excellent Premier ministre mais je crois qu’un président a un devoir de réserve. Je ne me suis jamais mêlé à la politique active quand j’étais vice président. Pour en revenir à la question, un vice-Président doit épauler le président.

Mais même le Premier ministre est d’avis que le poste est inutile !

Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. Je sais que même le rapport Sachs a dit qu’il fallait abolir ce poste mais je crois que dans un pays multiracial, c’est important de faire la part des choses. Chaque composante de la société mauricienne doit se sentir partie prenante dans le pays.

C’est donc à cela que le poste sert !

Ce n’est pas un peu insultant pour la personne qui occupe le poste ? D’être un vase à fleur ?

(Rires…) Vous me posez une question bien délicate. Tout ce que j’ai à dire, c’est que ce n’est pas la fonction qui fait l’homme mais l’homme qui fait la fonction ! Tout dépend de ce que vous voulez faire.

Quand on a eu une carrière comme la vôtre, que se passe-t-il après une longue carrière en politique, après cinq ans passés à la vice-présidence et après avoir publié sa biographie ?

(Rires…) S’il y a une possibilité que je sois nommé président de la République, je dirai pourquoi pas ? Ce serait le summum de ma carrière publique mais la réalité est que tout cela dépend des grands seigneurs qui dirigent notre pays !

Et cette interview risque de déplaire au grand Seigneur !

Ecoutez, j’estime que quand j’ai terminé mon mandat de vice-président, je suis un homme libre et je peux exprimer mes opinions.

Disons que les propos que vous tenez sont assez surprenants par ce qu’on a tellement l’habitude d’avoir affaire aux gens qui préfèrent caresser les dirigeants politiques dans le sens du poil !

J’ai toujours été franc. Je ne crois pas dans «ou mem mama, ou mem papa». Je sais qu’il y a des gens comme cela surtout quand ils ont besoin d’une petite faveur. Ce n’est pas mon cas.

Pourtant vous qui n’êtes plus politicien, vous vous dites Ramgoolamiste !

D’abord, je ne suis membre d’aucun parti politique ! J’ai mes convictions et elles sont personnelles. J’avais dit soit en 1983 ou en 1985 que j’étais un Ramgoolamiste parce que des amis comme Cassam Uteem et Jayen Cuttaree cherchaient des candidats pour les élections municipales et j’avais dit que j’étais quelqu’un qui appartenait à la clique PTr- CAM. C’était l’époque de la débandade du PTr et beaucoup l’avaient abandonné. Je suis allé rencontré Paul Bérenger et je lui ai dit que je n’étais pas un militant mais un Ramgoolamiste.

Malgré cela, il m’a demandé d’être candidat. C’était important pour moi de préciser cela car je croyais terriblement en bolom Ramgoolam car il était un rassembleur et il était un homme élégant dans tous les sens du terme. Donc Ramgoolamiste oui mais c’était à l’époque.

Je crois que c’est important de préciser que c’est grâce au MMM que je suis devenu maire de Quatre-Bornes, que je suis redevenu député, que je suis devenu ambassadeur à Paris.

C’est toujours le MMM qui m’a nommé vice président de la République. Pour cela, je suis infiniment reconnaissant envers le MMM et son leader Paul Bérenger.

Mais vous ne l’aviez pas invité au lancement de votre biographie ?

Si, je l’ai invité mais il était pris ailleurs et n’a pas pu se déplacer. Donc j’ai de bonnes relations avec tous les leaders politiques de tous bords. Certains disent méchamment que je ménage la chèvre et le chou mais laissez moi vous poser une question – combien de travaillistes étaient des militants dans le passé ?

Les Sheila Bappoo, Rashid Beebeejaun, Dharam Gokhool etc – n’étaient-ils pas au MMM ? Ne finançaient-ils pas le parti ? Je me souviens qu’à l’époque, quand je portais ma cravate rouge, ces mêmes personnes se moquaient de moi. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus quitter leur cravate rouge !

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN