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Tous au boulot
C’est toujours très triste quand un de vos collègues quitte le bureau. Je me souviens d’une fois lorsqu’une collègue avait annoncé sa démission, c’est toute l’équipe qui est tombée dans la déprime. C’était une grande perte pour tous, car elle était la seule à avoir un chargeur de téléphone que les autres pouvaient emprunter.
C’est souvent comme cela dans toutes les compagnies : en plus du boulot qu’il fait et pour lequel il est payé, chaque employé a besoin d’avoir quelque chose qui le rend indispensable. Dans le cas de cette dame, c’était son chargeur de téléphone.
Les compagnies sont avant tout des communautés et le bon fonctionnement de toute communauté repose sur des règles tacites. Chaque membre justifie son appartenance à la communauté par la contribution qu’il apporte pour faciliter le quotidien de tous. Ainsi, par exemple, il y a souvent quelqu’un dans le bureau qui s’est taillé une réputation grâce à son savoir-faire quand il s’agit d’un bon thé qui apporte bonheur et réconfort à ses collègues dans les moments difficiles. De temps à autre, on va l’entendre dire : «Ki sannla anvi enn bon dité la?» Ou parfois ce sont les autres qui essaient d’abuser du privilège : «Hey, enn bon dité pa ti pou mal la.»
De la même manière, il y a souvent l‘IT Specialist, celui qui s’y connaît en software et hardware et vers qui tout le monde se tourne à la moindre petite contrariété informatique de tous les jours. «Hey, mo computer inn aret marsé enn kou-la. To kapav get sa?» ou encore : «Hey kinn arivé, mo népli konekté ar inprimant?» lancent-ils. Des fois débordé, l’IT Specialist répond, «Zot inn ésay shut down apré restart? Ok, enn timama mo vinn gété-la.»
Il y a aussi le Sports Freak, celui sur qui on compte pour remporter les tournois inter-départements et inter-firmes, peu importe la discipline sportive. «Hey tournwa football pé vini la, to manz ar zot la hein?» «Hey, rant dan sa tournwa badminton, mo sir to gagné sa!» Ces paroles d’encouragement viennent le plus souvent des plus grands mangeurs de faratas de la compagnie.
Il y a également le Youtube Videos Provider, celui qui a toujours les liens de tout ce qui fait le buzz. «Hey mo tann dir, éna enn vidéo pé sirkilé-la.» «Sa to bizin get ar tel dimounn sa, li éna tou li. To koné twa!»
Ensuite, il y a le Contact Guy, celui qui connaît des gens qu’il faut, ce qui est toujours utile. «Hey, to péna enn bon mékanisien dan lamé?» «Hey mo pé rod enn kikenn ki kapav inprim lor latwal, to konn kikenn?» «Hey, parmi to bann kontak péna enn chiropracteur?»
Dans toutes les compagnies, il y a aussi un Tuyau Lékours Guy. Les lundis, il vous approche souvent discrètement pour vous glisser à l’oreille : «Hey, samdi mo’nn donn bann-la enn bon zafer.» «Vré? Bé to pa sinial mwa, to trouvé kouma to été!» répondez-vous alors. «Bé sa samdi-la pli bon zafer pé vini-la. Mo pa dir twa mo kamwad-la, li bien ek bann misié-la, li. Li fini dir vey tel séval, kouma li sorti ladan mem. Selma pa dir personn, zis twa mo pé dir sa.»
Dans les compagnies, il y a également souvent une Cake Girl, celle qui a appris à faire de succulents gâteaux et qui rend les fêtes d’anniversaires moins ennuyeuses et les départs moins tristes. «Selma omwin to gato ti top. Mari bon. Mo kwrar sann fwa-la tonn surpas to mem. Kouma tonn fer sa lakrem la?»
Il y a aussi le Health Advisor, celui qui connait toujours tous les problèmes de santé qui jalonne la vie au bureau et, bien sûr, les tisanes et autres diètes à suivre pour se remettre d’aplomb. «Hey, sa bann douler lédo-la, to bizin pran sa kont. Sa bann sez-la tousa bizin sanzé, kolonn vertébral pé gagn baté ar sa», prévient-il. «Mwa ousi mo ti pé gagn douler latet. Taler mo ékrir enn non enn latizann lor enn papié mo donn twa. Pran sa, dan dé zour to fini korek.»
Le Trade Unionist, celui qui connaît bien toutes les lois du travail, est aussi là tel un sage pour intervenir et guider les autres quand il y a des manquements. Puis le Culture Guy, celui qui est toujours en train de célébrer une fête religieuse chez lui, qui porte ses vêtements traditionnels le jour de la fête, et apporte à manger (briani, ‘gâteau lavierge’, oeufs de Pâques et autres gâteaux diwali) pour tout le monde.
Le Good Morning Bloke est celui qui ne manque jamais de dire bonjour à tout le monde le matin au boulot, quitte à devoir faire le tour des tables et même de revenir plus tard pour saluer ceux qu’il a manqués. «Mo pa ti dir twa bonzour gramatin, non?» C’est toujours assez gênant de croiser à nouveau ce type plus tard dans l’escalier ou dans le corridor, car on ne sait pas trop de quoi parler, la conversation avec lui n’est jamais allée au-delà de bonjour.
Il y a aussi parfois le Grammar Mentor, celui vers qui on se tourne pour vérifier nos textes et corriger les fautes. «Hey, get sa enn kou, mo pé ékrir enn let la. Bizin dir ‘un augmentation’ ouswa ‘une augmentation’?» «En principe, une augmentation. Tou bann mo ki fini par ‘ion’ zot féminin.» «Seryé. Mersi. Bé ‘une augmentation de salaire’, bizin met ‘s’ dan saler?...»
Dans d’autres bureaux, il y a égalament le Laugh The Loudest Chap, celui qui se fait remarquer que parce qu’il rit plus fort que tout le monde ; le Birthday Greeter, celui qui se souvient de la date d’anniversaire de tout le monde et est le premier à les souhaiter le jour de leur fête ; le Joke and Prankster Guy, celui qui connaît de bonnes blagues et aime en faire à tous ses collègues ; le Casanova Dude, celui qui se prend pour un grand séducteur et tombe amoureux de toutes les nouvelles filles qui intègrent la compagnie, le Drink & Party Guy, celui qui «dan tou program li ladan».
Et bien sûr, nul bureau n’est complet sans les ragots, les rumeurs, les scoops et les informations secrètes que personne ne devrait savoir mais que tout le monde sait. Par l’importance de cette responsabilité, dans nombre d’entreprises, ce n’est pas une personne mais tout un réseau qui travaille à pied d’oeuvre pour que vous soyez up-to-date par rapport aux événements : «Hey, to pa ti la twa, tonn rat boukou. Taler mo rakont twa.» Ils opèrent aussi comme service de renseignements accessibles aux heures ouvrables : «Hey, mo trouv bos pé paret ankoler-ankoler, kinn arivé koumsa?» ou «Hey, lapay inn fini versé? Pé paret pou gagn enn bon bonis sa lané-la?»
L’importance de telles fonctions est telle que les grandes entreprises bougent avec leur temps et de nouveaux postes émergent pour mieux satisfaire les demandes, avec des positions offrant de réelles perspectives d’avenir, tels que Vice President of Global Gossip ou Executive Director of Other People’s Personal Matters.
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