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Autopsie d’une abstention massive

6 mai 2025, 05:29

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Ils ne sont pas plus de 105 315 à avoir voté ce dimanche. En six mois, la ferveur d’hier est devenue fatigue ou rejet.

Avec un taux de participation de 26,27 %, ces municipales 2025 battent tristement des records. Certes, c’est un peu au-dessus de 1991 (22,8 %), mais cela reste un électrochoc silencieux. Car ce n’est pas une simple abstention. C’est une sanction. Froide. Collective.

À qui revient la responsabilité de cette désaffection ? À tout le monde, mais surtout à ceux qui gouvernent.

Le gouvernement d’abord. L’Alliance du changement, portée au pouvoir avec 62 % des voix il y a tout juste six mois, n’a pas su conserver cette base. Le meeting du 1er mai à Rose Hill, déserté par les foules, l’annonçait déjà : le souffle a faibli. Le crédit politique s’est dilué dans les lenteurs de l’action. À force de promesses suspendues – baisse du carburant timide, silence sur Agaléga, Diego Garcia aux abonnés absents, réforme des institutions toujours attendue, non-abolition de la redevance télé, etc. –, le citoyen s’est recroquevillé sur son scepticisme naturel.

Ensuite, l’absence d’enjeux a tué le suspense. Pas de MSM. Pas de PMSD. Pas de polarisation. Pas d’opposition traditionnelle. À quoi bon voter quand les jeux semblent faits d’avance ? Même les partis extra-parlementaires, bien présents, n’avaient ni les moyens ni l’écho pour mobiliser au-delà de leur cercle militant. Pas de campagne de terrain, pas de liant émotionnel, pas de chaleur dans les rues.

Et puis, il y a cette impression grandissante que «zot tou inpe parey». Ce sentiment d’interchangeabilité gangrène la foi démocratique. Les gens n’ont pas oublié le buzz des législatives. Ils n’ont pas non plus oublié que beaucoup ont voté en novembre non pas «pour», mais «contre». Mais un vote contre ne suffit jamais à maintenir l’adhésion.

Le gouvernement aurait-il dû réformer les municipalités avant de renvoyer les gens aux urnes ? Oui, mille fois oui. Voter pour élire des conseillers sans autonomie réelle, sans budget propre, sans pouvoirs exécutifs, c’est demander au peuple de bénir des coquilles vides. L’État central a gardé la clé. Les villes n’ont que la serrure. Et ça, les électeurs l’ont compris. Résultat : ils ne sont pas venus.

Et pourtant, ce scrutin était censé être symbolique. Il aurait pu montrer que la démocratie municipale n’est pas morte. Qu’après des années sans élections locales, les Mauriciens allaient se ruer aux urnes pour rattraper le temps perdu. Mais rien de cela ne s’est produit. Même la reconversion symbolique des centres de vote en centres de dépouillement n’a pas suffi à ranimer l’intérêt. L’indifférence est urbaine, partagée, installée.Le signal envoyé est clair. Le peuple ne se déplace plus pour cocher des cases, il veut cocher des changements. Il ne soutient plus automatiquement. Il attend, il jauge, il pèse.

Et cela dépasse les urnes. Le Budget 2025-2026, qu’on promet «amer», arrive dans quelques jours. En tenant les municipales avant ce choc économique, le pouvoir croyait peut-être passer entre les gouttes. Raté.

Le silence des électeurs est un jugement. Et il pèse plus lourd que n’importe quelle campagne. Le Premier ministre saura-t-il l’entendre ? Ou fera-t-il comme tant d’autres avant lui : ignorer le vide, jusqu’à ce qu’il l’engloutisse.


Statistiques

Arrondissement avec le plus fort taux de participation : • Beau-Bassin–Rose-Hill – Ward 4 : 33,32 % de participation (3 963 votants sur 11 893 électeurs)

Arrondissement avec le plus faible taux de participation : • Port Louis – Ward 6 : 19,68 % de participation (2 718 votants sur 13 809 électeurs)

Municipalité avec le plus fort taux de participation : • Beau-Bassin–Rose-Hill : 29,83 % de participation globale

Municipalité avec le plus faible taux de participation : • Port-Louis : 21,45 % de participation globale

Comparaison avec les élections municipales de 1991 : • En 1991, le taux de participation était de 22,8 % • En 2025, il est de 26,27 %.

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