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Salim Muthy, pâtissier et homme de tous les combats, dont le renvoi des municipales

23 septembre 2012, 00:00

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Salim Muthy, pâtissier et homme de tous les combats, dont le renvoi des municipales

Le leader du Front commun des travailleurs sociaux fait de nouveau parler de lui en s’opposant au renvoi des municipales. Portrait.

Sale by Levy, planteurs de Riche-Terre, laïcité, renvoi des élections municipales… Autant de combats qui ont fait la Une des journaux ces dernières années, et dans lesquels s’est illustré Salim Muthy. Ce pâtissier de profession, reconverti en travailleur social en 2004, est un habitué des gros titres.

Pourtant, le personnage est difficile à cerner. A la fois sensible et intransigeant, apolitique et respectueux des politiciens, désintéressé et parlant parfois de lui à la troisième personne, il fait partie des rares, avec certains membres de l’opposition, à avoir osé s’en prendre à Navin Ramgoolam en face-à-face.

Qui a pu oublier le doigt vengeur qu’il a brandi, lors de la célébration du Yaun-Un-Nabi en début d’année, afin de « rappeler à l’ordre », selon ses propres mots, le Premier ministre ? « Mélanger religion et politique, ça m’offusque. Ce n’est pas comme cela que devrait fonctionner une démocratie », s’insurge Salim Muthy. Ce courage à s’indigner et attaquer de front, il le tient de la « mission » qu’il s’est fixée. « Je suis un justicier qui combat l’injustice, explique-t-il. Je suis profondément humaniste, je ne supporte pas de voir des personnes vulnérables être exploitées. » Mais ce tempérament, ou plutôt cette « compassion », n’était pas inné chez celui qui se considère aujourd’hui comme un défenseur « des miséreux, des orphelins, des personnes sans défense ».

Entre la pâtisserie et l’héroïsme, il y a un fossé. Salim Muthy le franchit en 2004, lorsqu’il est victime d’une Sale by Levy : « Ma maison et mon terrain ont été mis en vente à la barre et je me suis retrouvé devant le juge, démuni et sans défense, complètement déboussolé. Je n’ai rien pu faire. Je me suis alors demandé comment faisaient ceux qui sont moins bien lotis que moi. » Aux côtés d’Harish Boodhoo, il se met donc en tête d’aider les victimes de vente à la barre.
Avec l’aide de son maître à penser, le pâtissier se découvre alors une âme de justicier. « Harish Boodhoo m’a tout appris sur le travail social, confie-t-il, il a été un exemple pour moi. Je lui en suis encore très reconnaissant. » Aujourd’hui, les deux hommes ne se parlent plus, Salim Muthy estimant que son ami a commis l’irréparable erreur d’avoir « politisé » le débat et de s’être arrogé « la paternité » de la commission d’enquête sur le Sale by Levy. « C’est vraiment dommage qu’une amitié de presque dix ans soit balayée comme ça en un jour, mais j’ai des convictions et j’ose le dire tout haut. »

Ce franc-parler est apprécié de ses amis et collaborateurs. Au sein du Front commun des travailleurs sociaux (FCTS), dont il est le leader incontesté, chacun a voix au chapitre, comme l’explique Subash Huree, membre de la FCTS : « Il a une approche très démocratique. Les décisions que nous prenons, nous les prenons tous ensemble, et l’opinion de tout le monde est la bienvenue. Ce n’est pas du tout une personne autocratique, qui veut toujours tout diriger. »

Au sein des différents mouvements syndicaux, par contre, Salim Muthy ne fait pas toujours l’unanimité. Certains, comme Ashok Subron, affirment être de fervents admirateurs de ses combats : « J’aime beaucoup ce qu’il a fait, surtout dans le dossier Sale by Levy. Il soutient aussi Rezistans ek Alternativ dans notre lutte contre le communalisme. Il a d’ailleurs posté un message de félicitations sur mon mur Facebook après que l’Onu eut rendu son jugement sur le Best Loser System ».

D’autres sont plus critiques envers son approche. Quelques-uns avancent que Muthy est sans doute accro aux feux de la rampe, ce dont il se défend : « Je n’attends rien en retour, je le fais pour aider les autres. » Pire, certains allèguent qu’il aurait peut-être des motivations obscures… « Il y a des rumeurs qui courent autour de sa fameuse sortie contre le Premier ministre, indique un syndicaliste. Des SMS auraient circulé, il paraîtrait qu’il avait prévu son coup. Certains disent même qu’il ne l’aurait pas fait par conviction, mais pour freiner les discussions sur la réforme électorale. Si tel est le cas, il a réussi, car les politiciens se sont montrés beaucoup plus frileux après cela. De peur, sans doute, de froisser quelques sensibilités religieuses… »

Salim Muthy ne cache pas être profondément attaché à sa religion, mais nie catégoriquement avoir des arrière-pensées communalistes. « La preuve, déclare-t-il, est que je ne cesse de critiquer les membres du board de l’Islamic Cultural Centre. Si j’étais communaliste, aurais-je critiqué des représentants de ma propre communauté ? » Toutefois, il préfère ne pas dévoiler son opinion sur le BLS : « Je me mettrais à parler comme un politicien, et ça, je ne le veux pas. »

Par ailleurs, lors d’une interview accordée à l’express en février, il affirmait avoir été approché par des agents d’un parti politique, qui lui auraient offert un ticket pour les élections générales. Il pose alors trois conditions : être candidat dans une circonscription à fort électorat musulman (il propose les n°s 2, 3 et 15), avoir le poste de ministre du Logement et des Terres, et qu’une commission d’enquête soit instituée sur les élus qui ont occupé ce poste depuis 1982. « J’ai demandé ces circonscriptions car je suis né au n°2 []]Port-Louis-Sud/Port-Louis-Centre], j’habite au n°3 []]Port-Louis-Maritime/Port-Louis-Est], et mes deux pâtisseries se trouvaient au n°15 []]La Caverne/Phoenix]. De plus, je savais que jamais on ne m’accorderait ces demandes, surtout à cause de la troisième », murmure-t-il, sans vouloir en dire plus.

Salim Muthy a aussi été beaucoup critiqué pour ses multiples sorties contre le Premier ministre. « On m’a dit que je faisais le jeu de l’opposition. Or, je vais vous dire une chose : que Navin Ramgoolam, Paul Bérenger ou mon propre frère soit Premier ministre, je me battrai avec la même ferveur. » Il maintient cependant avoir beaucoup de respect pour le chef du gouvernement, car « j’ai découvert son humanité et sa sensibilité lors de mon combat pour les victimes du Sale by Levy. De plus, il a offert quatre billets d’avion à ma sœur et sa famille, pour qu’ils puissent assister à l’enterrement de mon neveu assassiné en Angleterre. Malgré ça, trois jours après le départ de ma sœur, je manifestais devant l’Assemblée avec une pancarte qui disait ‘‘Navin, tenir to parol’’. On m’a dit qu’il avait apprécié le geste. »

Même si le Premier ministre lui tient aujourd’hui rancœur pour l’épisode du doigt brandi, Salim Muthy maintient ne « rien avoir de personnel contre lui ». Il a même d’autres amis au sein du Parlement, comme Abu Kasenally, pour qui il a fait campagne auprès des clients de sa pâtisserie en 2005. Mais son estime pour la politique actuelle s’arrête là, puisque les politiciens « ne répondent plus aux attentes du peuple. Salim Muthy n’a pas l’intention de faire de la politique. Salim Muthy fait de la politique autrement. Salim Muthy a montré qu’on pouvait être reconnu sans être candidat aux élections… »