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Au carrefour des possibles

30 décembre 2024, 05:15

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Les vœux se multiplient en ces jours de fêtes, saupoudrés de formules convenues et d’incantations creuses – santé, paix, prospérité. On en oublierait presque que les souhaits n’ont de poids que lorsqu’ils s’accompagnent d’actes. Or, cette année encore, c’est l’attente qui pèse lourd. Attente d’une réforme électorale qui tarderait à rompre avec l’ossature vermoulue du Best Loser System. Attente d’un gouvernement qui oserait délier les langues et ouvrir grand les fenêtres d’une démocratie asphyxiée par les secrets d’État. Attente d’une économie plus équitable, moins suspendue aux caprices d’une élite ou d’intérêts étrangers.

Les défis sont nombreux. Et pourtant, ce n’est pas d’ambition que Maurice manque. Ce qui fait défaut, c’est cette audace collective qui seule peut repousser les murs de l’inertie.

C’est là, sans doute, que réside le sens du choix de l’express pour 2024 : des acteurs issus d’horizons divers. Navin Ramgoolam, incarnation d’un retour politique retentissant, s’impose comme un symbole de résilience, rappelant que la défaite n’est jamais absolue. Yovanni Philippe, dans l’arène sportive, réaffirme la capacité d’un peuple à dépasser ses limites physiques et mentales. La Commission électorale, quant à elle, incarne l’impartialité et la rigueur nécessaires au fonctionnement démocratique. Enfin, la Mauritian Wildlife Foundation rappelle, par sa mission de préservation, que la nature elle-même est une alliée et non un adversaire.

Ces quatre visages – individuels et collectifs – sont les fragments d’un miroir brisé où chacun, en contemplant son reflet, peut percevoir les multiples facettes de son identité. Ce choix ne célèbre pas seulement des réussites ; il interpelle. Car au-delà des honneurs, c’est la fragilité de notre société qui transparaît.

Nous vivons une époque où les certitudes s’effritent, où l’avenir se dérobe sous nos pas. Dans ce chaos, il est tentant de chercher des héros, des figures providentielles qui porteraient à elles seules nos espoirs. Mais peuton encore croire en l’unité d’une île aussi fragmentée, aussi plurielle ?

La réponse est non. Maurice ne peut être réduite à un seul nom, à une seule voix. Sa richesse réside dans ses contradictions, ses luttes internes, sa diversité parfois conflictuelle. En saluant des personnalités aussi contrastées, l’express refuse la tentation du simplisme.

Peut-être est-ce là le vrai message de cette reconnaissance. Nous n’attendons pas de sauveurs. Nous attendons des bâtisseurs – ceux qui, comme ces figures choisies, posent des pierres, une par une, pour rebâtir la maison commune.

Le cas de Navin Ramgoolam concentre ces tensions. Son retour au sommet est une victoire, mais aussi un avertissement. Sa trajectoire, faite d’humiliations publiques et de rédemptions successives, rappelle celle de figures politiques comme Richard Nixon ou Lula da Silva. Rejetés puis réhabilités, ils incarnent cette soif de renaissance qui traverse les peuples. Mais leur résilience interroge autant qu’elle inspire.

Ramgoolam revient dans un pays brisé, divisé par des scandales et des méfiances. Il promet de recoudre ce tissu social déchiré. Mais saura-t-il dépasser ses propres cicatrices ? Sa victoire repose sur une alliance hétéroclite, unie davantage par la peur d’un ennemi commun que par une vision claire de l’avenir. Les triomphes électoraux, souvent, ne sont que des préludes aux désillusions.

À travers la Commission électorale, Maurice célèbre un autre visage : celui de l’intégrité. Dans un monde où les institutions vacillent, où la méfiance s’installe, cet organe rappelle qu’un processus démocratique peut encore être synonyme de rigueur. De même, la Mauritius Wildlife Foundation, en protégeant les espèces menacées, rappelle que la préservation de la vie passe par l’action et non par les discours.

Enfin, Yovanni Philippe incarne une jeunesse prête à franchir des limites, à repousser les frontières du possible. Ses victoires sont celles de l’endurance et du travail acharné. Elles rappellent que la discipline et la ténacité comptent autant que les rêves.

Maurice, aujourd’hui, vacille entre espoir et incertitude. Mais elle avance. Pas à pas. Son avenir ne repose pas sur des sauveurs, mais sur des mains bâtisseuses.

Navin Ramgoolam, Yovanni Philippe, la Commission électorale et la Mauritius Wildlife Foundation ne sont pas parfaits. Ils ne sont ni anges ni démons. Ils sont simplement humains. Et c’est peut-être cela, au fond, qui donne un sens à leur nomination.

Nous avons besoin d’hommes et de femmes capables de tomber et de se relever. De peuples prêts à pardonner et à reconstruire. De bâtisseurs qui, en dépit des failles, savent encore espérer.

Car l’espoir n’est pas une illusion. C’est un chantier. Et Maurice, au carrefour de son histoire, doit apprendre à y travailler.

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