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Interview de Virginie Lauret

«Bâtir un avenir où la prospérité économique coexiste harmonieusement avec la préservation de notre planète»

23 décembre 2023, 18:28

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«Bâtir un avenir où la prospérité économique coexiste harmonieusement avec la préservation de notre planète»

Virginie Lauret, directrice exécutive de Cap Business Océan Indien

Repenser les modèles économiques des six îles de l’océan Indien afin d’assurer leur viabilité, c’est l’objectif ultime de Cap Business Océan Indien, plateforme regroupant les 11 Chambres de Commerce et d’Industrie et organisations professionnelles de ces pays. L’express fait le point sur cette organisation avec Virginie Lauret, sa directrice exécutive.

Quelle est la principale mission de Cap Business Océan Indien dont le secrétariat général est à Ébène ?

La principale mission, qui a été confiée à Cap Business Océan Indien (OI), est de promouvoir la coopération et le développement de l’activité économique, notamment dans les secteurs du commerce, de l’industrie et des services. L’organisation a donc vocation de contribuer au progrès économique dans les six îles de l’océan Indien en offrant des services pratiques aux entreprises qui sont, elles, impliquées dans l’activité économique à proprement dite. L’association recueille, analyse et diffuse toute information utile à la promotion des échanges économiques. Cap Business OI identifie les problèmes freinant les exportations et les importations afin de soumettre des recommandations à la Commission de l’océan Indien ainsi qu’aux organisations nationales et internationales.

Depuis la création de l’association en 2005, quelle a été l’évolution de l’adhésion?

Cap Business OI regroupe 11 Chambres de Commerce et d’Industrie et organisations professionnelles des Comores, Madagascar, Maurice, Mayotte, La Réunion et les Seychelles avec pour objectif la facilitation des échanges commerciaux, la création de valeurs partagées et l’adaptabilité aux changements. En plus des sept Chambres de Commerce et d’Industrie fondatrices, l’association compte aujourd’hui d’autres partenaires associés, à savoir le Club Export Réunion, la Nouvelle OPACO des Comores, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de La Réunion et l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte. Nous poursuivons nos actions en direction des chambres consulaires et des organisations professionnelles de la zone pour qu’elles nous rejoignent. Car il nous faut développer des approches communes et des coopérations renforcées en nous appuyant sur nos complémentarités. Pour la simple et bonne raison que les îles de la zone océan Indien font face à des défis communs, liés à leurs spécificités. Afin de pouvoir continuer à contribuer au progrès économique de manière efficace et durable, elles doivent renforcer, ensemble, leur résilience aux chocs économiques, sociaux, climatiques et sanitaires.

Aujourd’hui, Cap Business OI est devenue une véritable plateforme régionale rassemblant les secteurs privés de nos îles. Plus de 20 000 entreprises de la zone sont, aujourd’hui, membres du réseau.

Quel est votre bilan ?

Entre 2014 et 2020, Cap Business OI a accompagné le développement de chaînes de valeurs dans le secteur du numérique et des huiles essentielles. Depuis 2020, le comité numérique régional océan Indien, qui regroupe 235 entreprises de nos six territoires, vole de ses propres ailes avec un appui perlé de Cap Business OI pour la facilitation de réunions/l’organisation de missions collectives. Le cluster des huiles essentielles continue sa structuration via les fonds européens INTERREG, avec comme chefs de file la CCI Mayotte, qui coordonne les acteurs mahorais, malgaches et comoriens et Qualitropic, un pôle de compétitivité réunionnais, qui coordonne les acteurs de la filière à La Réunion, Maurice et aux Seychelles.

Notre feuille de route 2021-2026, adoptée en avril 2021, poursuit cette logique d’accompagnement de la structuration de chaînes de valeurs mais en y intégrant d’emblée un développement plus juste, durable et résilient. Quatre marqueurs transversaux guident nos actions: l’économie circulaire, les stratégies bas-carbone, la préservation de la biodiversité, ainsi que l’inclusion et l’égalité professionnelle femmes/hommes. Après consultation de nos membres, nous avons retenu cinq secteurs prioritaires pour nos économies au niveau régional: la connectivité maritime, le tourisme durable, l’agriculture/l’agro-alimentaire, l’énergie/la construction et l’économie bleue.

En tant que cheffe de bureau depuis 2020, quel est le plus gros défi à ce poste ?

Avec le soutien de l’Agence française de développement, la mise en œuvre de notre feuille de route jette d’emblée les bases d’un développement économique pérenne. Les entreprises jouent un rôle crucial dans la société. Elles sont les architectes de l’avenir économique, conjuguant aujourd’hui, rentabilité et responsabilité sociale et environnementale. En tant que directrice exécutive de Cap Business OI, je vois cela comme une très grande opportunité.

En tant qu’organisation dédiée à la promotion d’idées novatrices, nous comprenons l’importance de ces dynamiques. Nous pouvons bâtir un avenir où la prospérité économique coexiste harmonieusement avec la préservation de notre planète. Car il s’agit bien là de réfléchir à des modèles innovants pour le développement économique. Au-delà même des enjeux climatiques et environnementaux, c’est bien de la pérennité de nos modèles et de nos systèmes économiques dont il est question. Nous devons tirer les leçons des différentes crises que nous avons traversées (économiques, sanitaires et climatiques, entre autres) pour «repenser demain».

Où en sont les projets prioritaires de la feuille de route de l’organisation en prenant en considération les vulnérabilités majeures de ce bassin océanique ?

Nous pouvons résumer notre méthode d’accompagnement à travers le triptyque : Think/Can/Do (Réflexion/ Création/Action). «Think»/«Réflexion» : Cap Business Océan Indien veut être une véritable plateforme de sensibilisation et de diffusion des données/informations sur la transition via des médias adaptés aux entreprises, à l’image de nos cycles de conférences-débats «Résilience océan Indien». Le premier cycle sur la thématique de la décarbonation se terminera en février prochain avec la dernière conférencedébat qui portera sur l’écoconstruction.

Dans le même temps, l’écoconstruction fera aussi l’objet d’une mission collective de femmes et d’hommes d’affaires de la région à La Réunion. Cette délégation, qui sera menée par le président de Cap Business OI, Guillaume Hugnin, visitera des entreprises réunionnaises essentielles dans le secteur de la construction durable. L’objectif de ces visites sera de mettre en avant le savoir-faire des entreprises réunionnaises et d’encourager les collaborations entre les entreprises de la zone océan Indien. Comme vous l’aurez compris, nous sommes déjà dans la deuxième composante de notre accompagnement, le «CAN»/«Création». Dans cette même logique, nous avons aussi un espace de concertation et de partage d’expérience. Cap Business OI s’organise comme un groupe de travail régional composé d’entreprises et de représentants des organisations professionnelles du secteur prioritaire. Pour ce qui est du «DO»/«Action», cinq experts régionaux internes à Cap Business OI proposent un accompagnement technique aux entreprises volontaires dans leur projet de transition et les appuient dans la recherche de cofinancement de projets pilotes.

Trente entreprises de nos territoires bénéficieront ainsi d’un accompagnement technique dans le cofinancement de leur bilan de gaz à effet de serre et de leur plan d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Dix entreprises seront coachées pour la mise en place d’un plan d’action pour intégrer les enjeux de biodiversité dans leur pilotage. Deux organisations professionnelles, membres de Cap Business OI, seront accompagnées pour la co-construction d’un plan d’action sur le genre.

Quelles sont les ressources dont vous disposez pour réaliser les objectifs fixés dansvotre feuille de route ?

Aujourd’hui, l’équipe de CAP Business est constituée de huit personnes, moi incluse. Nous avons trois chargés de mission. Lesh Gowreesunkur est responsable de l’économie bleue et de la connectivité maritime. Fabiola Monty s’occupe de la biodiversité. Vincent Hornsperger se charge des stratégies bas-carbone et résilience, agriculture, énergie, construction, ainsi que de l’économie circulaire.

Dans l’équipe technique, nous avons quatre personnes pour la mobilisation des ressources, la communication, la constitution d’un réseau des entreprises, ainsi qu’une responsable administrative et financière.

Comment renforcer ces ressources ?

Nous comptons renforcer notre équipe en 2024 avec des compétences en tourisme durable, inclusion et égalité, bâtiment et énergie, ainsi que dans le suivi et l’évaluation de projets. Cela, afin de pouvoir procéder pleinement à la mise en œuvre de la feuille de route de Cap Business OI jusqu’en 2026.

Que représente le forum économique des îles de l’océan Indien, qui se tient annuellement dans l’une des six îles de la région pour Cap Business OI ?

Le Forum économique des îles de l’océan Indien (FEIOI) est un événement phare de Cap Business OI. Il est désormais un rendez-vous incontournable de la communauté des affaires de la région. Le FEIOI s’est imposé comme la plus grande rencontre économique de l’Indianocéanie. C’est une plateforme unique, qui permet aux acteurs de la vie économique de la zone de se rencontrer, d’échanger des idées et d’explorer ensemble les opportunités d’affaires dans tous les secteurs d’activité. La 13e édition, en novembre 2022 à Maurice, co-organisée avec la Mauritius Chamber of Commerce and Industry autour de la thématique «Repenser demain», a réuni plus de 200 opérateurs économiques. La 14e édition aura lieu à la Technopole de Mayotte les 17, 18 et 19 avril 2024.Cette édition sera coorganisée par l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte et laChambre de commerce et d’industrie de ce département français.

Elle aura pour thématique «Produire régional». Seront abordés les bassins de production et les marchés de distribution dans la région; une formidable opportunité pour nos labels locaux de se porter vers le régional et même au-delà. La production régionale sera au centre des débats avec une montée en gamme durable, respectueuse de l’environnement. Il s’agira aussi de saisir les opportunités qu’offre la transition pour le développement de produits à plus forte valeur ajoutée.


Bio express

Ressortissante de l’île Maurice et de La Réunion, Virginie Lauret est titulaire d’une licence en relations internationales Europe-Asie et d’un master en affaires publiques de Sciences Po Paris, ainsi que d’un master en droit et sécurité maritimes co-délivré par l’université de Nantes et l’École nationale supérieure maritime de Nantes (ENSM). En tant que directrice exécutive de Cap Business OI, Virginie Lauret accompagne les entreprises des Comores, de La Réunion, de Madagascar, de Maurice, de Mayotte et des Seychelles vers une économie bas carbone en mettant l’accent sur l’économie bleue et l’économie circulaire, tout en travaillant ensemble à l’amélioration du climat des affaires dans la région. Entre mai 2020 et juin 2021, elle a clôturé le Programme de renforcement des capacités des activités commerciales dans l’océan Indien. Elle est actuellement responsable de l’application du programme d’action 2021-2026, financé par l’AFD et qui a débuté à la fin 2021. Tombée dans le bain de la coopération très tôt et convaincue que le développement de sa région passera par une coopération multi-acteurs, elle est à la recherche des meilleurs outils pour encourager les partenariats. Elle a, dans ce cadre, rejoint le réseau des Young Leaders de la French-African Foundation en 2021 et le 2030 Agenda Partnership Accelerator Network pour l’océan Indien, l’Asie et le Pacifique en 2023. Elle a été experte en suivi et évaluation pour le programme Énergies et efficacité renouvelable de l’UE-COI et a assisté le responsable de l’économie, des infrastructures et de la sécurité maritime à la COI. À la COI, Virginie Lauret a participé à l’élaboration de la stratégie de coopération régionale pour la transition énergétique et à l’élaboration de missions coordonnées en mer pour lutter contre la criminalité maritime dans le sudouest de l’océan Indien. Ses centres d’intérêt sont la randonnée et le kayak. Créative, elle s’intéresse de près au développement de l’artisanat local.