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Santé : des OGM dans votre assiette?

25 septembre 2012, 00:00

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Santé : des OGM dans votre assiette?

Maurice a été épargnée jusqu’ici par le débat faisant rage autour de l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés. Etant donné qu’on en mange déjà, ce n’est pas seulement dommage mais dangereux aussi.

Saviez vous que vous consommez probablement des aliments contenant des organismes génétiquement modifiés ( OGM)? Selon des informations fiables, une partie conséquente des matières premières utilisées dans le fourrage pour animaux à Maurice, telles que le maïs et le soja, serait d’origine transgénique. Dans le sillage de l’étude Tous Cobayes?, rendue public en France la semaine dernière, qui a révélé que des rats de labo nourris au maïs OGM NK 603 de la multinationale Monsanto ont développé des tumeurs éléphantesques, cette information devrait interpeller plus d’un. En effet, même si la question de l’impact des OGM sur la santé humaine reste sujette à controverse, la gravité des risques potentiels dicte que les consommateurs devraient, au moins, pouvoir choisir entre les aliments qui contiennent des OGM et ceux qui n’en contiennent pas. Ce qui n’est bien sûr pas le cas actuellement.

Osmose a contacté deux des principaux producteurs de fourrage à Maurice, en l’occurrence Livestock Feed Ltd . et Meaders Feed Ltd. Si le deuxième n’a pas souhaité répondre à nos questions, Livestock Feed Ltd. n’a, pour sa part, ni confirmé ni infirmé notre information.

Dans une réponse plutôt ambiguë à une question pourtant simple, l’entreprise a expliqué que « pour ses besoins de fabrication d’aliments pour l’élevage, Livestock Feed Ltd. importe des céréales (maïs et soja) principalement d’Argentine, un des plus gros producteurs mondiaux. L’entreprise, qui se conforme évidemment aux normes mauriciennes, a choisi de suivre, en plus, les normes européennes concernant la qualité des céréales qu’elle utilise ». Il est à noter qu’en Europe justement, l’importation d’OGM pour la production de fourrage, par exemple, est légale alors que la culture d’espèces génétiquement modifiées est interdite.

Interrogé sur la question de l’impact qu’ont les OGM consommés indirectement sur la santé humaine, une experte en sciences de l’agriculture préconise la précaution : « La réponse simple est qu’on ne sait pas. Plusieurs études ont été conduites et d’autres sont en cours. Elles indiquent que manger des aliments OGM, ou de la viande d’animaux nourris avec des aliments OGM, peuvent accroître les risques de cancer, réduire la fertilité et l’efficience des rats de labos, même si des données concernant l’impact qu’ils ont sur la santé humaine ne sont pas disponibles. Il y a également des études démontrant que les aliments OGM ne posent aucun risque pour les humains et l’environnement, mais ces études ont généralement été financées de manière directe ou indirecte par des firmes qui commercialisent des OGM. Des études environnementales ont démontré que les cultures d’OGM dans certains endroits peuvent contaminer les cultures non- OGM à travers la pollinisation croisée. Avec le temps, il sera presque impossible de garder les cultures non- OGM séparées des cultures OGM ».

A Maurice, il semblerait qu’un flou légal existe autour de la question de l’importation d’OGM pour la consommation indirecte par les humains. En effet, si les autorités se montrent plutôt strictes en ce qui s’agit de l’importation de semences OGM pour la culture locale, elles le sont bien moins en ce qui concerne les céréales OGM destinées au fourrage. La logique de cette différenciation réside apparemment dans une conviction que la consommation directe d’OGM est plus risquée que la consommation d’animaux nourris avec des OGM. En d’autres mots, la ligne officielle est que l’on peut manger un animal qui a le cancer sans nécessairement le développer. « C’est du n’importe quoi, les gènes de ces animaux peuvent être cancérigènes » , s’insurge un écologiste.

Le gouvernement plancherait sur une nouvelle législation (seules six sections de la Genetically Modified Organisms Act de 2004 ont été promulguées) qui vise prioritairement à limiter l’importation d’aliments consommés directement par les humains qui pourraient contenir des OGM ( céréales, etc.).

Pour l’instant donc, la question de l’étiquetage de viande d’animaux nourris avec des OGM n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui devrait déplaire au nombre croissant de Mauriciens conscients des enjeux de la modification génétique. « On ne peut pas jouer avec la santé des gens comme ça! C’est aux consommateurs de décider s’ils veulent ou non manger des produits OGM. C’est grâce à notre ignorance et à notre inaction que cet état des choses persiste » , dénonce l’écologiste.

Même son de cloche chez notre spécialiste en sciences de l’agriculture. Faute d’interdire complètement l’importation d’OGM, qu’ils soient destinés à la consommation directe ou indirecte, elle recommande de « légiférer pour rendre obligatoire l’étiquetage d’aliments, de fourrage et de semences OGM ». Couplée à une campagne de sensibilisation, une telle approche permettrait aux Mauriciens de « prendre des décisions informées ». Elle établit le seuil d’intrants OGM à 0.9%. Par exemple, un produit contenant au- delà de 0.9% d’ingrédients génétiquement modifiés doit être étiqueté.

Il est grand temps de lancer un débat national sur les OGM à Maurice. Les pouvoirs publics, ainsi que la société civile, doivent impérativement répondre présents face à l’énorme défi que représente la prolifération d’OGM. Peut être que les images de rats arborant des cancers grotesques auront raison de l’incroyable indifférence qui a sévi jusqu’à présent. Bon appétit!


 

Nicholas RAINER