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Priya Doobaree, Première Mauricienne commandante de bord d’Air Mauritius
«Au pays et à MK de donner des opportunités de rester à Maurice»
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Priya Doobaree, Première Mauricienne commandante de bord d’Air Mauritius
«Au pays et à MK de donner des opportunités de rester à Maurice»
Elle a déployé encore plus grand ses ailes. Deux ans après avoir figuré sur une liste de 18 pilotes d’Air Mauritius (MK) devant le Redundancy Board, que les administrateurs d’alors de MK, Sattar Hajee Abdoula et Arvind Gokhool voulaient licencier, Priya Doobaree est aujourd’hui la première femme représentante permanente de la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de la commission de navigation aérienne. Entretien avec celle qui est de passage dans l’île, dans le cadre de la conférence régionale qu’elle a orchestrée, de la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA).
Racontez-nous le parcours de la première Mauricienne commandante de bord de MK depuis votre coup de gueule dans ses mêmes colonnes en septembre 2021 pour compétences non reconnues par votre employeur.
En décembre 2021 pendant que j’étais en congé sans solde de cinq ans, j’ai été embauchée comme Technical Officer par la Fédération internationale des associations des pilotes de ligne (IFALPA).
Début 2021, quand je me suis rendu compte qu’on n’allait pas avoir de nouveau contrat, j’ai commencé à postuler sur LinkedIn. J’ai fait plusieurs entretiens et finalement un a abouti fin 2021. Depuis 2020, je détiens un Master en psychologie et j’avais entamé un Master en Business Administration (International) à l’AIM Maurice. Autant d’atouts en sus de mon expérience de pilote de ligne qui ont fait que j’ai été embauchée par l’IFALPA.
En quoi consistent vos fonctions au sein de la Fédération internationale des associations des pilotes de ligne ?
L’une d’elles, c’est d’être responsable de la coordination de toutes les activités de l’ICAO (International Civil Aviation Organisation – OACI en français), soit sa maison mère et ses bureaux régionaux. L’IFALPA, créée en 1948, pour que les pilotes puissent travailler officiellement en partenariat avec l’OACI et l’aviation civile de chaque pays, est une agence spécialisée des Nations unies, pour la sécurité, la sûreté et aussi l’utilisation équitable de l’espace aérien. Le quartier général est à Montréal et les bureaux régionaux sont à Nairobi, à Dakar, au Caire, à Bangkok, au Pérou et au Mexique.
Je m’occupe de la région Afrique et Moyen-Orient. Chaque année, nous avons deux réunions régionales, une, notre conférence pour des élections et une autre dans un des pays de la région. Cette année-ci, Maurice nous a accueillis. J’ai fait le nécessaire pour que la Mauritius AirLine Pilots’ Association (MALPA) ait la chance de lancer une invitation officielle en partenariat avec Air Mauritius. Après 1998, c’est la deuxième fois que cette réunion se tient au pays.
Cette opportunité internationale et l’absence d’un nouveau contrat sont-elles les seules motivations de votre départ du cockpit de MK en 2021 ?
Je n’ai pas quitté MK. J’ai pu négocier une période de congé sans solde, selon mon contrat. La direction a été très accommodante quand je lui ai expliqué l’importance de ce poste et de cette opportunité. Ce n’était pas négligeable.
Ma fonction principale reste mon poste de Permanent Représentative to ICAO and the Air Navigation Commission . À ce poste souvent alloué à quelqu’un de très senior dans l’organisation, on représente la voix des pilotes auprès de l’OACI. J’étais très surprise et honorée de le décrocher après juste quelques mois d’embauche. Je suis la première femme à l’occuper et aussi c’est la première fois que le titulaire n’est ni Européen ni Américain. L’assemblée de l’OACI, un évènement très important qui se tient chaque trois ans, s’est tenue en septembre 2022 et je devais y être pour présenter nos positions.
Actuellement l’IFALPA compte presque 150 000 pilotes de 74 pays comme membres. Ce qui veut dire qu’à chacune de mes réunions, interventions ou prises de position, je les représente tous. Mon travail consiste surtout à aider les autres commissaires nominés par leur pays respectif et experts à revoir et rédiger les lois et les règles de l’aviation civile qui vont devenir des Standards and Recommended Practices and Procedures for Air Navigation Services (SARPS et PANS), auxquelles les États et les opérateurs, à savoir, les compagnies aériennes et aéroports, doivent adhérer. Par exemple, actuellement, on travaille sur les règles de l’air pour les Remote pilot aircraft systems (RPAS) – les avions sans pilote qui vont intégrer nos espaces aériens très bientôt. Ces règles seront en vigueur en 2026. On travaille souvent sur des lois et projets pour les trois-quatre ans à venir.
Qu’est-ce que ça fait de figurer parmi des experts pareils ?
Je suis très bien vue et appréciée de mes collègues qui sont contents d’avoir une collègue. Nous ne sommes que trois femmes sur les 31 commissaires et représentants. Ce qui m’amène à mon troisième poste de responsabilité, soit celui qui consiste à chapeauter le Female Pilot Working Group , qui compte presque 150 pilotes femmes représentant l’association ou le syndicat de pilotes de leur pays. On se rencontre deux fois par an, à chaque fois dans un pays d’accueil différent. En début d’année on était au Mexique et le mois prochain on se réunira en Finlande.
On travaille pour une meilleure intégration des femmes dans la profession et le renforcement de notre présence. Soixante ans après la première femme pilote de ligne, on n’arrive pas à dépasser la moyenne de 6 % de femmes pilotes dans le monde. Actuellement, l’Inde devance tous les autres pays avec 13 % de femmes aux commandes des avions.
L’idée de ces réunions est de partager les meilleures pratiques, nos expériences mais aussi de rédiger des documents que les collègues et managers peuvent utiliser pour faciliter le mentoring, recruter et retenir les femmes pilotes. Le Covid-19 n’a pas aidé à rendre le métier attrayant pour le pilote en général, donc il y a du boulot à faire.
(De dr. à g.) Les commandants Salaa Sabreddine, Rola Hoteit, Jules Faye, Carl Bollweg, le président de l'IFALPA Ben Mansumitchai, l'EVP Africa/Middle East Souhaiel Dallel, Priya Doobaree et Gordon Margison, lors de la conférence régionale de la fédération, à Balaclava, le 10 octobre.
La conférence régionale de l’IFALPA est-elle l’unique raison professionnelle de votre passage au pays ?
J’ai aidé à l’organisation de cette conférence, allant de la sélection du pays, en passant par le choix de l’hôtel, jusqu’à lancer l’invitation aux associations et orateurs. Des orateurs d’IATA, d’OACI, de Boeing et d’Airbus ont participé à notre safety seminar et atelier de travail sur la positive safety culture tenus sur quatre jours. Des pilotes de 13 pays de la région et d’ailleurs, du Liban, de la Tunisie, d’Israël, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, d’Afrique du Sud, d’Algérie, du Sénégal, d’Éthiopie, de Thaïlande et bien sûr de Maurice étaient présents. La MALPA s’est occupé de la logistique comme l’hôtel, le transport et les prestations. Je voudrais remercier Air Mauritius qui nous a permis de faire voyager nos participants à de tarifs spéciaux. Notre réunion l’année prochaine aura lieu en Tunisie et je serai encore une fois en charge de l’organisation.
Depuis juillet, j’ai repris les vols à mi-temps avec MK comme commandante sur Airbus 330. Cela me permet de garder ma licence à jour et de rester en contact avec le métier, ce qui est très important pour mes fonctions. Avec MK, on a trouvé un accord, qui convient aussi à la compagnie. Donc, je suis revenue à Maurice plusieurs fois déjà cette année.
En 2017, vous devenez la première mauricienne commandante de bord à MK. En 2021, la compagnie alors en pleine administration volontaire, vous met sur une liste de 18 pilotes à licencier avant que le Premier ministre vous fasse tous réintégrer après le cri du cœur dans «l’express» et ailleurs. Cet épisode a-t-il finalement été un mal pour un énorme bien ?
Je dirais que oui. Pour l’instant tout se passe bien. Je travaille aussi comme consultante/psychologue à Resilient Pilot où je suis mentor/coach/ instructrice et au sein de la direction de cette start-up. Ça m’apporte davantage personnellement à effectuer ce travail de psychologue et de consultante. Je suis contente d’avoir plus de temps à consacrer à des choses comme ça aussi bien qu’à mon travail au sein de l’IFALPA.
Faire que pilote de ligne n’est plus assez satisfaisant pour moi. J’ai trouvé ma vocation en travaillant à aider les autres et faire une différence dans mon industrie.
Vous avez suivi la suspension du «Chief Executive Officer» (CEO) et du directeur financier de MK. Vous avez vu défiler pas mal de CEO tout comme des pilotes et autres membres du personnel durant votre carrière…
Honnêtement, avec mon occupation professionnelle récemment, je n’ai pas pu suivre ces événements de près pour en savoir plus. Ça fait effectivement beaucoup de CEO. C’est dommage car dans l’aviation, il faut un leadership stable pour une bonne stratégie de concurrence et la sécurité des opérations.
Concernant les autres collègues, j’aimerais quand même voir la réintégration de ceux qui le souhaitent.
Comment se dessine la suite de votre carrière ?
Mon parcours à l’international est déjà très bien dessiné et entamé. On me propose toujours de nouvelles responsabilités, donc je ne pense pas avoir de problème à garder le rythme. Je voyage énormément pour mon travail et j’aime bien ça, mais j’aime aussi me poser chez moi à Maurice de temps en temps. Mes parents et mon conjoint m’encouragent à continuer mon parcours et ça c’est important aussi.
En tant que modèle dans votre domaine, comment voyez-vous l’avenir d’Air Mauritius et de ceux toujours en poste ?
J’espère toujours inspirer et que les collègues voient que notre expertise est bel et bien reconnue à l’international si nous le souhaitons. C’est à eux de faire le choix de faire le saut pour s’épanouir. Mais c’est aussi au pays et MK de leur donner des opportunités de rester à Maurice et de pouvoir retrouver une qualité de vie et des conditions de travail qu’ils ont perdues depuis la pandémie et l’administration volontaire de MK.
Photo souvenir de groupe à l'issue de la conférence régionale qui a vu un nombre record de participants.
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