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Toxicomanie : les femmes et les jeunes de plus en plus touchés

6 juin 2011, 00:00

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Les femmes et les jeunes sont de plus en plus touchés par la consommation de drogues dures, notamment par voie intraveineuse, constatent les travailleurs sociaux.

A une vingtaine de jours de la célébration de la journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue (26 juin), la réalité  sur le terrain est accablante. Même si on ne dispose pas de statistiques officielles et précises, les travailleurs sociaux sont en présence  d’indications claires que la toxicomanie  touche de plus en plus de femmes et de jeunes.

Ainsi, dans les centres de désintoxication et de traitement, on note désormais un plus grand nombre de femmes et de jeunes. Par exemple, le centre  La Kaz A accueille actuellement 25 femmes, alors  qu’au centre de désintoxication Idriss Goomany, on compte 600 autres, dont  175 sont  âgées entre 14 et 30 ans.

Le constat est plus que troublant, reconnaissent les différents travailleurs sociaux de l’île que nous avons interrogés. «Nous avons des sessions qui accueillent 25 jeunes, chaque jour, le plus jeune est âgé de 14 ans », nous révèle Geovani Rose, travailleur social à plein temps au centre Idriss Goomany. «Des traitements de désintoxication  sont offerts à 30 patients par  jour, et  25 d’entre eux sont âgés de 14 à 27 ans », soutient-il.

L’accessibilité, l’oisiveté, les  mauvaises influences, sont autant de facteurs  avancés par les travailleurs sociaux pour expliquer le rajeunissement de la population des toxicomanes. «Lorsque vous habitez dans des quartiers comme Roche-Bois, Plaine-Verte ou Barkly, vous n’avez qu’à pointer votre nez dehors pour apercevoir un groupe d’individus en train de vendre de la drogue », explique pour sa part Ally Lazer. Tout le monde sait où l’on peut s’en procurer, mais rares sont les arrestations, fulmine-t-il.

Des solutions  ne manquentpas,  selon les travailleurs sociaux,  seule la volonté politique  manque. « Cela fait des années que nous faisons sans cesse des requêtes auprès des autorités pour organiser des  campagnes de prévention  dès la maternelle, mais c’est si on parlait à des sourd », lâche Jameel Peerally. Autre solution proposée par ce dernier : la décriminalisation de la drogue, « comme on l’a fait tout récemment  au Portugal ».

Entre temps, le paradis reste en deuil, et les mères et pères ne font que pleurer sur le sort de leurs fils et de leurs filles. Comme c’est le cas pour Dali, père de deux fils âgés de 16 et 17 ans respectivement, et qui sont devenus des toxicomanes. « C’est un enfer, c’est honteux », affirme Dali. Lors de son témoignage, il révèle que lorsqu’on lui a appris que ses fils prenaient de la drogue par voie intraveineuse, il a failli faire une crise cardiaque. « Je ne voulais pas le croire, ce n’est que lorsque je les ai pris en flagrant délit de shoot que je me suis rendu à l’évidence. Mes deux enfants  se sont laissés prendre par le cercle vicieux de la drogue », pleure-t-il.

L’initiation de ses deux fils à la drogue a d’abord commencé par des sirops pour la toux.  « Ce n’est que lorsqu’ils ont commencés à fréquenter un vieux bon à rien qu’ils ont commencé à se shooter », poursuit notre interlocuteur. C’est par amour pour ses fils que Dali a décidé de se battre : « je les ai conduits au centre Idriss Goomany où ils suivent un traitement depuis peu, les espoirs de les voir s’en sortir sont faibles, mais j’aurai au moins essayé », lâche-t-il désespérément.

L’engouement que créent les différentes drogues dures telles que le Subutex et le Brown Sugar chez les  femmes  inquiètes également. « Dans la plupart des cas,  ce sont toutes des travailleurs de sexe, qui d’une manière ou d’une autre, ont été influencées par leurs conjoints », explique Ally Lazer. Là encore, les chiffres sont alarmants. En effet, depuis  le début de l’année à ce jour, le centre de Plaine Vertes  a accueilli en tout 600 femmes, « un chiffre record qui nous dépasse », soutient Geovanni Rose.

En 25 ans d’existence, le centre n’a jamais enregistré autant d’admissions de la gente féminine. « Ce qui nous a même poussé à recruter une femme au sein de notre équipe, car nous avons constaté que face à une telle situation, il nous fallait du renfort féminin », poursuit-il.  En ce qui concerne les traitements offerts, les patients sont soignés à l’aide de codéine et de méthadone.

25. C’est le nombre de femmes toxicomanes qu’abrite le centre Lakaz A. Et là encore, on nous parle de chiffre record. « Nous avons ouvert nos portes il y a cinq ans,  et c’est du jamais vu », souligne de son côté Mary Emilien, animatrice à La Kaz A. « En l’espace de deux ans, il y a inévitablement eu une féminisation de la drogue, ceux et celles qui refusent de l’admettre sont des ignorants », argue-t-elle.

C’est le 26 juin que sera célébré la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue. « Une célébration qui sera sans nul doute marquée par des discours politiques et des questions parlementaires. Puis,  le lendemain, tout sera déjà oublié jusqu’au 26 juin prochain », soupire Ally Lazer.