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Assaut sur la roupie ?

19 juin 2019, 03:26

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Assaut sur la roupie ?

Le spectre d’une dépréciation de la roupie. Tel est le cri d’alarme que lancent les opposants au régime qui voient dans le dernier Budget les prémices de ce scénario. Faut-il prendre au sérieux ce risque ?

Les menaces sur la roupie ne datent pas d’hier. Encore moins du dernier Budget. Elles émanent de la longue et lente transition économique que nous vivons depuis plusieurs années et qui a érodé notre modèle économique.

Le monde est arrivé à un carrefour où se redessinent des stratégies de pouvoir. Désormais, les échanges internationaux se renégocient en fonction d’intérêts stratégiques des nations plutôt que par des critères de croissance globale ou davantage compétitifs. Ô que nous sommes loin des grands-messes ACP-UE quand les priorités du commerce dirigeaient le monde.

Notre commerce international en a déjà pris un coup. Le commerce avec l’Angleterre n’est plus une priorité. Et les Anglais nous le rendent bien. La Chine veut bien nous fournir des caméras, contre un fil à la patte. L’Inde finance le métro. Une preuve de leur bienveillance à notre égard. Hélas, sans grand effet sur nos exportations.

Entre-temps, les secteurs traditionnels générateurs de devises s’essoufflent. Beaucoup de nos capitaines d’industrie ont perdu leurs repères. Ils n’en finissent pas de baisser les coûts quand les revenus en devises plafonnent. Après avoir tranché dans le gras, nombreux sont ceux qui pensent que l’os n’est pas loin. Alors, une dépréciation ? Ils en rêvent sans trop se l’avouer. Cela gonflerait leurs revenus. De quoi sauver les meubles.

Une dépréciation ferait aussi l’affaire de gouvernement. (À condition qu’elle se produise après les élections.) Tout à coup, la valeur de l’économie en roupies gonflerait, les recettes fiscales avec, et l’endettement serait moins lourd à rembourser.

Pour l’heure, le scénario n’est pas d’actualité. Une dépréciation entraînerait de l’inflation. Elle arrangerait les grands et pénaliserait les petits. Personne n’en veut. C’est pour cela que la Banque de Maurice garde le cap sur l’inflation. Elle intervient sur les marchés des changes et interbancaires, quitte à faire des pertes. Pour combien de temps ?

Depuis plus de dix ans, Maurice utilise plus de devises pour s’acheter des biens de consommation qu’elle n’en génère par ses activités (textile, tourisme, sucre, services financiers). La différence vient d’un argent «prêté». Un argent en transit que des gestionnaires de fonds offshore ont placé dans notre juridiction en attente de le reprendre. Il suffirait qu’ils décident de le reprendre tous en même temps pour ponctionner encore notre réserve de devises. La Banque de Maurice dispose d’une marge de manœuvre. Mais chaque trimestre négatif fait tiquer les experts.

Dans ce contexte, les risques qui pèsent sur la roupie sont plus que jamais réels. Reste à savoir comment les gérer. Cela veut dire tenir compte de deux critères : la stabilité financière et la stabilité sociale. La stabilité financière est la responsabilité de la Banque de Maurice. La stabilité sociale est celle du gouvernement.

Le gouvernement actuel a beaucoup misé sur la stabilité sociale avec une politique de redistribution. Les dépenses de bénéfices sociaux sont passées de Rs 19 milliards en 2014 à Rs 34 milliards en 2019. Sans compter les allègements sur l’essence et les produits de consommation essentiels. Dans l’éventualité d’une crise, une stratégie de protection de l’accès à une consommation de base pour les plus démunis a été prévue.

Quant à la stabilité financière, elle repose sur plusieurs facteurs. Notamment sur l’indépendance de la Banque de Maurice, dernier rempart contre une ingérence trop musclée des politiciens dans le système monétaire. La stabilité financière émane d’une meilleure maîtrise des déficits publics. Les taux d’endettement actuels ne sont pas glorieux. Sur ces points, les voyants sont au rouge.

Toutes ces situations ne présagent effectivement rien de bon pour la roupie. Reste-t-il des moyens de la sauver ? Peut-être. En s’attaquant à la cause principale de sa vulnérabilité : le déficit de la balance commerciale. Tant que nous importerons plus que nous n’exportons de biens et services, nous continuerons à affaiblir la roupie.

 

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