Publicité

Profession légale

Avocat: métier saturé ?

1 octobre 2023, 18:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Avocat: métier saturé ?

1 032. C’est le nombre d’avocats que comptait la Mauritius Bar Association à vendredi… Et la liste s’est allongée avec les 40 avocats qui ont prêté serment ce jour-là, au siège du nouveau bâtiment de la Cour suprême à la rue Edith Cavell, Port-Louis. Le barreau compte donc désormais 1072 avocats. La question qui se pose est la suivante : la profession légale se dirige-t-elle vers une saturation ?

Mᵉ Sanjay Bhuckory, Senior Counsel, évoque certes le fait que le nombre d’avocats a explosé de manière exponentielle au cours des 25 dernières années. «La saturation de la profession légale a toujours fait débat. Au risque de vous surprendre, mon père, Somdath, m’avait raconté qu’en prêtant serment au barreau mauricien en 1954, on en parlait déjà», confie-t-il. Mais pour lui, le rôle de l’avocat ne se cantonne plus au service contentieux, et il estime qu’il y a maintenant beaucoup plus de débouchés qu’auparavant, notamment dans le secteur des services financiers et bancaires, le droit des affaires et dans l’offshore. «Une autre évolution est la disparition graduelle du ‘one man show’, avec l’avènement des Chambers et autres law firms, certains avec des enseignes internationales. Néanmoins, même s’il devient de plus en plus difficile pour un débutant de se frayer un chemin et de se forger un nom, je ne découragerai aucun aspirant avocat et lui dirai qu’il faudra travailler extrêmement dur et être patient, car il y aura toujours de la place pour ceux qui veulent exceller», poursuit notre interlocuteur.

Nous avons également sollicité l’ancien trésorier de la Mauritius Bar Association et chairman du Young Bar Committee, Mᵉ Hisham Oozeer, qui concède l’existence du grand nombre d’avocats à Maurice compte tenu, dit-il, de la taille de notre population. «En fait, les jeunes avocats sont confrontés à deux difficultés. La première étant la concurrence toujours croissante avec environ 60 à 100 nouveaux avocats qui prêtent serment chaque année. Deuxièmement, et peut-être plus important encore, les avocats, comme d’autres, doivent faire face à la situation post-Covid et à l’inflation croissante. Parfois, les clients potentiels doivent décider s’ils souhaitent retenir les services d’un avocat pour une affaire ou s’ils souhaitent nourrir leur famille. Nous connaissons tous la réponse.» Pour lui, il est également important que les jeunes avocats réalisent que la «litigation» n’est pas la seule voie pour eux. «Oui, c’est peut-être la plus glamour, mais nous devons explorer les différentes pistes.»

Un autre jeune avocat qui a prêté serment en 2021 confirme avoir du mal à obtenir des clients. «Ce sont ceux qui me connaissent dans mon entourage qui sollicitent mes services pour des litiges entre voisins ou pour des problèmes tels que des violences domestiques. Mais je me retrouve parfois sans client pendant plus de deux mois», avoue-t-il.

Mᵉ Erickson Mooneapillay est, quant à lui, catégorique ; il n’y a pas de problème de surnombre. *«Je ne crois pas qu’il y ait de la saturation. Ceci dit, le temps des Jack of All Trades and Masters of None est révolu. Il faut se spécialiser. Le soleil brille pour tout le monde, et même si à la base, il y a toujours beaucoup de monde, le sommet est souvent isolé. Mais je pense surtout que c’est important de courir dans son propre couloir. Notre plus grand concurrent, c’est nous-même. Je saisis l’occasion pour féliciter ceux qui viennent de prêter serment.» *

Mᵉ Olivier Barbe, qui a prêté serment en janvier 2020, donne aussi son avis sur la question. «Comme dans toutes les professions, à l’instar des médecins, entre autres, le nombre de professionnels ne cesse d’augmenter, mais il faut savoir se frayer un chemin pour émerger. Pour y parvenir, il faut faire ses preuves en étant professionnel, et l’éthique, l’étiquette et l’intégrité doivent être les valeurs qui inspirent les avocats.» Il ajoute que les jeunes avocats peuvent envisager d’autres opportunités, telles que travailler en tant que conseil juridique dans des institutions bancaires ou des compagnies offshore. «Et oui, certains sont nommés comme conseillers juridiques dans des institutions gouvernementales», conclut-il.