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Sham Seetaram - CEO de Sarako PVP : « Ceux qui me cherchent finiront par me trouver »
15 décembre 2013, 14:20
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Sham Seetaram - CEO de Sarako PVP : « Ceux qui me cherchent finiront par me trouver »
A 37 ans, cet ingénieur discret dirige déjà sept entreprises. Il est multimillionnaire, « fils de », « frère de » et futur roi de la filière solaire. Interview à haute tension.
Totalement inconnu il y a encore un an, vous êtes devenu l’un des punching-balls préférés de l’opposition parlementaire. Vous le vivez comment ?
Ça ne me gêne pas, je suis un fighter. Je pratique la boxe thaï [Il est président de la fédération mauricienne, ndlr] et je suis ceinture noire de kick-boxing. Le combat est une seconde nature.
Pourtant, on vous entend peu répondre aux attaques…
Je n’ai pas de temps à perdre avec les bassesses de l’opposition. Ils font leur travail, je fais le mien. J’ai sept compagnies à faire tourner [principalement axées sur le tourisme et les loisirs, ndlr], cinq autres en projet, mes journées sont trop remplies pour aller faire la guerre.
Quand on regarde votre parcours professionnel, on se dit : soit il est doué, soit il est pistonné…
Soit les deux...
Vous considérez-vous comme un protégé du pouvoir ?
Certainement pas. Je ne bénéficie d’aucun laissez passer. Si mon nom peut être un atout, tant mieux, mais je ne réclame pas de traitement de faveur, surtout pas. Parfois, c’est l’inverse qui se produit, m’appeler Seetaram est un handicap. Quand je demande un permis, ça traîne. Les fonctionnaires n’osent pas toucher à mon dossier, « Seetaram sa, tensyon mo gayn problem ». Etre anonyme, bien souvent, m’aurait aidé.
Pensez-vous qu’un anonyme aurait décroché un tel jackpot avec le CEB ?
Quel jackpot ?
Les kilowatts solaires de Bambous…
Cette ferme photovoltaïque n’est pas un jackpot, c’est un pari sur l’avenir. Le retour sur investissement est prévu dans 13 ans.
Pravind Jugnauth a estimé ce contrat à 3 milliards sur 20 ans. Il ne sait pas compter ?
Il ne sait pas qu’on a investi 1,2 milliard. Ni que nous allons faire faire des économies au CEB, et donc au Pays.
Votre prix de revente de l’électricité au CEB est plus élevé que ce que proposaient vos concurrents. Pourtant, c’est vous qui avez été choisi...
Vous comparez ce qui ne n’est pas comparable. Nous étions les seuls à proposer 15 mégawatts (MW) et une formule de paiement 70-30 entre dollar et roupie.
C’est ce qui a fait la différence, selon vous ?
Ce qui a fait la différence, c’est la qualité de notre projet et la rapidité avec laquelle on s’est engagés à le mettre en oeuvre. Entre la signature du contrat et le raccordement au réseau, il se sera écoulé 240 jours.
Rajesh Bhagwan, au Parlement, a proposé une autre lecture : selon lui, ce contrat et le terrain de 80 arpents dont vous avez bénéficié « achètent » le raccordement de votre frère Jim au Parti travailliste…
M. Bhagwan se fait vieux, il ferait bien d’aller se reposer.
Vous êtes dur, là. Félonie au « Parti Soleil » contre filière solaire, c’est cohérent…
(Grande inspiration) J’ai bien fait de décider d’être calme aujourd’hui, sinon ça aurait pété... Sarako n’a rien à voir avec le move de Jim. Et Jim n’a rien à voir avec ce projet. C’est clair ?
Ce qui est clair, c’est que vous êtes un sacré veinard : le CEB s’était engagé à ne plus donner suite aux unsolicited bids…
J’ai fait une application en conformité avec la CEB Act, elle a été retenue, le reste n’est pas mon problème. Adressez-vous au CEB…
Où en est le chantier à Bambous ?
On a déjà posé 5 MW, il en reste 10 à installer. Mijanvier, on connectera les panneaux photovoltaïques au réseau. 15 MW, 60 000 cellules, c’est gros, même pour l’Europe. Le raccordement est la partie la plus technique. Si tout se passe comme prévu, le mois prochain, on sera en mesure d’alimenter en électricité 50% de la région ouest. Et si la demande l’exige, je peux installer 100 MW supplémentaires dans les six mois.
100 MW, c’est combien d’inondations ?
Cette histoire d’inondation a été montée de toutes pièces, nous n’avons dévié aucun cours d’eau à Bambous. Les officiers du Conseil de district de Rivière-Noire le savent puisqu’ils sont présents tous les jours sur le site. Il n’y a jamais eu de demande de stop order, le sujet n’a même pas été évoqué. On a voulu me tendre un piège politique. Trois jours avant que cette affaire ne sorte dans la presse, quelqu’un m’avait prévenu, « fer tensyon, bann la pou manz ar twa ».
Vous avez des informateurs ?
Partout. Etre bien renseigné est indispensable dans les affaires. Un bon business commence par une bonne information. Celui qui vous dit le contraire est un menteur.
D’où l’intérêt de maintenir une proximité avec le pouvoir ?
Cela me permet d’être très bien informé.
Vous avez parlé de « piège politique ». Tendu par qui, l’opposition ou la majorité ?
(Ferme) Je ne vous le dirai pas. Je sais qui a fait quoi et j’en ai pris bonne note. Que ces gens-là, dorénavant, fassent bien attention à ce qu’ils font…
Pourquoi vous êtes-vous débarrassé de votre partenaire chinois ?
Je n’ai jamais eu de partenaire Chinois.
Yamei Energy, c’était une boisson énergétique peut-être ?
Nous n’étions pas partenaires, ils étaient nos consultants. Ils n’ont pas mis un sou dans le projet.
C’était une raison pour les escroquer ?
Ayo, mo pa anvi zoure…
Ils vous accusent de les avoir fait bosser sur toute la partie technique du projet et une fois le boulot terminé, bye-bye…
C’est totalement faux. Le projet, après eux, a totalement changé. Techniquement, Yamei Energy n’était pas bon. Je me suis trompé en leur faisant confiance.
Vos nouveaux partenaires allemands sont-ils au courant de vos chinoiseries ?
Oui, ils savent tout.
Un Allemand est-il aussi « couillonnable » qu’un Chinois d’après vous ?
Couillonner un Chinois est impossible, ce sont eux qui couillonnent le monde ! (rire)
Vous allez recevoir 37 millions par an du Fonds Maurice île durable. C’est bon tout cet amour monétisé, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas un cadeau que l’on nous fait. Ces 37 millions sont une subvention qui profite aussi au CEB. La production d’un kilowatt-heure (kWh) leur coûte en moyenne Rs 4,60. Moi, je vends à Rs 6,06 - c’est un prix fixe sur 20 ans. Le CEB me paie Rs 4,60 et le MID Fund met la différence. Selon les projections, cette subvention s’arrêtera vers 2020, quand le CEB produira à plus de Rs 6. Et quand leur coût dépassera le mien, ils feront des économies, Sarako subventionnera le CEB. Ce deal leur est très favorable. Sarako est le premier projet d’énergie verte qui profite au pays. Le premier. Et je pèse mes mots.
Si le deal est si favorable au CEB, c’est que vous êtes un piètre négociateur...
Non, parce qu’il reste rentable pour nous.
Vous dites avoir investi 1,2 milliard. Merci qui ?
Merci mes talents de négociateur justement. Des investisseurs allemands nous soutiennent.
Tauba Solar n’a mis que 15% au pot. Le milliard qui reste, vous le sortez d’où ?
Vous croyez que je vais mettre mon business model sur la place publique ? Ce que je peux vous dire, c’est qu’aucune banque locale ne nous a soutenus. Ni les promoteurs de MID d’ailleurs. La première réalisation concrète de Maurice île durable, c’est nous, mais c’est comme si nous n’existions pas. Les gens se gargarisent de notre projet à toutes les tribunes, mais personne ne nous invite jamais. Zot declar piti ki pa pou zot.
On vous sent vexé…
Je le suis. Nous sommes des pionniers. 15 MW de photovoltaïque, c’est une première non seulement à Maurice mais dans tout l’océan Indien. Nous allons réduire les émissions de dioxyde de carbone de 17 000 tonnes par an, ce n’est pas rien. Le monde entier va connaître Bambous, mais nous, personne ne nous connaît...
A Henrietta, si…
C’est vrai.
Il y a 20 ans, votre grandmère maternelle léguait à sa descendance quinze terrains là-bas….
Exact. Huit à mon père et sept à mon frère.
Par la suite, votre père s’est offert une vingtaine d’autres terrains, toujours à Henrietta. Elle vient d’où cette passion familiale ?
Elle remonte au premier Seetaram qui a débarqué à Maurice en 1856. C’était un petit garçon de 9 ans et demi. Il était accompagné de son papa, un laboureur qu’on appelle bolom Kasiram. En 1893, Seetaram achète un premier terrain à Henrietta. Tout est parti de là, il y a 120 ans. Moi, je suis la septième génération. Aujourd’hui, la famille possède une trentaine de terres. On bosse dur, tous. L’éducation, le travail, on a été élevés avec ces valeurs. A 70 ans, mon père [Iswurdeo Seetaram, ancien ministre et speaker de l’Assemblée nationale, ndlr] se lève tous les jours à 4 heures du matin. Li kontan gramatin al dan son karo zoranz, so karo legim. Au moins, pendant ce temps, il nous fiche la paix (rire). Aster li dan karo soler, je l’ai embauché comme chauffeur à Bambous. Près de 300 personnes travaillent là-bas, des Roumains, des Mauriciens et des Allemands.
La Société Iswurdeo Seetaram & Cie, qui chapeaute les terres familiales, pèse Rs 120 millions. Vous êtes multimillionnaire depuis quel âge ?
Je suis multimillionnaire, mais en assets seulement. J’ai beaucoup d’amis du même âge qui sont bien plus riches que moi.
La politique, ça vous tente ?
Oui, j’adore la politique. J’ai grandi dans ce milieu. A ma naissance, mon père était ministre de la Pêche. Aujourd’hui, je suis de près la carrière de mon frère, mais je ne suis pas pressé de l’imiter. Entrer en politique ne se décide pas, l’occasion se présente ou pas.
En passant, c’en est où votre projet de téléphérique à Tamarin Falls ?
Ça avance. Le téléphérique est en cours de construction en Suisse. Il sera installé fin 2014.
Pensez-vous que votre frère a misé sur le bon cheval en délaissant Pravind pour Navin ?
Il a pris une très bonne décision. Elle était difficile à prendre, nous l’avons prise collectivement, en famille. Nous n’avons pas voulu contribuer à faire tomber un gouvernement démocratiquement élu, ça aurait été trop lourd à porter. A l’époque, en coulisse, il se passait beaucoup de choses, un move collectif était planifié. Les agents du MSM nous harcelaient. Jim était cloîtré à la maison. Ma mère se faisait insulter parce qu’elle le protégeait en disant qu’il n’était pas là. Depuis cet épisode, on nous manque trop souvent de respect. Je ne le tolérerai plus très longtemps.
Finalement, vous pourriez trouver du temps pour faire la guerre ?
Les Seetaram sont de la race des guerriers. Ceux qui me cherchent finiront par me trouver. Mo ena zot lamone sanze…
C’est un avertissement ?
Ça pourrait...
« Cette histoire d’inondation a été montée de toutes pièces. Il n’y a jamais eu de demande de stop order. On a voulu me tendre un piège politique. »
« Notre deal avec le CEB lui est très favorable. Sarako est le premier projet d’énergie verte qui profite au pays. Le premier. Et je pèse mes mots. »
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