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Les face-à-face de père en fils…
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Les face-à-face de père en fils…
Comme dans l’affaire tyrolienne avec «kalson létof, soulié verni» à Rodrigues, les spin doctors de Pravind Jugnauth ont commis une gaffe monumentale en amenant leur patron à défier ses rivaux politiques, dont automatiquement Navin Ramgoolam, pour un face-à-face. Un sitting Prime Minister n’invite jamais un adversaire à un face-à-face. Car le risque de perdre ce match est beaucoup plus dangereux contre tout le bien qu’il pourrait obtenir face à ses adversaires. Puisqu’il est déjà en fonction, s’il domine son vis-à-vis, rien ne change vraiment dans la donne politique car il est au pouvoir justement pour avoir battu son adversaire aux élections générales. Mais si le Premier ministre est battu dans l’épreuve, surtout à quelques mois des élections générales, il frise la catastrophe politique.
Dans le présent cas de défi pour un faceà- face, l’acteur immédiatement identifié dans l’opinion publique – Navin Ramgoolam – n’est même pas membre du Parlement. Navin Ramgoolam a immédiatement relevé le défi. Car un tel affrontement risque de jouer nettement en sa faveur. Et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sur le plan purement charismatique, Navin Ramgoolam domine nettement Pravind Jugnauth. Cela a été mis à l’évidence depuis plusieurs années car comme le constatent les médias et les observateurs, lors des sorties publiques comme privées, Navin Ramgoolam déclenche une réaction plus prononcée dans l’assistance que Pravind Jugnauth. Sur le plan purement charisme et charme, Pravind Jugnauth est même battu par son père comme sa mère. Les gens s’empressent d’aller saluer sir Anerood et lady Jugnauth à chacune de leurs sorties.
Un autre facteur qui jouerait nettement en faveur de Navin Ramgoolam, c’est sa soudaine présence sur l’écran après son boycott systématique par la MBC depuis les dernières élections. Son retour télévisé et viva voce remporterait certainement un grand succès de curiosité alors que Pravind Jugnauth a déjà atteint le point de saturation déclenchant des réactions genre : «Ayo mama, ankor limem!»
Quant à l’aspect du débat d’arguments et d’idées, cela reste indéterminé, dépendant des points d’attaque, des répliques et des contre-attaques. Sur ce plan, rien ne dit qu’il y aurait un walk-over par l’un ou l’autre. Navin Ramgoolam reste vulnérable sur l’affaire de Roches-Noires et ses coffres-forts. Quant à l’affaire MedPoint, quand l’ICAC a décidé de ne pas embarrasser Pravind Jugnauth devant le Conseil privé de la Reine, la cause était entendue. Sur MedPoint, Reza Uteem et d’autres ont avancé d’inébranlables points qui prouveraient que cette affaire de clinique serait le scandale du siècle. Navin Ramgoolam pourrait-il énumérer en quelques minutes les dix points prouvant le titre de scandale du siècle tout en ouvrant un nouveau front sur l’achat, à coups de centaines de millions, par le Dr Kishan Malhotra, rendu aveugle depuis le 12 mars 1998, d’un hôtel aux Seychelles et de sa subséquente rénovation au coût d’un milliard. Le Dr Malhotra a été le principal bénéficiaire de MedPoint.
L’initiative du camp Pravind Jugnauth de lancer un défi de face-à-face pourrait mettre au jour un sérieux problème de manque de coordination entre Lakwizinn et le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth. Car si les spin doctors de Pravind Jugnauth avaient sollicité l’avis de sir Anerood, ce dernier leur aurait «brossé la tête» car il ’s’agirait d’une initiative hautement risquée sur le plan politique. Sir Anerood a toujours évité de s’engager dans un match verbal télévisé. Il avait pourtant été soumis à un tel défi de la part de Navin Ramgoolam quand ce dernier s’était joint à la politique en 1990. SAJ avait alors 60 ans et Navin Ramgoolam 43 ans. C’était comme si on mettait aux prises Paul Anka et Justin Bieber lors d’un super-concert au stade de Wembley. Navin Ramgoolam, qualifié de Lion, était fraîchement débarqué de Londres et il était en position de casser la baraque. S’ il y avait eu match, sir Anerood aurait laissé bien de plumes.
Face à cette situation, les spin doctors de SAJ se mirent au travail et trouvèrent vite une réplique en tablant sur une énorme faiblesse dont souffrait le challenger travailliste : il ne pouvait s’exprimer en bhojpuri, la deuxième langue populaire du pays. Le camp Jugnauth proposa donc sa formule de face-à-face : que la première partie se déroule en bhojpuri avant que le débat ne passe subséquemment en créole. Cette contre-proposition mit fin au challenge de Navin Ramgoolam.
Mais de père en fils, sans qu’il y ait eu de face-à-face entre Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam, le camp gouvernemental semble avoir perdu la première manche sur tapis… orange et il lui faudra beaucoup d’imagination pour sortir Pravind Jugnauth du bourbier politique dans lequel il s’est introduit. C’est tout dire de la différence entre père et fils, entre l’efficacité proverbiale de sir Anerood et les maladresses du fils, telle l’affaire de tyrolienne rodriguaise, avec «kalson létof, soulié verni».
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