Publicité

Showkutally Soodhun « Si Ramgoolam est Premier ministre, c’est grâce à moi »

5 septembre 2011, 09:55

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Mireille Martin et Ah Fat Lan vous traînent en justice, Navin Ramgoolam vous a promis l’enfer. Comment vit-on avec trois « fatwas » ?

Mo ena enn lapo krokodil, je n’ai peur de personne, sauf de mon Créateur. Ça fait trente ans que je fais de la politique, je n’ai jamais plié devant
quiconque, ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Ces trois-là ne me font pas peur. Sur Ah-Fat, sur Mireille Martin, j’ai dit la vérite.
Dan verite pena frayer.

Mêler une enfant à vos minables guéguerres, c’est moche quand même…

J’ai répété ce que Mireille Martin elle-même m’a confi é. C’est elle qui m’a appris que les travaillistes se servaient de sa fi lle pour la débaucher. Elle nous a même expliqué, lors d’un bureau politique, comment le Dr Ramgoolam avait tenté une première fois de l’« acheter » en 2005.

Le conseiller du Premier ministre, Ah Fat Lan, vous réclame Rs 10 millions  pour diffamation. Vous n’avez pas peur que…

(Il coupe) Moi, peur de Ah Fat ? Je n’ai peur de personne, vous entendez ? Personne ! Mo ena tou bann prev pou kapav manz kont li. Je vais les
sortir les dossiers, un par un, bam-bam-bam ! Ah Fat a fait un tort considérable à la State Trading Corporation (STC) quand il siégeait sur le board. D’ailleurs, tout le board était pourri.

Qu’avez-vous fait pour le désinfecter ?

J’avais les mains liées. Tous les dossiers étaient bloqués au bureau du Premier ministre. Quand j’ai pris mes fonctions au ministère du Commerce, la première chose que j’ai faite a été de demander à mes officiers un topo sur la STC. Très vite, j’ai compris que cela ne suffirait pas, qu’il fallait creuser davantage. J’en ai discuté avec Megh Pillay et nous sommes tombés d’accord pour procéder à un Forensic Report, le fameux rapport Badhain. Là, je tombe des nues. Des fraudes partout. Un trou de près de Rs 4,7 milliards lié au hedging. (A voix basse, sur le ton de la confidence). Le State Law Office n’était même pas au courant des contrats de hedging. Le Conseil des ministres n’avait pas donné son aval non plus.

Et vous êtes resté les bras croisés ?

Du tout. J’en ai parlé au Premier ministre. Il m’a dit : « Ki bizin fer to pense ? » Je lui ai suggéré d’aller à l’ICAC où à la police, ça me paraissait plus prudent. Mais il m’a dit de ne pas me presser, qu’il allait étudier le rapport et qu’il prendrait ensuite une décision. Finalement, il n’a jamais rien décidé du tout. « Donn mwa impe letan », c’est sa grande phrase.

Qui a demandé une deuxième évaluation de la clinique MedPoint ?

Posez la question au Premier ministre. L’homme qui sait tout sur l’affaire MedPoint, de A à Z, c’est Ramgoolam.

C’est ce que vous avez dit à l’ICAC ?

Patience, vous saurez… Pravind Jugnauth va dire toute la vérité.

Donc il n’y a pas que le Premier ministre qui est au courant…

 Toutes les discussions sur MedPoint que Pravind a eues avec le Premier ministre seront révélées à l’ICAC. C’est ce qu’a fait Maya Hanoomanjee, c’est ce que je ferai aussi. (L’index pointé) Navin Ramgoolam ne me fait pas peur. Sans moi, il ne serait pas Premier ministre.

Ben voyons. Va falloir développer là…

Sans le MSM, il n’aurait pas gagné en 2010. Si Ramgoolam est Premier ministre aujourd’hui, c’est grâce à moi, grâce au MSM et à l’alliance de l’Avenir dont j’ai été l’un des artisans. Dans pas mal de circonscriptions, nos candidats sont sortis en tête de liste, faudrait pas l’oublier ça. Des travaillistes ont eu un mal fou à se faire élire, faudrait pas l’oublier non plus. A Moka/Quartier-Militaire, Suren Dayal est passé de justesse derrière Pravind Jugnauth et Leela Devi Dookun-Luchoomun.

Vous êtes très proche du président de la République. Comment a-t-il vécu la cassure ?

Li bien sagrin. Je sais qu’il suit les événement de près mais il se confie peu.

Regrettez-vous d’avoir parlé au Dr Zouberr Joomaye?

Absolument pas.

Quels sont vos rapports avec lui ?

On se connaît depuis dix ans, c’est mon médecin de famille.

Saviez-vous qu’il se confierait à Paul Bérenger ?

Je ne veux pas parler de ça, il y a une enquête de l’ICAC. D’ailleurs, c’est un grand plaisir d’aller déposer… (on coupe)

Saviez-vous qu’il parlerait à Bérenger ?

Je ne veux pas discuter de ça.

Allez, c’est l’Eid, la fête du partage, un petit effort…

Je ne veux pas partager ça. J’avais un message à faire passer au Dr Joomaye. Un message très important sur MedPoint. Point à la ligne.

Joomaye et Bérenger vous ont-il trahi ?

Non, ils ont fait ce qu’il avaient à faire.

Depuis combien de temps étiez-vous l’indic de l’opposition ?

(Contrarié) Je n’ai jamais été leur informateur. Je ne veux plus parler de ça, arrêtez d’insister.

Comment vous sentez-vous avec vos nouveaux amis du MMM ?

Parfaitement à l’aise. De 2000 à 2005, nous n’avons pas eu le moindre tiraillement. Il y avait un respect mutuel. Bérenger avait la bonne approche. Lui, au moins, était un Premier ministre accessible. Bérenger est un bon garçon. La perspective de travailler de nouveau avec le MMM me réjouit.

Savez-vous qui a dit l’an dernier : « Je donne ma parole sacrée que je ne retravaillerai plus jamais avec le MMM » ?

Non.

Bah vous…

(Sourire gêné)
C’est la preuve qu’en amour rien n’est parfait. En tout cas, l’opposition MSM/MMM au Parlement, ça va être canon. Bérenger, Pravind Jugnauth, Jhugroo...

Bhagwan…

Bhagwan ! (de plus en plus enthousiaste)

Soodhun…

Soodhun ! Pour être animé, ça va être animé ! A partir du 18 octobre, les jours de Ramgoolam seront comptés.

Prêt pour une nouvelle alliance ?

Je ne sais pas comment les choses vont évoluer, mais je ne dis pas non. (Son Blackberry l’interrompt) « Oui, allô, non, mo avec enn zournalist, mo rappelle twa dan enne ti moment ». Ayo, mo bonnfam sa ! Qu’est-ce qu’on disait ? Oui, il est trop tôt pour parler d’alliance. Mais je suis sûr que petit à petit nous accorderons nos violons.

Qu’est-ce qui vous fait dire que le MMM s’intéresse au sous-produit de la bagasse ?

Quand j’ai entendu Ramgoolam (« Bagas pli bon ki MSM », ndlr), ça m’a fait mal au coeur. Même lui n’y croit pas. Bérenger a bien résumé : « Avec
la bagasse on fait de l’électricité, il y a un risque de s’électrocuter
. » Bagas pli bon ki MSM ? Zame ! On a presque tous été élus en tête de liste, vous autres ! Aujourd’hui, c’est Ramgoolam ki so nat dan koutvan. C’est lui qui « achète » les consciences pour faire tourner son gouvernement. (Il s’emporte) Martin et Seetaram, kot sorti sa ?

Du parti bagasse ?

Pa bagas, sa. Zot lasann. Sa bann lasann politik sa.

Le MSM n’est pas très chaud pour une réforme électorale, non ?

Si. Nous sommes tombés d’accord avec le MMM. Le MSM n’est pas un parti fi gé : nous avons évolué sur la réforme électorale.

Pensez-vous toujours être un « très bon politicien » ?

Encore meilleur aujourd’hui car je suis libre. Au gouvernement, le MSM a vécu un martyre. Nous commencions à perdre des sympathisants. Si nous étions restés quatre ans de plus avec Navin Ramgoolam, le MSM aurait disparu de la carte. La stratégie de Ramgoolam était claire : atas enn lake fer blanc ar nou. Nous sommes beaucoup mieux là où nous sommes aujourd’hui, il n’y a aucun doute là-dessus.

Quand avez-vous compris que l’alliance de l’Avenir n’en avait plus ?

Au moment de l’affaire Betamax, en mai dernier. Pour moi, ça a été la goutte d’eau. J’ai dit la vérité devant le Parlement et j’ai essuyé la colère du Premier ministre. Le tanker de la compagnie Betamax était un danger public, j’avais quatre rapports qui l’attestaient. Il fallait que je fasse quoi, que je mente au Parlement ? Imaginez le désastre si le bateau était tombé en panne avec 65 000 tonnes de produits pétroliers à bord : tout le pays aurait été paralysé. Je ne voulais pas prendre ce risque. Trois jours plus tard, le cabinet des ministres s’est réuni. Et là, Ramgoolam m’a couvert d’insultes. Devant tout le monde. Je me suis senti humilié.

Pourquoi n’avez-vous pas démissionné ?

C’est ce que j’ai fait ! Je suis parti avant la fin de la réunion et dans la foulée, j’ai remis ma lettre de démission au président de la République. Sur ce, le Premier ministre m’a téléphoné pour s’excuser. Mais j’ai refusé ses excuses. Sir Anerood a joué les médiateurs et nous avons trouvé un compromis : je reste en poste mais je ne m’occupe plus du Commerce. Et c’est ce qui s’est passé.

Pourquoi ne vouliez-vous plus du Commerce ?

Parce que je ne voulais pas cautionner les maldonnes de la STC. Si j’étais resté, des gens auraient fini en prison.

Les insultes au Conseil des ministres, c’était quoi ?

« Allez, chèvre ! », traduit en anglais. Enn manyer koze, sa ?


Entretien réalisé par Fabrice Acquilina