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Reza Issack : « Il y a autant d’amour que de haine entre le PTr et le MSM»

24 avril 2011, 10:27

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Il cite Gainsbourg et porte les lunettes de Polnareff : deux bonnes raisons de faire confi ance au succulent Reza Issack député travailliste pour décoder la vie conjugale de la majorité gouvernementale.

Si une petite souris s’était glissée lundi après- midi au bâtiment du Trésor, qu’aurait- elle entendu ?

Des rires, une ambiance de réconciliation.

Je crois qu’on a mis les choses à plat.

Ça y est, PTr et MSM sont prêts à refaire des bébés ?

( Rires) Avant, il faudra corriger le tir : être une équipe plus soudée, plus solidaire.

Le Premier ministre ne veut plus que l’on se déteste et que l’on fasse le jeu de l’opposition.

A la fin de la réunion, il a pris la parole : « Bann backbencher, zot lib. Dan Parlman zot kapav poz kestyon ki zot anvi, mo touzour donn zot sa liberte la. Selman, zot bizin kone ki zot form enn lekip. Bizin respekte bann limit sa liberte la. »

Suffisant pour crever l’abcès ?

Tout le monde a compris qu’il n’y a qu’un seul chef, qu’il est indiscutable et qu’il ne veut plus de guéguerre.

N’a- t- il pas tardé à reprendre la main, ce chef ?

C’est son mode de fonctionnement. Dans un premier temps, Navin Ramgoolam vous laisse faire. Il observe en silence, il ne vous dit pas ce qu’il pense. Ensuite, quand il estime qu’il est temps d’agir, il sort le rotin bazar . Lundi cependant, je l’ai trouvé extrêmement calme, maître de lui- même.

Cette réconciliation n’a- t- elle pas été un brin surjouée ?

Vous trouvez ?

Les murmures à l’oreille, les regards complices, les sourires en coin…

Quand on a réalisé que l’on s’était détestés pour rien, on s’est aimés en proportion. ( Rires) A dire vrai, il y a autant d’amour que de haine entre le PTr et le MSM, c’est je t’aime moi non plus. Peut- être même qu’à force de faire semblant on finira par s’aimer vraiment…

Pensez- vous que Nita Deerpalsing est allée trop loin ?

Non, c’est son tempérament. Je connais bien Nita, c’est une femme passionnée, très indépendante, on a besoin de gens comme elle. Surtout, qu’elle reste elle- même.

Cette semaine au Parlement elle s’est tenue à carreau…

Chassez le naturel il revient au galop ! Il faut s’attendre à tout avec Nita, elle peut exploser à tout moment.

La dernière insoumise ?

Non, elle aime trop le Premier ministre pour défi er son autorité.

A- t- elle tout de même reçu une petite fessée ?

Certainement. Mais une fessée du Premier ministre, elle l’accepte. Par respect.

Pendant des mois, les parlementaires MSM et travaillistes ont joué les tartufes en niant tout problème relationnel. Étaitce la bonne stratégie ?

Non. En politique, il faut être franc, honnête et transparent. Mentir, ou plus grave, se mentir, est toujours préjudiciable. Or c’est ce que nous avons fait. Il y avait un problème, tout le pays le savait, et nous faisions comme si tout allait bien. En niant les problèmes, nous les avons amplifi és. Il aurait fallu crever l’abcès plus tôt.

Assumer ses différences plutôt que les camoufler ?

Exactement, dire les choses telles qu’elles sont. ( Une sonnerie improbable retentit de son téléphone) Excusez- moi, je dois prendre cet appel. « Allô, oui madame. Les banderoles ? Mo pas pran li taler » …

Vous avez téléchargé la sirène de Fukushima ?

C’est l’alerte rouge, une sonnerie spéciale réservée au Bureau du parti, au Premier ministre et au vice- Premier ministre. ( Rires)

Pourquoi les relations avec le MSM ont- elles été si tendues ces derniers mois ?

L’origine du malaise remonte au résultat des élections générales. Certains travaillistes n’ont pas digéré le fait qu’autant de MSM sortent en tête de liste. Déjà, pendant la campagne, des bruits couraient sur un travail souterrain du MSM pour nous barrer la route. Cela a nourri les rancoeurs. J’ai vu, j’ai entendu ces frustrations. Pour moi, le malaise a commencé là. Ensuite, tout le monde a voulu être ministre ou PPS et les problèmes d’ego ont ressurgi.

Comprenez- vous ces frustrations ?

Non. Pour moi l’essentiel c’est d’être élu, le reste est secondaire. L’important est d’avoir gagné les élections, d’être au pouvoir et de servir son pays. Je dis souvent : « I’m very happy with what I don’t have » , cette philosophie me rend heureux. Vous savez, j’étais orphelin à 12 ans. Quand j’étais gosse, j’ai désiré des tas de choses que je n’ai jamais eues. La vie m’a appris à me contenter de ce que j’ai.

Le MSM s’est- il avéré être un partenaire trop gourmand ?

Non, c’est une fausse perception au sein du Parti travailliste. De toute façon, une fois que vous êtes élu vous n’appartenez à aucun parti, vous devez travailler pour tout le monde.

Moi, je le vois comme ça. Je n’ai pas envie de devenir un pense- petit, un jaloux, un mesquin, un frustré.

L’affaire MedPoint a- t- elle transformé l’allié en boulet ?

Quand la presse et l’opinion publique se posent des questions, on s’en pose aussi. Il y a des choses qu’on aurait aimé comprendre.

Jusqu’à présent, Pravind Jugnauth et Maya Hanoomanjee se dédouanent. Ils disent que tout est clair, qu’ils n’ont rien à se reprocher…

Ça vous convient comme réponse ?

Je suis comme Saint-Thomas, je crois ce que je vois, j’attends les conclusions de l’ICAC. En attendant, je ne connais ni les chiffres ni les faits. Remarquez, parfois, c’est bon de ne pas savoir. « Blessed ignorance ! », disait Shakespeare

Ce genre de sous-entendu ne pourrait pas vous valoir des ennuis ?

Les honnêtes gens n’ont jamais d’ennuis.

Une fraction travailliste n’a toujours pas digéré les 18 tickets offerts au MSM.Cette énigme n’a-t-elle pas gâché la lune de miel ?

Une frustration est née chez ceux qui n’ont pas eu de tickets, c’est eux qui rouspètent le plus. Regardez Mahen Gowressoo...

Cette crise, au fond, n’est-elle pas celle du PTr avec… le PTr ?

Il y a de ça, effectivement. On se bagarre peut-être plus souvent entre nous qu’avec notre partenaire.

Pensez-vous que cette alliance ira à son terme ?

Dans un couple, ce n’est pas parce que l’on se déteste que l’on va divorcer. Le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire. Je crois que nous irons au bout, même si nous ne sommes pas à l’abri d’un imprévu. Ce dont je suis sûr, c’est qu’une cassure fragiliserait énormément le Parti travailliste.

Quels sont les dénominateurs communs de cette alliance ?

(Longue réfl exion) Je ne sais pas…

Vous ne savez pas ce qui vous rapproche avec le MSM ?

Si, l’ethnopolitique. Quand le MSM et le PTr s’allient, l’unité de la communauté hindoue se fait. Politiquement, c’est important de construire ce bloc. La stratégie du Premier ministre est d’unir les hindous, et ensuite de tendre la main aux autres. Navin Ramgoolam est un rassembleur, là-dessus il n’y a aucun doute.

Quel est le mood au sein la communauté musulmane ?


Il y a des petites déceptions. Mais globalement, les musulmans se sentent
mieux aujourd’hui qu’avant les élections. Il faut dire qu’ils ont été tellement bernés dans le passé. Je vais vous surprendre : les musulmans aiment davantage Navin Ramgoolam que la plupart des ministres et des députés musulmans.

Un remaniement post-1erMai, vous y croyez ?

Ce n’est pas exclu. Je pense que le Premier ministre attend les conclusions de l’ICAC sur l’affaire MedPoint.

On dit que Maya Hanoomanjee est déjà grillée…

Peut-être mais vu que Nando Bodha veut interdire les grillades...

Il y a pile un an, la mort a flirté avec vous. Comment en êtes-vous revenu ?

(Très ému) Il a fallu que je sois sur le point de mourir pour réaliser ce qu’était la vie et l’amitié. J’ai fait le tri, j’ai compris qui étaient ceux qui m’aimaient vraiment.

Sinon, Michel Polnareff aimerait savoir quand vous lui rendrez ses
lunettes.

Le jour où il arrêtera de montrer son tonkin !

Vous ne savez pas que ce mot peut valoir une excommunication ?

(Eclat de rire)

Entretien ralis par Fabrice Acquilina