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L’art du zouréka
Quand j’étais au collège, je pratiquais un art martial qui s’appelle le zouréka. On comptait des amateurs de cette discipline dans tous les collèges et les combats de zouréka se tenaient tous les jours et à toute heure, le plus souvent sur le terrain de foot et dans le bus de l’école, mais parfois aussi dans les corridors et les salles de classe.
Notre initiation au zouréka se faisait dès le premier trimestre au collège, on apprenait les techniques en observant les élèves des classes supérieures le pratiquer. Certains jeunes développaient déjà une bonne base dès l’école primaire, ce qui leur donnait un avantage certain sur les autres lorsqu’ils arrivaient au collège. Mais c’est en Form 1 et Form 2 qu’on découvrait vraiment la beauté de cette discipline.
Plus les années passaient, plus on se perfectionnait en apprenant le secret des attaques qui laissaient un adversaire sans réaction. Un pratiquant de zouréka arrive à son meilleur niveau au point de devenir ceinture noire en zouréka à l’âge de 13 ou 14 ans. La pratique du zouréka dans les grandes classes diminue avec les études et les examens, les adhérents le pratiquent toujours mais avec moins d’intensité, et, surtout, avec beaucoup plus de retenue et de maîtrise.
Chez nous, au collège, il y avait un élève qui avait atteint le niveau de grand maître en zouréka. D’ailleurs, les autres se référaient à lui en tant que «Lerwa zouré» et tout le monde le regardait avec une certaine admiration, tout en évitant des confrontations avec lui pour ne pas se faire humilier.
On accède au statut de grand maître en zouréka lorsqu’on arrive à créer ses propres zourés et les combiner dans une attaque de manière à rendre celle-ci imparable. Toutefois, il est important pour un adepte du zouréka de haut niveau de ne pas se focaliser seulement sur l’attaque mais également avoir une bonne stratégie de défense. Les grands champions du zouréka ont cette capacité à parer une attaque en la retournant contre leur adversaire, une prouesse difficile à réaliser mais qui compte double au final.
Comme dans toute discipline, la patience et la persévérance sont les maîtres mots, car il est important de savoir qu’un combat de zouréka peut durer quelques secondes tout comme il peut durer des années ou même une vie entière, dans lequel cas, il faut avoir une bonne mémoire et aussi savoir innover et venir de l’avant avec de nouveaux zourés pour rester à la mode. Sinon autant opter pour des attaques rapides et bien placées qui prennent l’adversaire par surprise ou un haut débit de zourés qui l’anéantit ou tout au moins le fait fuir. Une technique qu’affectionnent particulièrement les automobilistes sur nos routes.
Il faut savoir, qu’après le collège, on a moins d’opportunités de pratiquer le zouréka ; il nous arrive parfois de rencontrer un ami et de se laisser aller à quelques enchaînements, question de se remémorer le bon vieux temps. Toutefois, de nos jours, on déplore qu’il n’y ait plus le même respect pour cette discipline qui se pratique aujourd’hui de manière sauvage. Il y a une version du zouréka qui gagne de l’ampleur en ligne, notamment sur les forums Facebook des fans de foot et des partisans politiques. Toutefois, cette pratique n’est pas conseillée si vous tenez absolument à éviter des problèmes avec la Cybercrime Unit de la police.
Néanmoins, on trouve encore des adeptes de zouréka parmi les élèves sur les arrêts d’autobus, les parlementaires lors des débats budgétaires, les enflés camions et les mères de famille, qui, ayant quitté leur enfant à la porte de l’école pour se rendre au bureau, apprennent à la radio qu’il n’y aura pas de classe à cause de la pluie.
Pour terminer, il est aussi important de noter que tout adepte de zouréka qui débute dans la discipline doit avoir au préalable quelques notions de base de Ras Lavi, une autre discipline millénaire qui consiste à esquiver les attaques de son adversaire en détalant en quatrième vitesse lorsque les choses s’enveniment.
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