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Shakeel Mohamed : « Plus d’une centaine d’amendements seront apportés aux deux lois du travail »
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Shakeel Mohamed : « Plus d’une centaine d’amendements seront apportés aux deux lois du travail »
Les amendements aux lois du travail, attendus depuis 2010, devraient bientôt être présentés à l’Assemblée nationale. Shakeel Mohamed, ministre du Travail, des Relations industrielles et de l’Emploi, nous éclaire sur ces changements.
? La Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) promet une série de manifestations devant votre ministère. Vos relations avec les syndicats semblent s’être détériorées ces derniers temps. Pourquoi ?
Il ne faut pas généraliser ma relation avec les syndicats. Il s’agit uniquement de la CTSP. Point. La CTSP mène son combat et a ses points de vue sur les lois du travail. Mais il faut noter que j’ai eu une réunion avec les autres confédérations, l’année dernière. Et il n’y en a aucune autre qui a rejoint leur wagon. Par ailleurs, mes relations avec les syndicalistes sont bonnes, y compris avec ceux de la CTSP. Ils veulent manifester, c’est leur droit. Ils vivent dans un pays où la liberté d’action existe.
? N’est-ce pas aussi un peu pour contester votre travail ?
Non. C’est seulement pour dire qu’ils veulent que je propose les amendements un peu plus vite. D’ailleurs, je ne travaille pas selon l’agenda de quiconque. Il y a eu une réunion du High-Powered Committee la semaine dernière, sous la présidence du vice-Premier ministre, Rashid Beebeejaun, avec les ministres Duval, Sik Yuen, Bunwaree, Boolell, Varma, Mootia et Sayed- Hossen. Nous allons nous revoir dans deux semaines et nous avons notre agenda. Nous ne sommes pas là pour faire un travail bâclé. Ce n’est pas la CTSP qui va me dicter mon timelime. Je viendrai de l’avant avec les amendements quand le cabinet donnera son aval.
? Les amendements ont donc déjà été finalisés ?
Oui. C’est pour cela que le cabinet a nommé un High-Powered Committee. Pour moi, le travail est terminé. Nous en sommes à un point où nous n’attendons que l’aval du cabinet. Il faut que les gens comprennent que ce n’est pas moi qui transforme des amendements en lois, mais le gouvernement. Il y a toute une procédure à suivre avant qu’une loi n’arrive à l’Assemblée nationale. Même si la CTSP organise une manifestation, je ne peux adopter leur agenda. Tant que les gens me mettent la pression, je ferai exactement le contraire.
? A quels changements pouvons-nous nous attendre ?
Ce que nous voulons, c’est d’une philosophie progressive et constructive. Nous prenons en compte les intérêts des syndicalistes et ceux des employeurs. Ce que l’on oublie parfois, c’est l’intérêt national, qui est la création d’emplois, de bonnes conditions de travail… Il y a un juste milieu à trouver. Au Brésil et en Allemagne, il y a eu une coopération entre syndicats et employeurs pour regarder dans une seule direction, l’intérêt national. En pleine crise économique mondiale, le chômage a baissé dans ces pays. C’est parce qu’ils ont adopté une position patriotique. Exemple d’un changement : quand quelqu’un travaille sous contrat, il n’a pas droit au local ou de sick leave. Avec mes officiers, nous travaillons pour corriger cette anomalie. La grande majorité des employés à Maurice ne sont pas syndiqués. Comment arriver à un accord collectif dans ce cas ? Il faut qu’un groupe d’employés puisse le faire, sans pour autant être membres d’un syndicat. On veut aussi légiférer sur le night work et introduire le flexi-time. Il y a plus d’une centaine d’amendements qui seront apportés aux deux lois du travail. Ce ne sont pas des changements superficiels. Les gens doivent être patients cela ne fait même pas deux ans que je suis ministre.
? Oui, mais les amendements, vous en parlez depuis 2010…
Le travail commence par des consultations avec les centrales syndicales. Il y en a plus de 350. Chacune a une opinion différente. Et puis, il y a les employeurs. Il y a les différents secteurs, textile, tourisme… Il faut rassembler tout cela pour avoir un document de travail. Sans oublier qu’il faut suivre les procédures, comme dans tout Etat de droit. Des consultations ont même eu lieu avec le Bureau international du travail sur chaque clause des amendements. J’ai dû aller à Genève pour cela.
? Les amendements vont-ils provoquer des remous, selon vous ?
Je ne suis pas là pour faire plaisir aux employeurs ou aux syndicalistes. Je suis là pour veiller au bien-être de la nation. Mon intérêt est de faire en sorte que le peuple en sorte gagnant. Il faut trouver le juste milieu. Le dialogue social dans le monde du travail n’existe presque pas à Maurice. Si les employeurs ne sont pas d’accord avec les syndicats, ou vice versa, il y a une levée de boucliers. En Allemagne, le dialogue social apporte des solutions. A Maurice, le problème est que la relation est trop conflictuelle entre patrons et syndicalistes. Il y a un élément de mistrust. Ils se basent sur ce qui s’est passé jadis. Il n’y a pas de confiance pour un dialogue soutenu. Il est important que l’on se base sur le présent pour un nouveau départ. Le National Tripartite Forum est la plateforme idéale pour cela.
? Vos relations avec les employeurs se sont-elles améliorées ? Ils avaient, dans un premier temps, refusé de venir à vos réunions et il y avait même eu une sorte de joute verbale…
Il n’en était rien. C’est simplement les journalistes qui prennent des déclarations et les tournent en soi-disant bras de fer. Je pense que c’est parce que vous êtes avides d’informations que vous faites de pareilles stupidités. On ne peut pas dire qu’on a de mauvaises relations alors qu’on a juste une opinion différente. La seule personne que j’ai traitée de menteur, c’est Reaz Chuttoo. Il a dit que mes inspecteurs n’ont fait que 100 inspections de travail alors qu’ils en faisaient 3 000. J’ai des chiffres pour le prouver (il sort les chiffres du ministère). Quand j’écoute certains journalistes, j’ai l’impression que tout le monde doit penser pareil.
? Parlons un peu politique. Que pensez-vous du rapport Carcassonne ?
C’est un bon début. Le Dr Ramgoolam avait promis un rapport et des consultations. Il a tenu parole. Il a rencontré Paul Bérenger jeudi. Je pense que quand les gens peuvent mettre de côté la politique politicaille, c’est très bien. J’ai moi aussi un rendez-vous avec Rama Sithanen pour discuter de ses idées pour l’île Maurice de demain. J’aimerais voir un débat national à ce sujet. La population doit se sentir partie prenante. A l’opposé de plusieurs pays, on a eu la stabilité politique et le progrès économique. Il faut garder cela avec toute réforme que nous adopterons.
? Et votre opinion sur le rapport lui-même ?
Comme je vous l’ai dit, c’est un bon début. Il a fait un état des lieux et des recommandations. Comme l’a fait Sachs. On peut construire dessus ou trouver une solution en utilisant les deux. Beaucoup attaquent le Best Loser System en disant que c’est la communauté musulmane qui en bénéficie. C’est très communal. Il faut voir ce que ce système nous a apporté. Il a fait ses preuves. Toute nouvelle reforme doit éviter un débalancement. Après 40 ans, on a besoin d’un nouveau thinking. On est tous Mauriciens. Et la nation est faite de plusieurs communautés qui sont toutes égales. J’aimerais voir le jour où, dans une circonscription, la majorité des candidats ne soit pas issue de la communauté majoritaire là-bas.
? Quelle est votre position sur notre système électoral ?
Je suis pour un système qui confère une égalité, en termes de représentation. Il y a un travail à faire au niveau de la population. Depuis l’Indépendance, c’est toujours un député d’une communauté donnée qui soulève les problèmes de celle-ci. Puis, il y a des associations comme la Voice Of Hindu, l’Union musulmane ou la Voix créole. Dans une île Maurice moderne, elles n’auraient pas dû exister. Dans une certaine mesure, il faut éduquer le peuple et les politiciens. Je suis pour un changement radical, pas seulement dans la forme, mais aussi dans le fond. Je suis pour un débat, que j’aimerais voir télévisé. On ne peut pas faire une réforme si la population n’en fait pas partie.
?Avez-vous des réserves quant au rapport Carcassonne ?
Je ne peux pas émettre de réserve, ou même dire ce qu’il a de positif, avant d’avoir bien étudié les tenants et les aboutissants. C’est un document de travail.
Propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM
(Source : l’express, samedi 14 janvier)
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