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Bis repetita

20 septembre 2017, 07:51

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Bis repetita

Tous les matins à 8 heures, un bus de l’Express quitte la gare de Quatre-Bornes en direction de Port-Louis. Parmi les passagers, il y a principalement de jeunes cadres, habillés en chemise blanche rentrée dans leur pantalon pour les messieurs, et en robe classique pour les dames. Leurs vêtements sont bien repassés, leurs cheveux bien coiffés et leurs chaussures brillent. Avant de sortir le matin, ils prennent le temps de se raser et se parfumer.

Lorsque le receveur s’approche d’eux, ils donnent toujours la somme exacte car ils ont pris le soin de changer leur argent avant d’entrer dans le bus. Ils sont calmes et détendus et restent silencieux pendant tout le trajet, profitant du temps passé dans le transport en commun pour s’évader en faisant de la lecture ou en écoutant de la musique avec des écouteurs. Si jamais leur téléphone, qu’ils gardent au fond de leur sac, sonne, ils vont décrocher et répondre poliment mais brièvement avant de raccrocher.

Chacun respecte l’espace vital des autres et évite de se faire la conversation, à moins que ce ne soit vraiment utile. Ils s’assoient toujours à la même place dans le bus et avec le temps, ils commencent à se connaître et se permettent une petite politesse lorsque leur voisin prend place. «Bonjour, ça va ?» Et aussi lorsqu’ils descendent : «Bonne journée.» Les passagers du bus de 8 heures arrivent au bureau avec une dizaine de minutes d’avance, et en profitent pour aller se préparer un café, puis passent dire bonjour à leurs collègues.

Tous les matins à 8 h 15, un bus de l’Express quitte la gare de Quatre-Bornes en direction de Port-Louis. Parmi les passagers, il y a principalement de jeunes cadres, certains portent des jeans, d’autres des robes et des pantalons classiques. Ce groupe est le plus hétéroclite : il rassemble des passagers bruyants, qui discutent de foot, de courses hippiques et de politique et se donnent des claques dans le dos en riant à gorge déployée, et d’autres, qui sont curieux et attentifs, mettant à profit le temps passé dans le bus pour observer leur entourage.

Que ce soit les autres, les gens qui les entourent en essayant d’imaginer qui ils sont, ou les panneaux publicitaires sur la route.

En guise de lecture, ils lisent les journaux et se font des blagues au goût parfois douteux mais qui ne manque pas de faire glousser leurs voisins. Au moment de payer pour le trajet, ils vont sortir un gros billet, ce qui ne manque pas d’embêter le receveur, créant une petite tension et provoquant des grognements à chaque fois.

Certains passagers changent de place pendant le trajet, d’autres se tiennent debout. Si quelqu’un doit descendre à un arrêt, ils sont prompts à l’aider en tirant bruyamment sur la sonnette.

Certains vont avoir des conversations téléphoniques qui durent tout le long du trajet, tandis que d’autres en profitent pour manger leur pain et partager avec leurs amis. «Ki sann-la anvi manz enn bout dipin vinday, mo madam inn fer?» Ce qui ne les empêche pas, une fois arrivés à Port-Louis, d’aller directement chez le marchand de rotis...

Tous les matins à 8 h 30, un bus de l’Express quitte la gare de Quatre-Bornes en direction de Port Louis. Il y a toujours un ou deux passagers qui sont en retard et courent après ce bus au moment où il démarre. À l’intérieur du véhicule, les passagers sont principalement de jeunes cadres, la plupart ébouriffés, les cheveux en bataille, leurs chemises ne sont jamais repassées, une partie de leur col est repliée, ils ont les yeux rouges de ceux qui n’ont pas assez dormi.

En chemin, la plupart vont s’endormir sur l’épaule de leur voisin et ronfler bruyamment pendant le trajet, se réveillant en sursaut à chaque arrêt. D’autres vont se contenter de bailler ou encore de regarder dans le vide, le regard perdu. Lorsqu’il s’approche d’eux, le receveur doit souvent les réveiller pour leur donner leur ticket et au moment, de payer, ils ont du mal à retrouver leur argent au fond de leur poche.

Ils sont souvent irritables et stressés, regardent leur montre à intervalle régulier et arrivent au bureau toujours avec une trentaine de minutes de retard. Une fois à la station, ils ne s’arrêteront même pas pour parler à leurs amis. «Pa gagn létan, la, mo presé, mo bizin rant biro, plitar nou zwenn.» Ils vont courir dans les rues en trébuchant quelques fois et se promettent de se réveiller plus tôt la prochaine fois, mais on le sait tous, le lendemain ce ne sera que... Bis repetita.