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Vidya Balan : « La femme-objet en tant que telle n’existe pas »
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Vidya Balan : « La femme-objet en tant que telle n’existe pas »

Comment vos proches ont-ils réagi en vous voyant dans un rôle aussi sensuel ?
J’ai dû moi-même tout d’abord comprendre et vraiment accepter ce rôle. Mon père n’est pas du genre à réagir de façon excessive. Quand il a vu No One Killed Jessica, il m’a dit : «Tu as un look de collégienne du St-Xavier.» Ma mère, pour sa part, m’a dit que je fumais «élégamment»... Elle est toujours un peu appréhensive par rapport à mes rôles. Mais en voyant les promos de Dirty Picture, elle m’a dit : «Tu es très sexy et tu danses très bien.» Et même ma soeur et mon beau-frère sont très fiers de ma performance. Je les considère comme mes deuxièmes parents s’ils pensaient que le film était vulgaire, je serais très abattue.
Quel est l’aspect le plus frustrant d’être une actrice talentueuse dans une industrie autant dominée par les hommes ?
Ce qui m’a vraiment frustrée un jour, c’est la perception que si un film est centré sur une femme, cela doit forcément être un film d’auteur et donc, plus lourd. Par la grâce de Dieu, je ne suis pas allergique au succès commercial et à mon avis, un film doit, avant tout, divertir. Il fut un temps où un film centré sur une femme était chargé de messages sociaux. Je comprends que le réalisateur veuille transmettre une idée, mais qu’il le fasse en divertissant le public ! Si vous voulez éduquer la population, vous devriez plutôt faire des documentaires et non des films…
En parlant d’éducation, avez-vous vu «Layanam», qui est considéré comme étant le premier fi lm «porno soft» de l’Inde et qui a bâti la notoriété de Silk Smitha ?
Non, je ne l’ai pas vu. Vous savez, Dirty Picture n’est pas entièrement basé sur la vie de Silk Smitha. Ce fi lm parle de toutes ces danseuses de film des années 80. Elles paradaient à moitié nues et étaient très sensuelles dans leur façon d’être. Elles compensaient cette absence de désir caractéristique des héroïnes de l’époque. L’héroïne d’un fi lm ne pouvait avoir de désir sexuel. Et les femmes qui affichaient une certaine sensualité, telles que Helen ou Nadira, devaient se «racheter» en donnant leur vie pour le héros. Zeenat Aman et Parveen Babi, dans les années 70, ont quelque peu changé la donne, mais les années 80 ont fait des actrices principales rien que des potiches. Certes, Shabana Azmi et Smita Patil ont eu des rôles forts, mais dans des films d’auteur. Donc les danseuses suppléaient à ces héroïnes asexuées. Ce n’est que vers la fin des années 80, avec le Ek Do Teen de Madhuri Dixit dans Tezaab notamment, qu’on a vu l’émergence d’une héroïne sensuelle. Mais, ironiquement, cette époque, avec ses Kaate Nahin Katte, Dhak Dhak, Choli Ke Peeche, etc. a sonné le glas pour les danseuses.
Etiez-vous à l’aise dans ce rôle d’une femme devenue célèbre pour son attrait presque pornographique ? Comment avez-vous fait pour «exploiter » un tel rôle sans vous faire exploiter vous-même ?
En fait, tout le monde pense que Dirty Picture est sur Silk Smitha parce qu’elle n’était pas une simple danseuse. Elle partageait l’affiche avec le héros du film – ce qui est un véritable exploit. Silk était en avance sur son temps elle célébrait sa sexualité alors que les autres filles se faisaient exploiter. C’est ce qui a fait d’elle une star. Elle semblait dire : «J’aime mon corps. J’aime l’attention qu’il me procure. Vous aimez le sexe ? Je suis le sexe. C’est à prendre ou à laisser.» J’aimerais préciser que la femme-objet en tant que telle n’existe pas. C’est son choix. Alors oui, j’étais plutôt à l’aise avec ce rôle.
D’aucuns estiment que la pornographie est dégradante pour les femmes d’autres sont d’avis que notre attitude envers le sexe est hypocrite. Où vous situez-vous par rapport à ces deux écoles de pensée ?
Il faudrait, avant tout, comprendre que les danseuses de film sont bien plus que de simples corps. Au-delà de l’enveloppe corporelle, une personne existe. Certes, ce changement dans notre façon de voir les choses ne se produira pas du jour au lendemain. Mais, des films tels que Dirty Picture, qui relatent la vie de ces femmes, sont un pas dans la bonne direction et aident à donner une perspective qui n’est ni trop misogyne, ni trop morale.
Stéphanie TECHER
(Source : l’express & moi, mercredi 30 novembre)
 
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