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Voyage
Baptême de l’air et turbulences politiques
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Voyage
Baptême de l’air et turbulences politiques
Heure d’été, 21 h 06 : le commandant de bord C. M. annonce le décollage imminent du Rosy Pigeon, de la compagnie nationale. Assise à ma droite, une dame d’un certain âge et d’une certaine corpulence se cale, apeurée, dans son siège. Dans son regard se lit la peur d’une bête traquée. J’en conclus que c’est son baptême de l’air. Dans un élan de compassion, je l’aide tant bien que mal à attacher sa ceinture, exercice qui s’avère difficile compte tenu de son embonpoint.
L’avion prend de la vitesse, et ma voisine s’agrippe désespérément à mon bras, qu’elle serre d’autant plus fort que la vitesse du Rosy Pigeon augmente. Nous sommes finalement au-dessus des nuages, et, peu à peu, elle desserre ses serres, relâchant son étreinte à mon grand soulagement. J’ai le bras tout bleu et meurtri. Sur la gauche de l’appareil, le lagon cristallin et sa barrière de corail cèdent la place au bleu encre de l’océan.
Enfin rassurée, elle m’observe du coin de l’œil, intriguée, semble-t-il, par ma moustache, qui allait lui fournir prétexte à conversation.
– Monsieur Moustache ! s’enquit-elle à brûlepourpoint, et me voilà de facto, et malgré moi, embarqué dans une conversation sur un sujet qui m’intéressait fort peu. Toutefois, sa vivacité d’esprit et la justesse de son vocabulaire eurent vite raison de mon peu d’enthousiasme à l’écouter. Elle avait, en effet, cet art si rare de dire beaucoup de choses en peu de mots.
S’agissant de Moustache, il fut bien naturellement question de politique et du gouvernement en partance. Toute nation aspire à être bien gouvernée, et tout gouvernement doit être conscient de ses limites. Cela n’a vraisemblablement pas été le cas, me dit-elle. Ce gouvernement était devenu un tel sujet d’inquiétude et de défiance qu’un changement devenait évidemment et éminemment souhaitable.
Il ne faudrait toutefois pas bâtir ce nouvel édifice avec les décombres de l’ancien. Ne dit-on pas que le plus sûr moyen de déraciner un arbre est d’enlever toutes ses racines ? Cette analogie revêt ici toute sa pertinence. Voyez-vous, en politique, plus ça change, et plus c’est la même chose. Le remplaçant d’aujourd’hui n’est-il pas le remplacé d’hier ?
Et puis, tout cynisme mis à part, en politique comme en amour, on pense toujours que la prochaine fois sera enfin la bonne. En fait, ce qui interpelle dans cette triste histoire, c’est cette longue période de fermentation, ce temps mis à ouvrir le couvercle de la marmite pour enfin déceler les miasmes (gaz putrides provenant de substances en décomposition) que la nation subodorait déjà. Que voyonsnous au fond de cette marmite ? Un climat délétère, une nation fascinée, obnubilée par cette course à la richesse, une cohorte de nouveaux riches portée par un crédit toujours plus aguicheur, un luxe tapageur et vulgaire, un patrimoine foncier ouvert à tous vents. Saupoudrez le tout avec une dose de népotisme, d’opportunisme, d’arrogance, de bêtises, et vous aurez la recette de cette corruption généralisée.
Et la conscience nationale, me direz-vous ? À divers degrés, nous sommes tous coupables de cet état de fait, car, en démocratie, le peuple a le gouvernement qu’il mérite. Certains acteurs incontournables de la société civile se seront toutefois distingués par leur extrême discrétion tout au long de cette saga car, qui ne dit mot consent.
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