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Montgomery, la lame de fond

13 janvier 2016, 12:49

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Clare Montgomery, 58 ans, n’est pas venue pour faire du théâtre et amuser la galerie publique. Dès ses premiers mots, «je représente  M. Pravind Kumar Jugnauth (...)», on comprend qu’elle ira droit au but. On comprend aussi qu’elle est très polie. À peine a-telle commencé que le chef juge l’interrompt pour un problème de numérotation des pages dans les documents qu’elle a soumis. «Je m’en excuse», dit-elle tout bas. Le même problème se posera une heure plus tard quand elle cite un jugement australien dont les paragraphes ne sont pas numérotés. «Je m’excuse de devoir vous faire chercher, une tâche que je devais vous épargner, My Lords.»

Entre-temps, Clare Montgomery aura avancé une dizaine d’arguments techniques et pointus. Pour la suivre, cela demande des efforts. Le chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et le juge Asraf Caunhye y consentent et restent concentrés jusqu’au bout. Leela Devi Dookun- Luchoomun, elle, a déjà abandonné et se livre à une âpre bataille contre ses lourdes paupières. On le lui pardonnera, car Clare Montgomery n’est pas théâtrale.

L’avocate britannique ne se retourne pas, ne cherche jamais Pravind Jugnauth du regard, ne tente jamais d’obtenir une quelconque forme de soutien de l’assistance. Sa force, elle semble la puiser de sa conviction que ses arguments sont irréfutables. Sans prétendre pouvoir faire la leçon aux juges et ses confrères du barreau, derrière ses lunettes frameless, elle fait un exposé sur le mot interest. «Intensity of interest », «types of interest», «indirect and direct interest» et ajoute que «by no stretch of English language does this reallocation of funds constitute a conflict of interest.»

Au final, ses arguments ressemblent beaucoup à ceux de la plaidoirie de Me Ravin Chetty en cour intermédiaire. Le camp de Pravind Jugnauth semble avoir trouvé sa stratégie : convaincre les juges avec les mêmes arguments qui ont été rejetés par les magistrats de la cour intermédiaire. Ce qui importe, ce n’est pas ce qu’en pensent les journalistes ou les confrères du barreau qui se sont bousculés à l’entrée et  qui étaient assis les uns sur les autres ; ce n’est pas non plus l’absence de charisme de «Madam Montgomery» qui ne voit ni n’entend les journalistes qui s’agrippent à elle dans l’enceinte de la Cour suprême. Ce qui compte, c’est sa capacité, telle une lame de fond, à frapper fort qu’importe si cela ne fait aucun bruit. Après tout, sinon, c’est Pravind Jugnauth qui touche le fond !