Tous les nombres ont une signification en islam. C’est ce que soutient Teebaye Moradhun, mathématicien passionné et «Principal School Inspector» au ministère de l’Education, dans son ouvrage «Numbers and Mathematical Concepts in Islam».

Le sourire collé aux lèvres et le regard animé, Teebaye Moradhun nous invite à entrer dans son univers, fait de chiffres et de logique. Avec ses mains et ses doigts qui dessinent des nombres continuellement, il explique que la science et les mathématiques sont très présentes en islam. C’est la raison pour laquelle il a consacré ces quatre dernières années à faire des recherches et à écrire son livre, Numbers and Mathematical Concepts in Islam, qui peut être consulté gratuitement sur Google Books.

Cet ouvrage suit la publication de 14 autres livres. Toutes des oeuvres didactiques destinées aux professionnels de l’enseignement et aux élèves eux-mêmes. Parcours riche donc pour cet homme de 61 ans, originaire de Tyack. Rien ne le prédestinait au départ à un tel cheminement. Fils de parents laboureurs, il comprend très vite que le succès passe par une discipline de vie et un parcours académique réussi. Dès lors, il se fait autodidacte et s’adonne assidûment à la recherche. Homme curieux, il n’est en adéquation avec lui-même que lorsqu’il fait des «découvertes».

Marié et père de deux enfants, Teebaye Moradhun peut être défi ni comme un homme qui vit dans sa tête. La réflexion est toujours chez lui une stimulation. Il prend son temps pour faire les choses, mais il sait aussi qu’il faut être de tous les temps. «Par exemple, l’éducation est très dynamique et change constamment. Pour être en phase avec son époque, il faut toujours faire de la recherche. L’éducation reste, pour moi, un sacerdoce», confie-t-il en ce sens. Il peut ainsi être fier d’être l’une des rares personnes, sinon la seule, à avoir formé aussi bien des enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire que du tertiaire. Sa devise : toujours lire et chercher à connaître de nouvelles choses. «Ce n’est pas pour autant que je néglige ma vie familiale et sociale», précise-t-il.

Après une longue carrière d’instituteur, Teebaye Moradhun devient maître d’école entre 1995 et 1999 dans un établissement de Chamouny. En 2000, le ministère de l’Education fait appel à lui en tant qu’inspecteur. Il a, en outre, reçu plusieurs prix, dont le Commonwealth Association of Science, Technology and Mathematics Educators (CASTME) Award pour une thèse sur Teaching Mathematics in the Social Context en 1988. Récipiendaire de plusieurs bourses, il finira par obtenir son doctorat en mathématiques aux Etats-Unis en 2004.

Fervent croyant et pratiquant, la religion occupe une grande place dans sa vie. «Mais, je ne vis pas la religion comme un fondamentaliste. Je conçois et pratique l’islam dans sa perspective scientifique», assure-t-il. C’est la raison qui lui fait dire que le dialogue interreligieux aurait pu être plus poussé à Maurice. «S’il y avait moins de méfiance et si les communautés n’étaient pas obsédées par le besoin d’avoir toujours plus que les autres, on aurait eu un cadre de vie encore plus agréable», estime-t-il ainsi.

Féru de l’enseignement

C’est cette logique qui pousse ce féru de l’enseignement à écrire Numbers and Mathematical Concepts in Islam. Si, jusqu’ici, c’était surtout par souci didactique qu’il écrivait des livres, cette fois-ci, il veut aller au-delà des clichés qui minent l’image de l’islam. «Chaque nombre qu’on retrouve dans le Coran a une signification. L’islam est basé sur une structure mathématique pour la simple raison que Dieu est unique. On prend n’importe quel chiffre qu’on multiplie par un et on aura toujours le même chiffre. Ce qui implique qu’on revient toujours à l’unicité de Dieu. Il y a une explication mathématique et scientifique à tout ce qui nous est arrivé et à tout ce qui nous arrivera», partage le chef inspecteur à l’éducation.

Numbers and Mathematical Concepts in Islam s’évertue à donner un autre visage de l’islam que celui, par exemple, qu’on enseigne dans les écoles coraniques. Là où l’enseignement se fait de façon mécanique. «Dans un monde dominé par la technologie et les sciences, on doit pouvoir appréhender l’islam de manière scientifique. Cela nous permettra de mieux comprendre cette religion», soutient Teebaye Moradhun.

Cette nécessité de montrer une autre réalité de l’islam procède d’une réflexion globale. Aujourd’hui, cette religion est présente dans de nombreux pays. Dans un monde où une grande proportion de la population est tournée vers un dieu unique, il est impératif que les trois religions monothéistes – le judaïsme, le catholicisme et l’islam – puissent entrer dans un dialogue rationnel. «Les différences se notent seulement dans le rituel. Il est important que nous connaissions chacun notre propre religion et celle des autres en vue d’un dialogue de raison. Lorsque vous ne vous ouvrez pas aux autres, il est évident qu’ils ne comprendront pas votre religion dans sa réelle dimension», conclut Teebaye Moradhun.

(Source : l’express iD, mardi 2 août)