Publicité
Surendra Bissoondoyal : «Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas de plan pour guider les étudiants»
Par
Partager cet article
Surendra Bissoondoyal : «Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas de plan pour guider les étudiants»
Pédagogue et membre de la commission Education du Mouvement militant mauricien, Surendra Bissoondoyal regrette qu’à Maurice, on « met l’accent sur les études académiques, avec une planification passéiste ».
Le foisonnement d’institutions dispensant une formation universitaire est-il une garantie de la qualité de l’enseignement à Maurice ?
A vrai dire, très peu d’institutions dispensent une formation en tant que telle. Ils proposent les mêmes cours, sans s’assurer que leurs diplômes vont dans le même sens que la demande du marché. Et, c’est aussi valable pour des institutions comme l’université de Maurice.
Pourtant, les étudiants ont un plus large éventail d’adresses pour suivre une formation…
Dans des institutions qui n’ont pas les infrastructures nécessaires et qui prétendent délivrer les mêmes diplômes que les universités étrangères qu’ils représentent. Le vrai problème de l’enseignement supérieur, c’est qu’il n’y a pas de plan pour guider les étudiants.
Vous aimez prendre en exemple le système éducatif singapourien. Qu’a-t-il de si particulier ?
Un plan bien défini. Il faut se rendre à l’évidence, tout le monde ne peut pas être canalisé d’un coup vers les universités. Le système singapourien est fait d’étapes, d’examens similaires aux nôtres. Toutefois, au bout de quatre ans d’études, ils ont un General Certificate of Education ‘N’ Level pour démontrer les aptitudes des élèves et les diriger vers les Institute of Technical Education (ITE). Ils absorbent ainsi plus de 20 % de la cohorte secondaire, qui est formée pour répondre aux besoins du marché du travail. 43 % de ceux qui continuent jusqu’au ‘O’ Level sont dirigés vers les Polytechniques, qui sont mieux équipées que nos universités. Les
Singapouriens tiennent en compte que le fait que le monde change et misent beaucoup sur l’informatique, notamment. Surtout, seulement 26 % de ceux qui finissent le cycle secondaire vont vers une filière universitaire.
A bien vous écouter, on peut penser qu’un étudiant singapourien a plus d’options qu’un Mauricien…
Pour eux, il ne faut pas que ces derniers finissent chômeurs. Ils sont conscients que tous les enfants ne s’adaptent pas à la culture académique… Non, livresque plutôt.
Mais avec l’ambition «one graduate per family», ces mêmes diplômés mauriciens ne risquent-ils pas de se retrouver sans emploi à la fin de leur formation? Comme bon nombre d’entre eux, qui doivent se rabattre sur des métiers ne cadrant pas avec leur formation ?
C’est un slogan creux. C’est vrai, cependant, que même des médecins, alors qu’on dit que Maurice en a besoin, se retrouvent sans emploi. La crise en Europe aura fait réfléchir les Britanniques. Selon leurs statistiques, 20 % des diplômés d’institutions universitaires, en 2011, sont toujours sans emploi six mois après. Ils font aussi un autre constat : les gens formés, notamment dans les filières techniques et économiques, préfèrent se tourner vers le secteur privé plutôt que l’enseignement.
Une tendance qu’on voit aussi chez nous. Pourtant, que pouvons-nous apprendre d’eux ?
La Birmingham City University, par exemple, se focalise sur les nouveaux médias. Ils ont demandé des études pour savoir quels emplois sont en demande, mais surtout quelles sont les faiblesses des candidats, pour proposer des formations plus en phase avec les demandes de l’industrie.
Pourquoi n’en faisons- nous pas autant ?
Il est triste de constater qu’à Maurice, on ne veut pas changer de concept, alors que le monde a changé. On met l’accent sur les études académiques, avec une planification passéiste. Et, nos leaders politiques ne nous disent pas que ce n’est pas la bonne logique, qu’il faut changer d’attitude.
Cette même attitude qui met sur un piédestal les «high profi le jobs» que sont censés garantir les diplômes universitaires ?
Le plus drôle, c’est que ces métiers qu’on a tendance à voir comme étant de deuxième catégorie sont souvent les mieux rémunérés, si on y est bon. Mécaniciens, électriciens ou autres métiers qu’on voit comme inférieurs sont aussi ceux qui offrent le plus de garanties, quant au fait de trouver un emploi par la suite. Il est, de ce fait, d’autant plus important de les valoriser. Pendant longtemps, la filière «pré-vocationnelle », telle qu’elle était proposée par l’ex-Industrial and Vocational Training Board, n’était pas prisée, parce que, justement, elle était considérée comme inférieure. Or, le côté technique demande à être valorisé, aussi bien à la formation qu’à l’emploi, surtout du côté informatique. Les exemples, à l’étranger, ne manquent pas.
Propos recueillis par Ludovic AGATHE
(Source : l’express iD, jeudi 9 août 2012)
Publicité
Les plus récents