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Dénonciations

Bibliothèque Nationale : ces pages qui ne demandent qu’à être tournées

5 décembre 2024, 18:00

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Bibliothèque Nationale : ces pages qui ne demandent qu’à être tournées

Impression d'artiste du bâtiment qui réunira sous un seul toit les Archives Nationales et la Bibliothèque Nationale, à Moka.

Encore une lettre anonyme à la Bibliothèque Nationale, une institution qu’affectionne(nt) le ou les lanceur(s) d’alerte. Un voyage à Rodrigues pour un «World Book Day qui n’a jamais eu lieu» est mis en cause. Raison de plus de braquer les projecteurs sur la gardienne des journaux et du patrimoine littéraire de Maurice.

La Bibliothèque Nationale (BN) est-elle assise sur un nœud de vipères ? Une nouvelle lettre anonyme – elles sont régulières au sein de cette institution qui tombe sous le ministère des Arts et de la culture – a fait surface dans la semaine. Cette fois, c’est un déplacement à Rodrigues «pour un World Book Day qui n’a jamais eu lieu» qui est sous la loupe de ceux qui signent : «Les employés qui en ont marre».

Ils dénoncent, comme exemple de «mauvaise gestion», des cadres qui auraient profité de leurs «bonnes relations» avec la direction de la BN pour profiter d’un séjour tout frais payé à Rodrigues. Les accusateurs soulignent que le président à temps partiel du conseil d’administration – qui a démissionné au lendemain des élections générales du 10 novembre – aurait lui aussi bénéficié de ce voyage, alors que le World Book Day n’aurait pas été célébré dans l’île autonome l’an dernier.

Anish Khugputh, l’ex président à mi-temps de la BN, confirme qu’en 2023, la foire du livre pour le World Book Day n’a effectivement pas eu lieu à Rodrigues. Mais que sa présence sur place se justifie par une série de raisons. C’est la Commission pour la Jeunesse, les sports, art et culture de l’Assemblée régionale de Rodrigues qui invite la BN à tenir une foire du livre là-bas. «Cette invitation a été approuvée par le board.»

Le 18 septembre 2023, cette invitation est annulée, officiellement parce qu’elle coïncide avec la période des examens. Il se chuchote que ce serait parce que le ministre d’alors aurait décliné cette invitation à se rendre à Rodrigues.

Sauf qu’au moment de l’annulation de dernière minute de la foire, la BN avait déjà fait tous les arrangements pour les billets d’avion, l’hébergement, le fret pour les livres pour trois personnes : le président à temps partiel, la directrice et un cadre administratif. «En dehors de la foire du livre, une rencontre avec le chef commissaire d’alors était prévue. Il y avait le projet de revoir l’antenne de la BN à Rodrigues, qui ne fonctionne pas. Plusieurs dons de livres aux écoles étaient aussi prévus», explique l’ex président.

Il ajoute qu’à l’annulation de la foire, les livres avaient déjà été embarqués par bateau et faisaient route vers Rodrigues. «Quelqu’un devait en prendre livraison sur place. La cargaison était au nom d’un cadre administratif de la BN. Il lui a fallu trouver un endroit pour entreposer les livres jusqu’à la foire suivante à Rodrigues, en février 2024.» La directrice de la BN décide de ne pas aller à Rodrigues. L’ex président maintient son voyage en compagnie d’un cadre administratif. «Cette visite a été fructueuse», affirme-t-il. Un accord a été signé entre l’Assemblée régionale et la BN pour l’organisation des foires du livre. Une nouvelle date a été fixée à février 2024. La foire a bien eu lieu cette fois.

La directrice – en poste depuis 2012 – a fait le déplacement en début d’année. Elle n’était pas disponible pour un commentaire.


Numérisation des journaux

Phase de «soft launch»

Le processus de numérisation des journaux conservés à la BN a démarré en 2021. Après un démarrage «plutôt lent», la vitesse de croisière serait à, «environ 500 pages par jour», indique une source. Le 13 septembre de cette année a eu lieu un «soft launch» du National Library’s Online Portal. Des tests sont en cours pour que l’accès soit éventuellement donné au public «début 2025». La numérisation s’est concentrée sur les journaux les plus «vulnérables», ceux qui sont dans un état de fragilité avancé. Parmi eux : la collection de **l’express de janvier à décembre 1968. «C’est parmi les journaux les plus demandés pour la consultation, pour les recherches», indique-t-on. Il y a aussi des publications telles que Le Progrès Colonial paru en 1865, Le Radical paru en 1941, Le Cernéen et Le Mauricien des années 1943-49, Advance, Le Mauricien de 1857 entre autres. L’accès sera-t-il gratuit ? La décision n’aurait pas encore été prise. En septembre dernier, la BN a aussi signé un accord avec le Government Information Service. Le GIS cède sa collection de journaux historiques à la BN. NL.jpg Même si le World Book Day n’a pas eu lieu à Rodrigues en 2023, le président de la BN (à g.) a maintenu son déplacement en raison des rencontres déjà prévues comme ici avec le commissaire Varock Ravina.


Nouveaux locaux. Bâtiment prêt vers juin-juillet 2026

La pose de la première pierre du bâtiment qui abritera la BN et les Archives nationales a eu lieu le 3 octobre dernier. C’était pile la veille de la dissolution du Parlement, survenue le 4 octobre. L’Audit avait signalé le retard dans l’exécution de ce vieux projet financé par une ligne de crédit de l’Inde. Il s’agit de la même ligne de crédit accordée pour la construction de la nouvelle Cour suprême. Une fois prêt, le bâtiment réunira sous un même toit deux institutions clés dans la préservation des documents historiques. L’édifice avoisinera le Royal Green Wellness Resort à Moka. La construction devrait prendre deux ans.


«National Library act» 1996

Une loi «archaïque»

Avec le changement de gouvernement, renaît l’espoir que des amendements seront apportés à la National Library Act 1996. La loi prévoit que six copies de tous livres, journaux, revues et textes numériques produits à Maurice soient déposés à la BN.

Fin des années 1990, deux copies étaient pour la BN, l’une allait à Rodrigues, les trois autres exemplaires étaient pour la Bibliothèque Nationale de France, la British Library et la Library of Congress aux États-Unis. Vers 2010-2011, ces trois institutions auraient demandé l’arrêt de ces envois par manque d’espace. Il semblerait que les trois copies qui leur étaient destinées restent entreposées à la BN, au Fon Sing Building, rue Edith Cavell, Port-Louis. Une institution qui manque elle aussi de place.

Des amendements à la composition du board sont également souhaités par des sources bien renseignées. Le quorum pour la tenue des réunions du board est de neuf membres sur 11. «C’est trop. Les absences retardent les réunions et la prise de décision.» La loi prévoit que cinq membres du board soient des bibliothécaires. «Il manque des représentants d’autres départements».

La loi stipule qu’il faut «one librarian designated by the Association of District Council». Mais une source affirme que le poste de bibliothécaire n’existe pas dans les collectivités locales, seulement celui de Library clerk. «Donc les conseils de district envoient les présidents ou vice-présidents.»

Il y a aussi des «doublons» au sein du board. Exemple : la loi prévoit un représentant du ministère de l’Éducation mais aussi le Head of the Library Cadre, qui est aussi du ministère de l’Éducation. Et un bibliothécaire d’une institution académique. Une source fait remarquer que le directeur des Archives nationales (poste vacant depuis des années) doit siéger sur le board. «Il n’y a qu’un seul directeur des Archives, cela signifie qu’il doit siéger sur le board à vie.»

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