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Billet aller-retour

8 février 2024, 11:17

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Notre système éducatif écarte un maximum pour ne consacrer qu’un minimum. C’est notre triste réalité alors qu’une poignée éclate des pétards. S’il y a lieu de questionner le système dans son ensemble, il nous faudrait aussi trouver un moyen de conserver et garder motivée l’élite du pays, au lieu de leur donner qu’un billet aller simple pour des études infinies à l’étranger. Sans nos meilleurs cerveaux, le niveau du débat au sein de l’espace public ne va pas s’améliorer, au contraire, les socioculturels et les extrémistes vont prendre encore plus de place, tout au ras des pâquerettes et des préjugés.

Dans une interview réalisée en 2016, notre compatriote Sudhir Hazareesingh (professeur d’université à Oxford et auteur du fameux essai sur la France «Ce pays qui aime les idées»), postule que même si le débat d’idées en France structure la société un peu plus qu’ailleurs, le grand échec de ce pays, c’est de n’avoir pas su contrer la montée en puissance du Front national. «C’est navrant pour le pays de la tradition dreyfusarde. C’est une constante depuis les années 80 : on a systématiquement sous-estimé le Front national (...) on part de l’idée que la France est le pays de la Révolution et des droits de l’homme. Donc, dans ce pays-là, le Front National ne peut être qu’un phénomène éphémère…»


Au vu et au su de ce qui se passe chez nous, tant sur le plan social/politique qu’économique, devrions-nous blâmer les lauréats s’ils ne reviennent pas au pays qui a financé leurs études ?

Encore une fois, nombre de lauréats marquent un temps d’arrêt quand on les interroge sur leur avenir. Dans l’excitation du moment, certains disent qu’ils songent, malgré tout, à revenir travailler au pays et s’occuper de leurs parents (qui ont tellement investi dans leurs leçons particulières). Mais les statistiques prouvent que le gros des boursiers ne rentrent pas au bercail. Au moins 80 % des lauréats ne reviennent pas ; les chiffres officiels n’existent pas parce que nos jeunes cerveaux s’évaporent, après leurs Masters ou Doctorat, dans la nature, sans donner signe de vie et s’en contrefichent du bond avec l’État mauricien. Nos élites préfèrent en réalité aller travailler pour des multinationales du privé ou des agences internationales, ou encore pour des gouvernements étrangers que de se mettre au service des ministres qui ne brillent pas par leurs compétences mais parce qu’ils représentent d’abord et avant tout telle ou telle caste. N’est-ce pas normal s’ils tournent le dos à un pays qui ne cultive pas l’égalité des chances et qui transforme une poignée de jeunes en héros d’un système cruellement élitiste et forcément injuste ?

Si l’éducation se veut par essence démocratique, qu’elle permet une ascension sociale basée, non pas sur le pistonnage, mais sur le mérite de l’individu, les contre-exemples de ceux qui réussissent ont depuis longtemps pris le relais. Le mal l’a emporté sur le bien.

Le phénomène de la fuite des cerveaux a des effets négatifs incalculés sur notre croissance et notre développement économique. L’émigration mauricienne s’accélère aujourd’hui non seulement en raison d’un système politique désuet mais à cause de la mondialisation qui pousse nos meilleurs diplômés ou travailleurs à l’exil, loin des leurs. On compterait aujourd’hui au moins 400 000 membres de la diaspora mauricienne, qui réclament leur droit de vote afin de bousculer le statu quo.

On l’a souvent dit ici : plusieurs études démontrent que tant que les facteurs conduisant à l’émigration (crises économiques, taux de chômage élevé, manque de services sociaux adaptés comme la santé et l’éducation, communalisme, népotisme et absence d’égalité des chances et de justice sociale, etc.) persisteront, il serait quasi impossible de faire revenir les lauréats et les expatriés. Ce n’est, en effet, pas facile de rentrer au pays et retrouver certaines mentalités étriquées (proportionnelles à la superficie du territoire ?) et des passe-droits dignes, ainsi que la nomination de petits copains et la protection de grands coquins…