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Showkutally Soodhun ministre de l’Industrie et du Commerce, président du MSM « Je suis un très bon politicien »

28 mars 2011, 09:32

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Il y aura votre portrait un jour là-haut ? (Sir Anerood Jugnauth et Navin Ramgoolam surplombent son bureau.)

J’espère ! J’attends ça. Je suis ambitieux, comme tous les politiciens. Sauf que moi je ne m’en cache pas. Mouais, je me vois bien Premier ministre.

Voilà qui s’appelle démarrer en fanfare.

Pourquoi pas moi ? J’ai été député, PPS, chief whip, ministre joli parcours, non ?

Certes, mais vous ne vous appelez ni Jugnauth, ni Ramgoolam…

Vous oubliez 2003-2005, mon cher ami. Bérenger a été Premier ministre.

Ça vous permet d’espérer ?

Et comment !

Sinon, ces vacances…

Quelles vacances ? Un ministre n’a jamais de vacances.

Je parlais du Parlement…

Ah… Bah, j’ai profi té du mardi pour travailler mes dossiers et mieux connaître mon ministère. C’est bon de retourner à l’Assemblée. J’en suis à mon sixième mandat, bientôt trente ans, la moitié de ma vie. J’aime cette vie de parlementaire.

Ça tombe bien, je suis venu avec quelques PNQ. Et une paire de protège-tibias aussi, on n’est jamais trop prudent avec vous.

(Rires) Rangez-les, je ne suis pas violent. C’est quoi votre première PNQ ?

Quel est votre secret pour agacer autant de monde ?

Je parle vrai, mo langaz kapav inpe tro kri-kri. Je suis un fonceur, c’est peut-être ce qui déplaît. Bowbow-bow, fi ni, dossier suivant ! Vous trouvez que j’agace les gens ?

Tengur, Beeharry, Darga, Bérenger, Gowressoo, Chellum, Sahebdin… Je continue ?

C’est vrai, j’aime l’adversité.

On dirait que ça vous tient en vie…

(Poings levés) Sans adversaire je m’ennuie, la vie est monotone. Je suis un bulldozer.

Même marque que Bhagwan ?

Non, moi j’ai un moteur d’avion.

Avouez, vous aimez ça la bagarre…

Je suis toujours dans un fi ghting mood, c’est vrai. M’asseoir dans mon bureau et regarder les problèmes du pays à la télé ne m’intéresse pas, je suis un hyperactif, je crée de l’adversité, c’est le jeu. Certains trouvent que j’agis de façon cavalière alors que je ne fais que suivre mes convictions.

Qu’avez-vous fait à votre prédécesseur pour qu’il soit si fâché ?

Gowressoo est un grand frustré. Il n’a pas eu de ticket aux dernières élections et il est persuadé que je lui ai pris sa place. Je préfère ne pas lui répondre. Le jour où je m’occuperai de lui, je le jetterai en prison.

Rien que ça ! Et vos amourettes avec Amédée Darga ?

Darga, j’en ai assez. Rien ne marche à Enterprise Mauritius.

Voilà qui est nuancé. C’est quoi le problème ?

MM. Darga et Beeharry, le CEO, sont deux éléphants qui passent leur temps à se quereller.  Le départ de M. Beeharry est programmé le mois prochain. Quand M. Darga l’a appris, il  s’est accaparé l’institution en donnant des ordres à droite à gauche comme s’il était le nouveau patron. Or ce n’est pas son rôle, il a à présider le board, point final. J’ai dû le recadrer.

On dit qu’il souhaite partir…

Je le souhaite aussi.

Vous gagnez toujours à la bagarre ?

Si je ne peux pas gagner, je recule pour mieux sauter.

Par exemple ?

En 2009, quand j’étais dans l’opposition, j’ai proposé 28 amendements aux nouvelles lois  du travail. Ce n’est pas passé, j’ai compris que ce n’était pas la peine d’insister. Quelques mois plus tard, le MSM a fait alliance avec le PTr, et depuis les amendements  arrivent petit à petit…

Ça s’appelle la patience ?

Ou un très bon politicien.

Que la modestie n’étouffe pas !

Je suis un très bon politicien. J’ai la bonne approche, je comprends les gens. Dans ma  circonscription, tout le monde dit que je suis un excellent ministre.

Pensez-vous avoir été un bon syndicaliste ?

Un très bon syndicaliste.

Mettez-vous une note de 1 à 10.

Dix, le maximum.

Et comme ministre ?

Ce ministère est nouveau pour moi, je ne peux pas dire que je suis le meilleur.

Alléluia !

Mais attention, je vais faire honneur au Premier ministre, c’est sûr. Je fais les efforts qu’il faut pour décrocher un 10/10 en 2015.

Votre meilleur ennemi du moment, Suttyhudeo Tengur… (il coupe)

C’est Kadhafi mon meilleur ennemi. A Maurice je n’ai pas d’ennemis, juste des adversaires.

Qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère : un « farceur incompétent » qui « prend la population pour une bande de demeurés »…

Quand Tengur a dit ça ?

Après votre opération promo sur les prix.

(Furax, il joint le geste à la parole) Je le mets au défi de venir me le dire en face. Tengur est un lâche ! Mardi, il est venu dans mon ministère et il a fermé sa gueule ! Pas la moindre remarque, rien. Monsieur le professeur de langues orientales, quels  intérêts défendezvous ? La vérité, c’est que M. Tengur est le supporter numéro un des importateurs. Il berne son monde en faisant croire qu’il protège les consommateurs.

C’est marrant, il vous reproche la même chose…

Ça ne tient pas la route.

Comment expliquez-vous, dans ce cas, que les « prix Soodhun» sont supérieurs à ceux des grandes surfaces ? Elle est où la baisse annoncée ?

C’est vrai sur quelques produits seulement, et ça s’explique par les promotions. Disons que ce stylo est à Rs 10, prix Soodhun. Rien n’empêcheun supermarché de le vendre à Rs 8 en promotion, mais pas à Rs 10,01. J’ai négocié des prix plafonds, hors promotion, pas des prix fixes. Si j’imposais des prix fixes, ça se retournerait contre moi.

Comment ça ?

L’importateur me dira : « Ce n’est plus rentable, j’arrête de faire venir ce produit. »  Vous imaginez la suite: Soodhun a foutu une baise… Ne rien faire n’était pas non plus la solution, on me serait tombé dessus. J’ai trouvé une solution intermédiaire qui n’est pas si mauvaise que ça.

Pourquoi avoir négocié le prix de produits peu connus ?

Cet argument est celui des associations de consommateurs, il est purement malhonnête. A  une époque, les Mauriciens n’achetaient qu’une seule marque de lait, Everyday. Jusqu’au  jour où ce produit a disparu des rayons. Les consommateurs ont fini par s’adapter en s’orientant vers d’autres marques.

Que voulez-vous dire ?

Changer ses habitudes, c’est faire des économies. Prenez le fromage Kraft, Rs 71 le  concurrent est à Rs 46. Faut-il absolument manger du Kraft ? Eh bien mon cher, vous allez  le payer cher. Pareil pour les conserves de poisson : Mackerel est deux fois moins cher que Glenryck.

Sauf que les supermarchés refusent ces marques…

Exactement, pour protéger les gros importateurs. Or que fait Tengur en focalisant sur les  marques leader ? Il fait le jeu des gros importateurs. Lui ou Bérenger ont beau jeu de se  plaindre, ils mangent des steaks, eux ! Moi, ce qui m’intéresse, c’est le prix des gros pois. Je veux que les pauvres et la classe moyenne puissent se nourrir correctement,  quitte à changer de marques. M. Tengur propose quoi lui, hein ? Rien, juste sa mauvaise foi.

En parlant de foi, qu’avezvous appris en 25 années de fidélité à sir Anerood Jugnauth (SAJ) ?

J’ai appris que la loyauté fi nissait toujours par payer. La période 1995-2000 a été la  plus difficile de sa carrière. A l’époque, beaucoup de gens l’ont trahi, ils le  considéraient comme un lépreux. Mais moi je suis resté.

Faute de mieux ?

Non, parce qu’il me l’a demandé : « Showkut, reste avec moi ». Nous étions trois  gladiateurs, Karl Offman, Nando Bodha et moi. SAJ nous a dit : « Si vous restez, vous  serez au pouvoir dans cinq ans. » Il ne s’est pas trompé. Je lui dois tout, c’est mon père politique. A ses côtés j’ai appris le sens du mot discipline. A mes débuts de syndicaliste, j’étais trop agressif, trop indiscipliné. Je l’ai d’ailleurs payé cher, on m’a bien tabassé, on m’a même jeté en prison.

« On », ce ne serait pas SAJ par hasard ?

Si ! A la requête d’Harish Boodhoo. Mais je ne suis pas rancunier. Aujourd’hui, Sir  Anerood me confie ses secrets, nous sommes très proches.

Un vrai confident n’aurait pas dit publiquement que SAJ a négocié l’alliance avec le PTr…

Je n’ai jamais dit ça !

Souvenez-vous, lors d’un meeting…

Impossible, je n’ai pas pu commettre une si grossière erreur. Parole d’évangile.

Le rachat de la clinique Medpoint faisait-il partie du deal ?

Je peux vous jurer sur la tête de ma maman qui est décédée que Medpoint n’a jamais fait partie du deal.

Qui va vous croire ?

Dieu me croit.

Il a bon dos, Dieu.

La brouille entre Pravind Jugnauth et son beau-frère s’est passée sous mes yeux en 1994. Depuis cet épisode, Pravind Jungnauth a complètement coupé les ponts. Au MSM, on a la conscience claire. Cette affaire va faire pschitt, comme l’affaire Sheik Hossen, il n’y  aura rien au bout. Pravind Jugnauth n’est pas mêlé à tout ça, il n’a pas fauté, j’en suis convaincu. Si je me trompe, si j’apprends un jour que Pravind Jugnauth a volé de l’argent, qu’il y a eu corruption, je démissionne de la présidence du parti. Ecrivez-le,
je DE-MI-SSIONNE !

Certains travaillistes vont penser que vous prenez des risques…

Les critiques venues de l’intérieur du gouvernement m’ont fait mal au coeur. Des gens ont  parlé, ils n’auraient pas dû. Je crois à la solidarité gouvernementale, au travail d’équipe. Je n’ai pas apprécié l’attitude d’Assirvaden et des autres.

C’est qui, les autres ?

Nita Deerpalsing et Cader Sayed-Hossen. Je leur ai fait savoir ce que j’en pensais.  Aujourd’hui c’est réglé, je crois qu’ils ont compris. Surtout depuis l’intervention du  Premier ministre mardi au Parlement.

Vos taper sont-ils à l’origine du barbecue dans le garage de Boodhoo ?

Nous n’avons pas de taper au MSM, nous condamnons ce genre d’agissements. On a terminé ? Faut que j’y aille, c’est Pakistan Day aujourd’hui…


Entretien réalisé par Fabrice Acquilina