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Ravin Dwarka : « Rendre publiques les archives du MGI pourrait causer des émeutes »

25 juin 2011, 08:38

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? Le MGI insiste sur le fait que certaines informations contenues dans ses archives, à savoir la caste et la religion des immigrants Indiens, sont de nature sensibles. Pourquoi ?

Le MGI considère effectivement ses archives comme des documents classés secrets (NdlR classified) et confidentiels, d’où nos précautions avant de les mettre à la disposition de la CJV. Ces archives concernent des informations sensibles sur l’immigration Indienne. Le Mauritius Archives Act de 1999 donne le droit et le pouvoir au MGI de retenir certaines informations si nous pensons que cela peut causer préjudice. En conséquent, notre politique est que nous ne divulguons pas les informations sur les castes et religions d’origine à une tierce personne.

? Pourquoi ?

Il y a eu, il y a huit ou neuf ans, certaines mauvaises expériences, qui ont fait que nous avons revu notre politique.

? Quel genre de mauvaises expériences ?

Il y a eu des gens qui ont appris que les détails de leur caste d’origine avaient été divulgués à d’autres personnes. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais les personnes concernées ont été bouleversées et c’est à la suite de cela que le MGI a pris la décision de ne pas divulguer ces informations aux tierces personnes.

? Mais cette information est disponible pour ceux directement concernés ?

Tout à fait. Si vous venez au MGI et demandez des informations sur vos ancêtres, vous aurez accès à toutes nos informations, y compris la caste et la religion déclarée par votre ancêtre lors de son débarquement à Maurice. Mais ces informations ne peuvent pas être divulguées au public car nous les considérons sensibles et nous pensons que cela a trait à la vie privée des individus.

? Pourquoi certains groupes socioculturels sont-ils venus soutenir le MGI en disant qu’il ne fallait pas ouvrir cette base de données ?

J’ai effectivement lu cela dans la presse, comme tout le monde, mais je ne comprends pas la logique derrière. Qu’ils assument la responsabilité de leurs actions. Cela n’a rien à voir avec moi ma responsabilité est envers le MGI et il n’était jamais question de refuser l’accès de ces archives à la CVJ.

? A qui appartiennent ces archives ?

A l’Etat. Les archives se trouvaient initialement au Sunray, avant d’être déplacées aux Archives nationales. À l’époque, SSR et d’autres ministres avaient décidé de faire du MGI le gardien de ces archives. Ils savaient qu’éventuellement arriverait le moment de les déclassifier, à cause de la nature même de l’évolution.

? Ce moment-là n’est pas encore arrivé ?

Non. Mais il viendra. Quand la société aura suffisamment évolué.

? La société, ou les politiques ?

La politique n’a rien à voir là-dedans.

? N’est-il pas vrai de dire qu’en fait, ce sont les politiciens qui ne veulent pas bousculer l’ordre établi et qui ne veulent donc pas que ces informations soient rendues publiques ?

Le MGI a pris sa décision en tant que gardien de ces archives. Nous sommes gouvernés par une loi très claire et nous agissons en conséquence. Et je ne vois pas pourquoi nous en faisons toute une affaire. Si un historien veut faire un travail de recherches, ces archives lui sont ouvertes. Si une personne veut connaître ses origines, nos archives sont disponibles. Quel est le problème ?

D’ailleurs, c’est pour cela que SSR et ses ministres les avaient fait transférer au MGI, parce que les informations sur la caste et la religion étaient trop sensibles et qu’il fallait les protéger. Ces archives peuvent causer des émeutes et menacer l’unité nationale.

? Comment cela ?

Avant de vous répondre, j’aimerais vous expliquer le rôle que le MGI a joué à Maurice. Les gens d’origine Indienne, quelle que soit leur religion, ont un sens de l’identité, un sens de qui ils sont, d’où ils viennent. Ce n’est que quand il est fier de ses origines qu’un individu peut être un citoyen constructif. Celui qui ne connaît pas ses origines fait face à une crise identitaire parce qu’il ne sait pas d’où il vient. Il aura donc une approche négative et ne sera pas un citoyen responsable. Le MGI a travaillé très fort pour donner à ces gens une identité. De plus, la question de la caste est en train de perdre de son importance.

? Mais n’est-ce pas la raison même pour laquelle vous refusez de rendre publiques vos archives ?

Je parle des relations interpersonnelles. Mais en rendant publique ces archives, nous allons ramener la question de castes au-devant de la scène. Est-ce responsable ? Let the sleeping dog lie. Laissons la société continuer à évoluer - et je pense qu’elle évolue dans le bon sens.

? Ne ratons-nous pas là une occasion de crever l’abcès ? Rendons publics tous ces documents pour réaliser à quel point ce qui nous divise est futile !

Non, je ne pense pas.

? Il y a une contradiction dans ce que vous dites : une personne qui connaît son identité est une personne positive, dites-vous. Or, si j’ai bien compris, il y a beaucoup de Mauriciens qui ont été induits en erreur ou qui se sont induits en erreur. Cela veut dire que leur «identité» n’est pas réelle. Ne sommes-nous pas pour la vérité ?

Mais pourquoi ? Qu’est-ce que cela va apporter ? A part blesser des gens ? Si quelqu’un veut en avoir le coeur net sur ses origines, laissez-lui la liberté de le découvrir.

? Mais quatre ou cinq générations après, ces informations ne font-elles pas partie de notre histoire, de notre patrimoine ? Pourquoi continuer de les considérer ‘sensibles’ après tant d’années ?

A la CJV mercredi, ils m’ont dit qu’ils avaient besoin d’informations pour les aider dans leurs recherches historiques, mais que, dans leur rapport, ils ne feraient pas faire mention de l’individu. Vu comme cela, avec cette approche, ce que vous dites est parfaitement en ligne avec ce que nous faisons.

? Si j’ai bien compris, à Maurice, le système de caste tel que nous le connaissons, de même que ses répartitions, ne sont pas exactes parce que beaucoup de gens ont menti sur leur caste, après leur arrivée ici ?

Je ne commenterai pas là-dessus. Du moins, pas au-delà du fait de vous confirmer que beaucoup de personnes bien établies dans leur caste ont été choquées de se rendre compte, après des recherches, qu’ils n’appartiennent pas à cette caste. N’humilions pas ces gens publiquement.

Entretien réalisé par Deepa Bhookun

Deepa Bhookun