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Assouplissement
Un choc exogène, telle la pandémie de Covid-19, est toujours un bon prétexte pour les autorités de s’adonner à de l’activisme monétaire. Leur message se décline en deux actes contradictoires. Le gouvernement dit d’abord «se serrer la ceinture», puis il se vante d’un programme qui mobiliserait Rs 9 milliards. Quant à la Banque de Maurice, son gouverneur a parlé de «stabilité monétaire» avant d’abaisser le taux directeur...
Assouplir le taux d’intérêt, ce n’est pas de l’assouplissement quantitatif, par lequel la Banque centrale crée de la monnaie pour acheter d’innombrables titres et ainsi augmenter la quantité de réserves des banques. Ce «quantitative easing» risque de devenir une option lorsque le comité de politique monétaire aura compris qu’une énième baisse du taux repo produit peu d’effet sur l’économie réelle. Mais même un déversement de liquidités, alors qu’il y a déjà excès de liquidités, ne marchera pas non plus.
Selon la loi de Walras, une augmentation de l’offre de monnaie correspond à une hausse de la demande de produits. Or, ce n’est pas toujours le cas. Car les détenteurs de monnaie peuvent diminuer la fréquence de leurs transactions – ce qu’on appelle la vitesse de circulation de la monnaie. C’est là tout le problème du coronavirus : quand les agents économiques dépensent moins et gardent leur argent plus longtemps, la monnaie circule moins vite. Dès lors, on a tort de supposer que plus de monnaie entraîne plus de crédits et plus de dépenses.
Dans la conjoncture actuelle, personne ne consommera plus, ou n’investira plus, à cause d’un abaissement des taux d’intérêt. D’ailleurs, une diminution de 50 points de base du taux repo (qui influence les taux courts) est largement insuffisante face à l’ampleur de la révision à la baisse du taux de croissance pour cette année (de 4,0 % à 2,6 % selon les estimations de la Banque de Maurice). Il aurait fallu réduire le taux repo de 150 points à 1,85 %, le ramenant proche du taux de rendement des titres à 3 mois (1,69 %), ceux-ci étant de la quasimonnaie. Mais de toute façon, cela n’aurait été qu’un ajustement technique.
Dans le sillage de la crise financière de 2008, l’ex-gouverneur Rundheersing Bheenick avait procédé à trois baisses successives de 100 points de base du taux repo, alors même que le taux de croissance était supérieur à 4,0 %. Huit autres détentes monétaires ont suivi quand ce ne fut pas indispensable. Maintenant que la situation économique est vraiment dramatique, la marge de manœuvre monétaire est étroite. Voilà où mène une politique monétaire active qui ne fait qu’alléger les charges financières des emprunteurs.
Pis, des taux d’intérêt bas ne favorisent pas de nouveaux crédits, mais plutôt le rééchelonnement des prêts qui seront autrement des créances douteuses. Or, si une banque doit conserver des actifs toxiques, ce ne peut qu’être au détriment des emprunteurs solvables. Comme le précise Alain Law Min, «tout sera décidé en fonction de la capacité de remboursement du client, en fonction de son cash flow futur». Que le coronavirus fasse office d’assainissement !
Sabrer le taux d’intérêt permet aussi au gouvernement de jouer sur le levier budgétaire. Faute d’espace fiscal, cependant, l’actuel ministre des Finances ne peut pas élaborer un véritable «Stimulus Package», comme l’a fait Rama Sithanen. C’est ce qui arrive quand on a trop endetté le pays.
Le plan de soutien de Padayachy n’est pas à la hauteur du scénario le plus pessimiste qui, selon le ministre, verrait une contraction économique de 3 % ! Il ne puisera qu’un milliard de roupies du Consolidated Fund. Il est vrai que le déficit budgétaire va s’accroître en raison de moindres recettes dues au fléchissement de la croissance. L’objectif de couper dans les dépenses courantes par 10 % pour 2020-2021 est louable mais paraît irréalisable avec les prochaines hausses salariales du Pay Research Bureau.
Reste qu’un choc d’offre, causé par le coronavirus, ne sera pas résolu par des politiques de demande, mais par des solutions d’offre. Le gouvernement aura beau influencer l’activité économique, les Mauriciens ne feront pas plus de shopping et ne séjourneront pas davantage dans les hôtels. Ce dont l’économie a besoin, ce n’est pas de la stimuler artificiellement, mais c’est de la protéger contre le virus pour qu’elle rebondisse dès que la crise sera finie.
La sécurité sanitaire doit passer avant la santé de l’économie. Pour dépenser à bon escient, le gouvernement peut bien distribuer gratuitement des masques et des désinfectants pour les mains à la population, garantir l’appui des services privés et investir massivement dans l’équipement médical. En même temps, il peut reporter les paiements d’impôts pour les entreprises en difficulté, décréter un gel salarial pour tous, et enlever les barrières commerciales afin de faciliter la recherche de sources d’approvisionnement alternatives.
Pour dégripper une économie aux faiblesses masquées, il faut de la souplesse structurelle.
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