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Tim Taylor : «On ne s’identifie pas à un employeur tricheur»
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Tim Taylor : «On ne s’identifie pas à un employeur tricheur»

Quel état des lieux faites-vous de la bonne gouvernance à Maurice ? Et que reste-t-il à faire pour une pleine adhésion à ce concept ?
En 2009, le National Committee on Corporate Governance (NCCG) a commandé une étude pour évaluer le degré de respect du Code de la bonne gouvernance. Les conclusions de cette étude ont démontré que le respect du Code était inégal. L’alignement sur le Code était élevé (83 %) chez les compagnies listées à la Bourse de Maurice. Néanmoins, il était bas chez les compagnies listées au Development Enterprise Market (DEM) et chez les compagnies parapubliques.
Beaucoup de progrès a été fait par les compagnies qui sont en conformité avec le Code. Elles disposent de comités d’audit et de bonne gouvernance. Le degré de transparence en rapport aux conflits d’intérêt y est élevé. Les informations financières y sont également accessibles. Les droits des actionnaires sont généralement respectés et ces compagnies sont conscientes que la bonne gouvernance est intrinsèquement liée à leur réputation et à leur performance.
Cependant, il y a toujours de la place pour des améliorations dans certains domaines. Les conseils d’administration sont appelés, entre autres, à se concentrer sur la stratégie, la performance, la gestion des risques et celle du développement durable. Les comités de bonne gouvernance doivent aussi être renforcés et rendus plus efficaces, surtout en ce qui concerne les nominations. Les conditions doivent être créées pour que les actionnaires deviennent plus participatifs. Enfin, il faut pouvoir offrir plus d’opportunités en termes de formation et de coaching des directeurs.
Cette étude a aussi permis de constater que le degré de respect du Code par les corps parapublics était effectivement bas (44 %). Pourtant, puisqu’ils gèrent l’argent public, ils se doivent d’être plus en ligne avec la bonne gouvernance. A ce stade, nous voulons revoir le Code dans un processus consultatif avec les régulateurs et les compagnies. Il faudrait un Code uniforme, avec différents niveaux d’alignement pour les entreprises.
Qui sont les mauvais élèves en matière de bonne gouvernance à Maurice ?
Je n’apprécie pas vraiment cette expression de «mauvais élèves». Il est clair qu’il y a des compagnies qui font preuve de plus d’engagement que d’autres. Au même titre, des rapports de bonne gouvernance sont meilleurs que d’autres. Néanmoins, en fi n de compte, ce qui importe, c’est l’intégrité. On peut affirmer qu’on applique le Code mais il y a le Code et l’esprit du Code. Le Code, lui-même, s’est formalisé il y a une dizaine d’années. Cependant, certains pratiquaient la bonne gouvernance avant même qu’il ne soit établi parce que c’étaient des personnes intègres. L’intégrité est essentielle dans toute cette problématique.
Est-ce que la bonne gouvernance profite à Maurice ? Si oui, de quelle manière ?
Si on veut que notre économie se développe, il faudrait disposer d’une Bourse prospère. Là, il est aussi question de l’argent de petites gens qui investissent, par exemple, dans leurs retraites, d’entrepreneurs qui y puisent une partie de leurs capitaux, de fonds de pension… Le secteur des services représente notre avenir. Dès lors qu’il est question de services financiers, la bonne gouvernance est un critère fondamental. Enfin, Maurice se positionne comme un centre financier régional. La bonne gouvernance assure plus d’investissements directs étrangers (IDE).
Nos dirigeants sont-ils conscients de son importance ?
Certains le sont plus que d’autres. Il y a ainsi des gens qui sont très à cheval sur ce principe alors que d’autres en maîtrisent moins l’importance.
Le principe d’un administrateur indépendant fonctionne-t-il dans les entreprises mauriciennes ?
Les directeurs indépendants sont là pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Ils représentent un garde-fou. Actuellement, le Code impose deux directeurs indépendants par compagnie. Toutes les compagnies listées à la Bourse de Maurice ont des directeurs indépendants. Un tel directeur ne doit ni être lié à la compagnie elle-même, ni aux gros actionnaires de la compagnie. Cependant, être indépendant, c’est un état d’esprit. Quelle indépendance y a-t-il si on accepte toutes les décisions du président ? L’honnêteté intellectuelle est un élément déterminant dans tout le processus. C’est ce qui permet à un directeur indépendant de contester une décision du président ou des directeurs issus de l’actionnariat et des actionnaires majoritaires s’il lui semble qu’elle est injuste.
En quoi la bonne gouvernance peut-elle être bénéfique à l’employé ?
La bonne gouvernance ne doit pas être l’affaire des seuls actionnaires. Elle doit être une préoccupation pour les actionnaires, les partenaires importants et les salariés. La bonne gouvernance garantit l’équité dans le recrutement et les promotions, de bonnes conditions de travail, des plans de santé et de pension, une révision régulière des salaires et bonus de performance. Elle impose la création d’un code d’éthique. L’important, c’est que la compagnie ait une bonne réputation. Les employés doivent pouvoir être fi ers de leur compagnie. On ne s’identifie pas à un employeur tricheur.
A Maurice, il y a beaucoup d’interrogations sur le rapport entre le secteur public et la bonne gouvernance. Que reste-t-il à faire pour que ce secteur soit en ligne avec ce concept ?
Il y a encore beaucoup à faire. Les compagnies publiques et parapubliques doivent se soumettre au Code. En 2006, le NCCG a émis les Guidance notes for State Owned Enterprises. En avril 2009, la loi sur les organismes de droit public a été amendée afi n d’inclure le Rapport de la bonne gouvernance et s’assurer que les compagnies publiques soient en conformité avec le National Code of Corporate Governance pour l’année financière débutant en 2011. A cet effet, l’Office for Public Sector Governance (OPSG), qui fonctionne sous le bureau du Premier ministre, a été mis en place. Le NCCG travaille étroitement avec l’OPSG de même qu’avec le National Audit Office. D’autres défis sont à relever. Aujourd’hui, qui décide de la composition des conseils d’administration des compagnies publiques ? Il faut toujours faire en sorte qu’on y désigne des gens valables.
Entretien réalisé par Nazim ESOOF
(Source : l’express iD)
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