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Le CP Servansing- l’homme de la situation mais…
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Le CP Servansing- l’homme de la situation mais…
La nomination de Khemraj Servansing, commandant de la Special Mobile Force aux fonctions de Commissaire de police (CP) a été bien accueillie dans le pays et cela pour diverses raisons.
Pour ceux qui suivent le secteur de la police de près, c’est un sentiment de satisfaction car une grave injustice a été réparée. En effet, cela fait 19 ans que l’officier Servansing a été nommé Deputy Commissioner of Police (DCP) soit un an avant Karl Mario Nobin. Servansing a été systématiquement privé de la nomination suprême.
Contrairement à ce que certains ont avancé, Dhun Iswar Rampersad, le CP avant le changement de gouvernement en 2014, n’avait pas été favorisé au dépens de l’officier Servansing. Rampersad avait été nommé DCP le 19 octobre 2001 alors que Servansing a accédé à ce rang deux semaines après, soit le 1er novembre 2001. Very fine point, dirait-on. Il est fort probable que, ceteris paribus, même si toutes les choses étaient égales par ailleurs, si l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam avait à choisir entre Servansing et Rampersad, il aurait sans hésitation opté pour ce dernier. Car Servansing avait bénéficié, sans le vouloir, d’un cadeau empoisonné de la part de Paul Bérenger du temps où ce dernier avait occupé le poste de Premier ministre, de 2003 à 2005.
Au fait, Paul Bérenger avait été sincère dans sa démarche de saluer les qualités exceptionnelles de Khemraj Servansing. Quand il occupait les fonctions de Premier ministre, Paul Bérenger avait été tellement impressionné par la prestance remarquable du commandant de la SMF qu’il ne manquait pas de le couvrir d’éloges. Paul Bérenger s’y connait dans les affaires de la police. Son beau-père, Paul Perrier, avait été un officier de police ayant terminé sa carrière très haut dans la hiérarchie. A cette époque, quand la police était dirigée par des Britanniques, la façon d’opérer de cette institution était radicalement différente, loin des excès mais aussi des clowneries que nous constatons de nos jours.
On peut comprendre la méfiance de Navin Ramgoolam vis-à-vis de l’ancien commandant de la SMF croulant sous le poids des éloges d’un adversaire politique, pugnace et calculateur. L’indépendance d’un CP est assurée par la Constitution et rien n’empêche le patron des Casernes centrales à procéder à l’arrestation du Premier ministre lui-même. La même méfiance avait animé Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger quand, après une tentative d’arrestation du Senior Minister Jayen Cuttaree par l’Economic Crime Office (ECO), ils firent dissoudre cet organisme anti-corruption le 19 décembre 2001. Si la directrice de l’ECO, Indira Manrakhan, avait osé tenter de faire menotter Cuttaree, elle était tout aussi investie du pouvoir de faire arrêter le Premier ministre et son adjoint.
Nous sommes en 2020 et à première vue, on était bien tenté de saluer l’initiative du Premier ministre de reconnaître enfin les qualités de l’homme qui a dirigé la SMF avec tant de professionnalisme. C’est l’homme de la situation. Le nouveau CP est probablement l’officier ayant suivi des cours universitaires les plus poussés, ayant réussi un Bachelor in Civil Engineering et deux Masters en finance et études stratégiques. Avant lui, l’ancien CP Ramanooj Gopalsing dont la maîtrise de l’anglais était impeccable avait lui aussi décroché un Masters après un premier ‘degré’.
Dans la foulée de la nomination du nouveau CP, le repêchage de Heman Jangi comme chef de la CID a fait tiquer plus d’un. Excellent enquêteur, Jangi avait déjà pris sa retraite avant d’être parachuté à la tête d’une branche cruciale de la police. Jangi avait terminé sa carrière dans la controverse pour avoir mal dirigé différentes opérations contre l’ancien Premier ministre Ramgoolam. Etait-ce une façon pour LaKwizinn de récompenser l’un de ses plus fidèles serviteurs ? Ou est-ce une opération stratégique pour priver le nouveau CP d’un contrôle direct sur la CID pourvue de moyens colossaux, d’une caisse noire conséquente, embrigadant des milliers d’hommes et de femmes aidés dans leur tâche par des milliers d’informateurs à leur service?
La preuve incontestable que LaKwizinn entend contrôler dans les faits les opérations de law and order et aussi du système pénitentiaire est venue avec le repêchage de Mario Nobin comme commissaire des prisons et Vinod Appadoo comme Security Adviser. Appadoo conseillera directement le Premier ministre et ce dernier, à son tour, va faire part au CP des ‘policy decisions’. Quant à Nobin dont le contrat de CP avait été renouvelé en pas moins de quatre occasions, s’il n’existait pas LaKwizinn aurait dû l’inventer. Quel traitement comparé à celui du chef juge sortant à qui on a refusé une extension de quatorze jours de son mandat. Les nominations de Jangi et Nobin vont compromettre les chances de promotion de centaines d’éléments de la police et des prisons mais l’essentiel pour le pouvoir, c’est le contrôle direct et efficace des institutions.
Il serait intéressant à voir comment le nouveau CP va voguer dans un bassin infesté de requins chevronnés et comment il ferait valoir ses pouvoirs et ses prérogatives comme garantis par la Constitution. Contrairement à Raj Dayal, il est loin d’être un aventurier opérationnel, encore moins un calculateur politique. Jusqu’ici, il est resté sobre, flegmatique et professionnel comme un officier de l’ère coloniale britannique. Comme le fut aussi son père, Kurrun Oodal Servansing, qui occupa de hautes fonctions dans la police et qui en …. 1970 procéda à l’arrestation de Paul Bérenger suivant une manifestation jugée illégale.
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