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Le plaisir de peindre en plein air
Bien GaillArts dans leur atelier grandeur nature
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Le plaisir de peindre en plein air
Bien GaillArts dans leur atelier grandeur nature
Sortir de leur studio pour peindre «in situ». Là où la nature, ses fines nuances colorées et sa précision des détails s’imposent. C’est à quoi s’adonne un groupe de passionnés engagés qui n’hésitent pas à sacrifier une fin de weekend par mois pour le plaisir de peindre en plein air. Nous sommes allés à leur rencontre, dans un de leurs havres de créativité, un sublime dimanche de septembre. Un bouillonnant atelier à ciel ouvert.
Pinceaux, chevalets, crayons, couleurs et tubes de peinture, tout comme chapeaux, casquettes et parasols, sont de sortie. Pieds dans le sable de Trou-d’Eau-Douce pour certains, installés sur les rochers noirs basaltiques ou sur la pelouse pour d’autres, les GaillArts sont à l’ouvrage depuis 10 heures. Distinguables dans leur T-shirt et casquette à l’effigie du collectif, ils ont eu le temps d’échanger, de procéder à une reconnaissance du site, avant de s’éparpiller pour donner libre cours à leur talent et à leur créativité. Un dimanche par mois, ce collectif de 20 artistes peintres, se retrouve dans un atelier grandeur nature, pour peindre sur le motif. Au bout de cinq à six heures, entrecoupées à la mi-journée d’un banquet convivial, un autre de leur rituel de partage, le blanc du papier à dessin devant eux prend vie avec une reproduction aussi fidèlement que possible du tableau vivant qui s’offre à leurs yeux.
Le dimanche 10 septembre était particulier pour ce groupe d’amis puisqu’ils sont retournés à Trou-d’Eau-Douce. Là où tout a commencé en février, en plein avertissement de classe 2 du cyclone Freddy. Depuis, Les GaillArts ont peint Mahébourg, Savinia, le domaine Yemen, Les Salines, Les Mariannes et La Nicolière. Le mois prochain, l’itinéraire artistique se poursuivra à l’îlot Brocus.
Siddick Nuckcheddy: «Des ateliers dans les collèges, mais aussi avec les plus petits, qu’on va nommer les MArtmailles»
«Le collectif les GaillArts a démarré avec sept membres. Aujourd’hui, nous sommes à plus d’une vingtaine et recevons constamment des demandes. Quatre nouveaux adhérents nous ont d’ailleurs rejoints aujourd’hui. La première fois que nous sommes venus à Trou-d’Eau-Douce, le cyclone Freddy était passé en classe 2, mais le temps était beau comme aujourd’hui», explique Siddick Nuckcheddy, artiste-peintre au pastel, mais pas seulement, qu’on ne présente plus et l’un des instigateurs du collectif. «L’idée est surtout pour le plaisir de peindre et de faire découvrir l’île, son patrimoine, son environnement et autres facettes, à travers nos peintures. Puis, faire revivre cette époque que peu d’entre nous au sein du collectif, à l’instar d’Yves David, ont connue, il y a fort longtemps», poursuit-il.
Toutefois, il précise qu’ils ont choisi de ne pas rentrer dans le travers d’avoir des membres exécutifs pour pouvoir préserver leur liberté d’esprit. Certes, un petit comité décide, par exemple, après échanges, du prochain site. Mais ça s’arrête là. En tout cas, les GaillArts voient grand. Ils seront heureux de transmettre leur passion à la jeunesse pour pouvoir non seulement assurer la relève, mais pour que celle-ci puisse prendre conscience de l’importance de l’art dans notre vie. «Nous constatons qu’il n’y a pas vraiment d’engouement des jeunes pour l’art et nous avons l’intention d’animer des ateliers dans les collèges, mais aussi avec les plus petits qu’on va nommer les MArtmailles», soutient Siddick Nuckcheddy.
Pour ceux qui veulent découvrir les différentes réalisations peintes en pleine nature, et non à partir d’une photographie, les GaillArts prévoient une expo où chaque membre pourra exposer trois de ses œuvres à la fin de l’année.
Sous les pinceaux de...
Faizal Dilloo
«Le plein air offre beaucoup de sujets à tout le monde. Le travail se fait de façon professionnelle. Nous sommes très bien organisés; on fait des repérages en avance avant de débarquer. Notre devise: le plaisir de peindre. Il suffit d’aimer la peinture en plein air. De nos jours, on réalise que trop de tableaux sont faits dans le salon, dans l’atelier. Être sur le lieu, choisir un sujet et le dessiner n’est pas donné à tout le monde.» Faizal Dilloo qui compte à lui seul au moins 200 tableaux a privilégié les différents tons de couleurs d’une partie de la plage, avec une clairière.
Paul Comarmond
Il a fait le trajet de l’Ouest à l’Est. Cet habitant d’Albion, qui a choisi d’exposer 60 de ses tableaux l’année dernière, a, lors de sa dernière visite, peint une corde à linges et l’unique maison en tôle sur cette partie du littoral de Trou-d’Eau-Douce. Cette fois-ci, ses yeux, tout comme ses crayons et pinceaux, se sont posés sur une collègue en train de peindre sous un parasol, face à la mer. «Vu l’envahissement de l’art abstrait qu’on trouve à des prix astronomiques dans les hôtels etc., nous, au sein des GaillArts, nous avons choisi de célébrer le figuratif dans tous les médiums possibles, que ce soit l’aquarelle, le pastel, l’huile; chacun fait ce qu’il veut, ce qu’il aime.»
Paul Comarmond poursuit que l’enseignement des beaux-arts commence par la première génération de tout ce que vous voyez devant vous, que ce soit un paysage, un nu, une nature morte. Il n’y a pas photo, aucune génération entre le papier sur lequel vous peignez et ce que vous voyez. Cet enseignement dit que c’est ce qui compte. Lorsque c’est à partir d’une photo, donc, deuxième génération, c’est déjà faussé avec les couleurs qui existent dans le procédé photographique ou par l’écran de votre téléphone.
Riaz Auladin
Avec son parasol qui s’est envolé au gré du vent, peindre en plein soleil avec la peinture qui s’assèche aussitôt posée ne l’arrête nullement. Concentré à fond dans son tableau, Riaz Auladin est le seul de la bande, ce jour-là, à faire dos au lagon de Trou-d’Eau-Douce. Il a choisi de peindre la maison en tôle au toit rouge, avec une pirogue en avant-plan. «Le sujet doit me parler et me donner envie de peindre. J’ai appris que cette maison est centenaire et son habitant se plaît à raconter l’histoire de l’endroit. Il y a une bonne composition ; la lumière y est. En tant qu’artiste, je dois montrer aux gens la beauté de ces choses.» Cet autodidacte qui a fait un virage à 360 degrés, en passant d’une carrière dans la construction à la peinture lorsqu’il s’est retrouvé sans contrat, sans travail, est aujourd’hui le président de l’International Watercolour Society (IWS Mauritius), et peut compter sur le soutien de son épouse, qui l’accompagne dans sa passion.
Roxane Hart-Goupille
D’habitude, elle peint la vie. Les animaux, la mer, le paysage, elle aime raconter avec de petits croquis. Depuis 1986, elle peignait par série, et vendait aussi pas mal à une époque et exposait au Shandrani. Après un intermède pour s’occuper de ses enfants, puis de ses parents, Roxane Hart-Goupille a repris les crayons et pinceaux il y a une année. Le pastel sec, l’aquarelle, l’acrylique, le fusain, elle touche un peu à tout. «Les photos ne rendent pas mon ressenti. Peindre en plein air avec les GaillArts apporte de la spontanéité, mais c’est surtout thérapeutique. Le temps qu’on prend et le partage avec les autres.»
Odile Desjardins
Depuis que l’invitation lui a été lancée en février, elle ne se lasse pas de ces dimanches «extraordinaires et tellement agréables au soleil, entourée d’amis à s’échanger des tips et dans la bonne humeur». Odile Desjardins n’avait plus vécu ça depuis ses études dans une école de beaux-arts et de stylisme à Cape-Town.
«Ça a été très dur au début car il faut choisir avec la perspective et savoir aussi laisser de côté pour avoir une composition intéressante à mettre en œuvre. C’est tout un art et une activité artistique saine à promouvoir», affirme celle qui pratique différentes techniques, du pastel à la peinture à l’huile, en passant par l’acrylique.
Shiam Persand
Un moyen de se connecter avec la nature et les belles couleurs de l’île en ce temps où tout le monde est pressé ou occupé avec son téléphone portable. Shiam Persand, ancien Chief Technical Officer à la Mauritius Broadcasting Corporation, qui a commencé à peindre il y a 30 ans ou plus, a rejoint, durant l’année, les GaillArts, «un groupe dynamique où je côtoie plusieurs artistes avec lesquels on apprend, dont les aînés comme Yves David».
Lui qui a démarré dans le monde du travail comme graphiste chez l’ex-Publico, à la rue St-Georges, a vu un de ses tableaux choisi pour une exposition au début des années 90 dans le cadre du Sommet de la francophonie. Celui qui aurait souhaité se lancer dans une galerie personnelle et toucher le marché touristique de l’art vient de se lancer dans la peinture à l’huile, «une technique difficile qui demande du temps».
Lauriana Juhl
Le carnet de dessin sur les genoux, elle a porté son choix sur une vieille case en tôle rouge, l’unique en son genre côté plage en ce lieu hautement touristique, à proximité de l’emblématique four à chaux. «D’habitude, sur le littoral, on ne trouve que des bungalows derrière de grands murs d’enceinte. Cette maison typique me rappelle mon enfance à Albion où j’ai grandi. Plus tôt, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le propriétaire et l’ai même vu en train de faire sa vaisselle à l’extérieur», partage Lauriana Juhl, 30 ans.
L’aventure, pour celle qui travaille au sein de l’association Mauritius Clown Project dont le but est de mettre un sourire sur le visage des enfants hospitalisés, commence lorsqu’elle décide de prendre des cours pour connaître les techniques de l’aquarelle. Un jour, son prof, Siddick Nuckcheddy, lui parle d’une sortie des GaillArts à La Nicolière pour peindre en plein air. Habitant Grande-Rosalie, village jouxtant La Nicolière, Lauriana s’y rend avec son carnet de dessin. L’aventure lui plaît et elle s’y est accrochée. Elle a l’occasion de mettre en pratique ce qu’elle a appris en cours. Elle apprend aussi beaucoup. «Peindre sur place comporte son lot de défis avec la lumière qui change, mais c’est cool.»
Les Salines
Les Mariannes
Mahébourg
La Nicolière
Savinia
Yemen
Photos : © Les GaillArts
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