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Questions à… Ashvin Sunnassy
«Je vends moi-même mes récoltes et j’ai reçu des menaces pour cela»
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Questions à… Ashvin Sunnassy
«Je vends moi-même mes récoltes et j’ai reçu des menaces pour cela»
Ashvin Sunnassy, le planteur qui a contraint un voleur de légumes à manger des… piments
Sa vidéo enregistrée alors qu’il a surpris un individu en plein délit de vol de gombos et de piments dans un de ses champs a été diffusée sur Facebook dans la soirée de mardi. Engagé dans le secteur agricole depuis 10 ans, Ashvin Sunnassy, 39 ans, qui habite à Petit-Bel-Air, consacre son temps et ses efforts à la culture de fruits et légumes bio, notamment les bananes, haricots, aubergines, laitues, piments, gombos et les fruits de Cythère dans plusieurs champs dans sa localité ainsi qu’à Ville-Noire, Grand-Bel-Air, Grand-Port et Rivière-des-Créoles. Parallèlement, il travaille dans le marketing pour une entreprise privée. Il est également diplômé en Food Quality and Safety, et dirige une coopérative qu’il a créée avec un groupe de jeunes.
Pourquoi avez-vous contraint cette personne à manger les piments qu’il a admis avoir volés dans votre culture ?
Ce vol est le troisième qu’il commet dans mon champ. La première fois, il a volé des bananes et a été identifié par nos caméras de surveillance. Depuis, nous sommes restés vigilants et la deuxième fois, je l’ai surpris en train de voler des piments, des aubergines et des fruits de Cythère. Je l’ai laissé partir avec ce qu’il avait volé et je lui ai dit qu’il ne fallait plus jamais qu’il vole ici ou ailleurs; que s’il le faisait, swa li pou bizin manz tou enplas ou swa li gagn trape ek gard. Cependant, il a de nouveau commis un vol. Ce jour-là, j’étais au travail lorsque mes voisins l’ont repéré dans mon champ sur leurs caméras de vidéosurveillance. Ils ont alerté mon frère, qui s’est rendu sur place et l’a surpris. Lorsque je suis arrivé, je lui ai demandé ce qu’il comptait faire des piments qu’il avait volés. Il a dit qu’il allait les manger, alors je lui ai imposé de manger les piments comme je l’avais prévenu, sans être agressif.
Avez-vous logé une plainte à la station de police pour vol ?
J’avais interrompu la vidéo en direct sur Facebook parce qu’à ce moment-là, quelqu’un l’avait déjà vu et avait informé la police de Mahébourg qu’un vol avait été commis. La police est arrivée très rapidement. Ils ont constaté que l’homme n’avait pas été brutalisé et l’ont interrogé et il a avoué son acte. Il a été emmené au poste et on m’a demandé de venir porter plainte. Il a été traduit en cour et libéré sous caution.
Dans votre vidéo, vous dites également que vous vendez des légumes à un prix raisonnable…
Je vends mes légumes le samedi à Ville-Noire à des prix inférieurs à ceux que l’on trouve ailleurs. Par exemple, les piments sont à Rs 25 le sachet, alors que vous les trouverez à Rs 1 000 au supermarché ou Rs 800 dans les bazars. J’encourage les clients à visiter ma culture, à observer les légumes par eux-mêmes, à choisir et à acheter ensuite, dans un souci de transparence et de confiance. Aujourd’hui, je constate que plusieurs planteurs, afin d’obtenir une récolte plus rapide, utilisent d’énormes quantités de produits chimiques. Ils utilisent également des pesticides ou des herbicides. Ils obtiennent ainsi une récolte en 14 jours, par exemple, ou des concombres en 40 jours, mais ces aliments sont en fait un «empoisonnement déguisé». Les légumes bio n’utilisent pas de produits chimiques ni de pesticides. Dans de rares cas, nous pouvons utiliser une quantité minimale d’herbicide pour nettoyer la terre avant la plantation.
Il y a ces marchands qui vendent des fruits et des légumes à des prix exorbitants après chaque averse. Quel est votre avis à ce sujet ?
Je vends mes produits à des revendeurs qui les distribuent à leur tour à des supermarchés, des hôtels, des cliniques, ou à des marchands qui les vendent dans les bazars. Ma marge de profit est de 15 %, ce qui me permet d’assurer une épargne et, en cas d’intempéries, de continuer à payer mes travailleurs. En revanche, les revendeurs ou marchands nous achètent les produits à faible prix et les vendent à la population avec un profit de 300 % dans les bazars.
Lors du passage du cyclone Belal, si les bazars sont restés fermés pendant deux jours, les marchands avaient déjà leur stock de légumes disponibles qu’ils ne vendaient que le lendemain. Or, les prix de ces mêmes légumes ont triplé. Il existe également un monopole parmi les marchands: si l’un d’entre eux décide de fixer un prix élevé, les autres sont obligés de suivre. Marsan ki fer dominer ar dimounn, pa planter. C’est pourquoi j’ai choisi de vendre moi-même mes récoltes au public, afin qu’il sache qu’il achète des produits sains et au juste prix. J’ai même reçu des menaces de la part de quelques marchands pour cela.
Quels sont, selon vous, les défis auxquels nous sommes confrontés en termes de sécurité alimentaire et comment y remédier ?
Il y a actuellement un manque de ressources et d’un système de soutien efficace pour les planteurs, qui doit être amélioré. Quelques jeunes se sont réunis et ont décidé de rejoindre le secteur agricole après avoir perdu leur emploi pendant la pandémie, et ils aspiraient à prendre un nouveau départ dans leur carrière grâce à quelque chose de significatif. Nous avons créé une coopérative depuis. Il faut un cadre réglementaire sérieux pour les prix des produits alimentaires de base, notamment les fruits et légumes. Par exemple, nous les vendons à des revendeurs qui, à leur tour, les vendent à des supermarchés. Dans ce cas, le revendeur réalise un profit lorsqu’il propose les aliments au supermarché à un prix plus élevé, et le supermarché les vend à son tour à un prix encore plus élevé pour couvrir ses frais. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des piments vendus à Rs 1 000. Si les supermarchés ou les hôtels peuvent désigner leur propre personne pour venir vérifier la qualité des produits et les acheter directement auprès des planteurs, les prix seront bien moins élevés. De telles pratiques sont courantes dans des pays comme la France et renforcent la dynamique entre les planteurs, les revendeurs et les consommateurs.
L’homme contraint de manger les piments qu’il a admis avoir volés a été arrêté, traduit en cour puis libéré sous condition de bonne conduite pendant un an et après avoir payé une amende de Rs 500.
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