Publicité

Sylvain Ramsamy: «Les Mauriciens ont adopté la culture occidentale»

6 décembre 2008, 01:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Sylvain Ramsamy: «Les Mauriciens ont adopté la culture occidentale»

Sylvain Ramsamy a quitté l’île Maurice en 1974. Pourtant, c’est comme s’il n’est jamais parti. De passage au pays, il jette un regard sur cette société mauricienne qui emprunte trop, à son goût, à la culture de l’Ouest.

 

Aujourd’hui âgé de 65 ans et malgré une vie très active, Sylvain Ramsamy porte toujours l’énergie des gens qui aiment se battre. C’est d’ailleurs l’histoire de sa vie. Une vie qui se conjugue avec départ, politique et rencontres. Il est, en effet, difficile de l’amener à parler d’autres choses que de la politique, des gens qu’il a rencontrés. C’est sa passion et, quelque part, aussi le sens de sa vie.

«Ce qui me manque le plus à Maurice, c’est cet engagement que nous avions, nous, connu dans les années 1960 et 1970», confie Sylvain Ramsamy. C’est la nostalgie qui habite notre interlocuteur. Il faut dire qu’ayant vécu les années de braise du Mouvement Militant Mauricien à la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante, il garde de Maurice ce souvenir d’un engagement politique intense. Ce n’est pas étonnant qu’il trouve, désormais, la jeunesse mauricienne passive à l’égard de la politique.

Lui, c’est depuis quarante ans qu’il s’investit en politique. Même lorsqu’il quittera Maurice en 1974 pour la France, il ne tardera pas à s’ouvrir les portes du Parti Socialiste français. A Maurice comme en France, il exercera divers métiers et passions- enseignant, syndicaliste, journaliste et homme de théâtre. Il connaîtra également la prison lors de la répression qui frappe le pays au début des années 1970. Il n’a pas encore 30 ans. C’est alors qu’il décide de quitter le pays. Parce que la répression politique était trop pressante et aussi, avoue-t-il, à la demande de celle qui allait devenir sa femme. On est en 1974.

Il arrive en France en clandestin. Il touchera à tout. Garçon d’ascenseur, commercial à la Terrasse Martini Rossi aux Champs-Élysées, il bourlingue. Comme il a la politique dans le sang, il finira par céder aux sirènes du Part socialiste. Il atterrit à la mairie de Sarcelles avant de faire partie de l’Association des communes de Val de France. Il confie qu’il a eu pour parrain Dominique Strauss-Kahn, celui qui est à la tête du Fond monétaire international aujourd’hui. Pour le prouver, il ne manque pas de photos dans la serviette qu’il porte.

Avec un aussi riche parcours et surtout pour un homme parti quasiment de rien pour arriver là où il est désormais, il peut se permettre d’analyser cette société mauricienne qu’il a quittée en 1974. «Pour nous qui sommes partis, Maurice reste un coin de paradis. Le vivre-ensemble mauricien continue à fasciner. Certes, c’est une île qui a ses difficultés mais elle reste un modèle pour les autres», insiste-t-il. C’est la raison pour laquelle, il affirme que, dans son cœur, il n’a jamais quitté Maurice. «Lorsqu’il y a eu les attentats à Mumbai et qu’on a parlé de l’éventuelle implication d’un Mauricien, j’ai prié au plus profond de moi-même pour que Maurice ne soit pas mêlée à cette affaire», avoue-t-il.

Aujourd’hui, le regard qu’il porte sur Maurice est empreint d’admiration et de mélancolie. Admiration pour une société qui a su bouger avec son temps. Mélancolie pour une société qui s’est laissé facilement prendre au piège de la mode de la consommation à l’occidentale. «Maintenant, quand je reviens à Maurice, j’ai quelque peu l’impression d’être en Europe. Surtout lorsque je regarde les jeunes…» Il ne finira pas sa phrase.

Il est vrai qu’il ne comprend pas ce désintérêt des jeunes pour la politique, ou encore d’un engagement plus poussé en faveur du civisme. «Ils ont perdu l’esprit du militantisme. Les jeunes se sont quelque embourgeoisés. Ils demeurent chez eux ou entre amis et ils font des analyses», estime Sylvain Ramsamy.

Il voudrait les voir s’engager en politique mais, en même temps, il reconnaît que la politique mauricienne est bien souvent une affaire de familles ou de dynasties. «Il est vrai que, pour intéresser les jeunes, il faut d’abord savoir s’il y a de la place pour eux? Or, je constate que, depuis plus de 40 ou 50 ans, c’est la même caste et classe politiques qui domine la scène. C’est le même système politique qui est en place. A l’approche des élections, le même jeu de calculs pour savoir qui fera une alliance avec qui. On parle toujours de combattre le communalisme mais, en même temps, prenant comme prétexte la réalité mauricienne, on ne cesse de pratiquer le communalisme», soutient notre interlocuteur.

Sylvain Ramsamy a commencé l’entretien en parlant de politique. Il le terminera avec la politique. En plaidant notamment pour une évolution plus rapide des mentalités. Mais Sylvain Ramsamy ne veut pas faire la morale. Il n’est pas de ceux qui sont devenus «fiers» parce qu’ils ne sont plus à Maurice.

Il est plutôt ce véritable Mauricien qui est prêt à s’approprier chaque identité, chaque terre, chaque opportunité qui s’offrent à lui…