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Rohit Ghai, Chef d’entreprise, troisième dan de karaté : «Le kyokushin a fait de moi ce que je suis»

13 janvier 2011, 00:00

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Rohit Ghai, Chef d’entreprise, troisième dan de karaté : «Le kyokushin a fait de moi ce que je suis»

? Est-ce votre première visite à Maurice ?

– J’étais venu à Maurice au mois de janvier. C’était pour une brève période de quatre à cinq jours. C’est ma deuxième visite cette année (Ndlr : en 2010), elle est plus longue. Je suis arrivé le 29 novembre, je repars le 10 décembre.

C’est une visite plus longue cette fois, comparée à la précédente qui fut plus mouvementée.

? Vous êtes ici en vacances ?

– Non, je suis ici pour des raisons professionnelles.

? Grâce à Internet, vous vous êtes fait des amis mauriciens qui pratiquent le même sport que vous…

– J’étais venu ici dans le passé et quel que soit le pays où je vais, j’essaie de trouver le centre où se pratique le karaté kyokushin. Quand j’ai le temps, je m’y rends pour voir comment s’entraînent les karatékas, pour discuter avec eux. C’est un domaine qui m’intéresse énormément.

Il y a quelque temps, j’étais sur Internet et j’ai vu le site web du kyokushin mauricien. J’y ai vu le nom du sensei Jeewa et les événements qu’il organise.

J’ai vu aussi qu’il y avait un tournoi prévu dans un futur proche. Je voulais m’y rendre et voir les combattants à l’oeuvre. C’est comme ça que j’ai pris  contact avec les responsables locaux. Je les ai appelés et ils ont eu la gentillesse de réagir promptement. Shihan Jeewa est venu me voir à l’hôtel, nous avons parlé.

Nous avons eu une discussion très intéressante au sujet de la pratique du kyokushin à Maurice et dans le monde. Nous avons évoqué ensemble comment cette pratique a influé sur notre existence à tous les deux.

? Cela fait longtemps que vous faites du karaté kyokushinkai ?

– Je pratique le karaté kyokushinkai depuis 1990, donc cela fait vingt ans maintenant. J’avais 13 ans à mes débuts.

? Quel niveau avez-vous atteint ?

– Je suis ceinture noire troisième dan. J’ai obtenu ma ceinture noire en 1997. En 2004, j’ai été promu troisième dan.

? Vous avez transposé dans votre vie de tous les jours, et dans votre vie professionnelle, les leçons et enseignements du karaté…

– Nous en avons parlé, le shihan Jeewa et moi. Le kyokushin a fait de moi ce que je suis. La raison en est que la philosophie du kyokushin, la façon de pratiquer tous les jours, de regarder les choses est très différente. S’il n’y avait pas eu le kyokoushin, si je n’avais pas pratiqué le karaté, il se peut que j’eusse été quelqu’un d’autre. J’aurais réalisé moins de choses que je n’en ai réalisées jusqu’ici.

Depuis tout le temps que je pratique et j’enseigne le kyokushin – j’ai enseigné en Inde, je ne le fais plus depuis –, quand j’enseignais j’étais en mesure de partager cette approche avec mes élèves également.

Comment le kyokushin a influé sur ma vie ? C’est difficile à dire parce que tout ce que je fais, tout ce que je dis est basé sur les enseignements de mon maître, shihan Rakum. Il a été mon guide depuis le début. Jusqu’à présent, quand je dois discuter de choses importantes, je me tourne vers lui. Notre relation – la relation sampai-kohai – est sacrée. C’est ce que j’ai transposé dans le groupe que je dirige aussi. Quand je recrute quelqu’un, je le considère comme étant un kohai, un junior, et je me demande comment je peux lui transmettre ma philosophie et mon expérience. Ce n’est pas uniquement une relation de travail de 9h à 17h. C’est plus un partage d’expérience, l’apprentissage d’un enseignement, pour eux et pour moi.

? Quelles sont ces leçons à retenir ?

– Le karaté kyokushin tient tout entier dans la combativité. Dans le karaté kyokushin, il n’y pas de blocages, on combat, et puis on prend des coups. On prend des coups et on apprend à relever les défis. On ne fuit pas les situations qui se présentent à nous. On apprend à y faire face, vous apprenez à accepter la douleur, comment vous préparer à accepter cette douleur. Après cela, comment obtenir la victoire. Quand vous combattez, mon maître le dit toujours, ce n’est pas une question de coups de poing ou de pied, c’est un état d’esprit, celui du combattant.

Cet esprit du combattant que je vois dans ma vie de tous les jours, c’est ce que m’a transmis le kyokushin. C’est mon esprit combatif.

Quand je me retrouve en face d’un problème, je le considère comme un combat. Ce n’est pas une question de gagner ou de perdre, c’est une question de combat, une question d’objectif à atteindre. C’est ce que le kyokushin m’a apporté.

? Est-ce que le sport peut aider un homme d’affaires à réussir dans son entreprise ?

– Oui, énormément. Dans le monde des affaires, les gens se plaignent toujours de n’avoir pas le temps de faire des exercices physiques, de faire du sport. Je ne suis pas d’accord du tout avec cette affirmation. Il y a vingt-quatre heures dans une journée, personne ne travaille vingt-quatre heures d’affilée. Je m’offre personnellement trente minutes, c’est plus que suffisant pour moi pour faire une centaine de sauts, de squats, donner quelques coups de poing et de pied. Et je me sens d’attaque pour la journée. Et plus que cela, le sport c’est surtout une question d’état d’esprit. Quel que soit le sport. Je peux seulement parler de kyokushin car c’est le sport que je pratique.

L’état d’esprit dont vous héritez, cet esprit combatif, est très important dans le monde des affaires. Il y a beaucoup de situations dans les affaires où vous risquez de ne pas trouver la bonne voie à suivre. Vous avez besoin alors d’être guidé, d’être poussé. C’est ce que le sport peut vous apporter. Un esprit sain et un corps sain. C’est ce qui est le plus important pour tout individu engagé dans les affaires ou le travail en général. Je pense que le sport peut contribuer positivement dans le monde des affaires.

? Quelles sont ces valeurs que le sport et les affaires ont en commun ?

– La première est la relation que vous avez avec vos employés. Je considère mes employés comme mes kohai, mes juniors.

C’est quelque chose de très pertinent en karaté, c’est la relation sampai-kohai. Ce n’est pas une relation limitée au cadre maître-élève, elle va bien au-delà. Quand un kohai arrive le premier jour, il est ceinture blanche. Le sampai peut être ceinture noire et ils combattent. Le sampai n’y va pas de main morte. Il lui donne un coup et l’envoie au tapis. Des gens peuvent dire que ce n’est pas la meilleure façon d’agir, qu’il faut guider le débutant, le nourrir à la petite cuillère et faire ce qu’il y a à faire. Mais en kyokushin, cela ne se déroule pas ainsi. La ceinture blanche doit apprendre l’état d’esprit qui caractérise notre pratique, comment se battre. Et même s’il ne décoche qu’un coup de poing ou qu’un coup de pied avant de s’écrouler, il sera considéré, en raison de ce geste, comme ayant réalisé quelque chose.

De la même façon, avec les employés, je pense que la meilleure façon de leur faire apprendre le métier est de leur donner du travail, beaucoup de travail, et veiller à ce qu’ils ne reviennent pas vers vous avant d’avoir terminé.

J’ai appris, par expérience, que les gens apprennent ainsi bien plus vite. Une fois qu’ils ont appris comment faire le travail, ils n’oublient jamais. Le côté «nourrir à la petite cuillère» n’a pas de place dans cette approche. La relation sampai-kohai est l’aspect que j’ai transmis, la valeur que j’ai apprise du karaté et que j’ai enseignée à mes employés dans le monde des affaires. La deuxième valeur est l’esprit combatif.

Dans le kyokushin, la seule chose qui compte, imaginez que vous avez en face de vous un adversaire qui fait 100 kg et qu’il vous est impossible de le battre, vous pouvez penser, c’est ce que dit mon maître, vous devez penser que vous êtes en mesure de battre cet adversaire.

Et croyez-moi, cela agit. Donc, l’esprit combatif est important. Il ne faut pas se soucier de gagner ou de perdre, il faut participer, donner le meilleur de soi et tant que vous n’êtes pas tombé, vous ne devez pas vous arrêter. Le même principe s’applique dans les affaires.

Je suis engagé dans les affaires légalement depuis un an, nous avons connu une expansion dans trois pays, nous avons bâti un bon climat, tout cela a été rendu possible parce que j’ai pu faire face aux défis. Je n’aurais pu faire cela sans le soutien des arts martiaux. Ce sont les deux valeurs les plus importantes qui ont migré du karaté vers le monde des affaires. Cela s’est passé très bien.

Je voudrais aussi mettre l’accent sur l’organisation. J’ai organisé des tournois en Inde. L’organisation est différente en kyokushin car vous en prenez l’entière responsabilité. Vous avez vos kohai en place, votre équipe, c’est un one-manshow.

Vous organisez quelque chose et tout remonte jusqu’à vous. Je parle de tournois au niveau d’un district, au niveau national. J’ai organisé de tels tournois depuis que j’ai 16-17 ans. C’est quelque chose qui a migré aussi. Je suis fort dans ce domaine. Je suis capable de gérer 50 à 100 personnes.

C’est aussi quelque chose que j’ai appris du kyokushin, organiser des tournois, des manifestations. Cela a influé sur mon engagement dans le monde des affaires, où je gère un grand nombre de personnes et j’opère en toute quiétude.

? Les perspectives sont-elles favorables ici à Maurice, tant dans le domaine des affaires que dans celui du sport ?

– Pour ce qui est des affaires, Maurice est très intéressante à mes yeux. Je me considère comme faisant partie de ce pays désormais car j’y ai une compagnie et des employés. Nous envisageons d’étendre la gamme de services que nous proposons. Je pense fermement que quand je m’implante dans un pays, je dois employer des natifs de ce pays.

C’est ma contribution à votre économie, ce que j’offre en retour pour tout ce que j’obtiens de votre pays.

Nous n’employons que des Mauriciens et nous faisons de notre mieux pour n’employer que des Mauriciens. Nous envisageons d’offrir des conseils légaux ici, tous les services que nous offrons à Dubai, dans les deux ans à venir.

Dans le domaine du karaté, j’ai quelques plans. Personnellement, je voudrais rendre au karaté ce qu’il m’a apporté, à cent pour cent. Ce qu’il m’a donné n’a pas de prix. Je voudrais, à ma façon, promouvoir, et à ma prochaine visite, je l’espère, m’entraîner avec le shihan Jeewa. Je vais participer à la Corporate Social Responsibility, qui est très importante ici à Maurice, en soutenant le karaté kyokushin, à Maurice et dans mon pays, l’Inde.

 

Robert Dargent