Quelle est la différence entre Showkutally Soodhun et Manuel Valls, en visite en Arabie saoudite ces derniers jours ? Le vice-Premier ministre mauricien met le costume traditionnel, le Premier ministre français reste en costume cravate. Mais tous les deux quémandent des investissements et ferment les yeux sur le déni total des droits de l’homme dans ce pays, la barbarie qui y règne, au sens propre comme au figuré. Quand il y a de l’argent en jeu, il n’y a plus de valeurs.

Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à draguer l’Arabie saoudite ? Les Nations unies elles-mêmes ont mis un ambassadeur saoudien à la tête du comité chargé de recommander des nominations pour les experts des droits de l’homme de l’ONU. Finalement, ce n’est pas l’amour qui rend aveugle, mais le fric. D’ailleurs, les Chinois, gros investisseurs également, ne sont pas non plus des parangons des droits de l’homme dans leurs geôles, centres de redressement ou autres asiles.

Soodhun parle de possibilités d’emploi pour les Mauriciens dans le royaume saoudien… faites attention à vos mains, vous risquez de vous les voir coupées, comme cette employée indienne maltraitée qui a osé s’échapper. Les travailleurs étrangers làbas sont régis par la kafala, qui les oblige à travailler sous l’égide d’un parrain, en général leur employeur.

Avec ce système, les employés ne peuvent ni changer de patron, ni quitter le pays, car leur passeport est souvent «réquisitionné» à leur arrivée et rendu à la fin de leur période de travail. Bien sûr, cela ne s’applique pas aux femmes esclaves achetées à vil prix à l’État islamique…

Au récent palmarès des condamnations les plus médiatisées de l’Arabie saoudite : 340 coups de fouet à un Britannique de 74 ans, malade, pour une bouteille de vin dans sa voiture, décapitation et crucifixion  du jeune Ali Al-Nimr, reconnu coupable après torture d’avoir participé à des manifestations antigouvernementales en 2012, alors qu’il avait 17 ans (dont on n’a d’ailleurs pas de nouvelles, sa famille ne sait pas où il se trouve), 1 000 coups de fouet et 10 ans de prison au bloggeur Raif Badawi, qui avait osé demander la fin de l’influence religieuse dans les décisions du gouvernement… 134 exécutions depuis le début de 2015. Rappelons que dans ce gai pays, on peut être mis à mort pour adultère ou pour apostasie (quand on renonce à sa religion). Sans parler d’autres sujets courants comme le non-droit des femmes considérées comme mineures.

Et, pour ce qui nous concerne davantage, on pourrait aussi déplorer la chape de silence sur la bousculade à La Mecque. L’Arabie saoudite a arrêté le décompte à 769 morts, et n’a pas  donné de chiffres officiels depuis le 26 septembre. Or, d’après les données fournies par 31 pays, au moins 1 753 personnes ont trouvé la mort au 16 octobre. Et les autorités saoudiennes ne semblent pas prêtes à vouloir faire la lumière sur ce drame. Normal, le cortège du prince héritier Salman serait en cause, affirme notamment le quotidien Al-Diyar. Même des témoignages de Mauriciens revenus de là-bas pointent dans cette direction. Mais le prince a démenti à Soodhun et Soodhun le croit. D’autant que notre héros a réussi à avoir le numéro perso du prince !

Au moins, tout cela nous confirme une chose : c’est que les réfugiés syriens sont des personnes sensées, car ils ne veulent surtout pas aller là-bas. Les Mauriciens, eux, vont bientôt y avoir une ambassade… Mais puisqu’on veut que les Saoudiens investissent ici, pourquoi pas dans les smart cities ? Cela pourrait donner de supers applications «intelligentes» pour les nababs qui vont y habiter : connectez-vous via votre smartphone pour vous aider à choisir le meilleur outil pour couper la main de votre employée de maison, pour vous rappeler d’autoriser votre femme à sortir la poubelle ou pour vous signaler à quelle heure donner un petit coup de fouet à votre chauffeur pour le remotiver à se dépêcher…