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L’impôt social

26 juin 2020, 09:24

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La contribution sociale généralisée (CSG) à la sauce mauricienne est une dénaturation de l’original français. Lorsque le Premier ministre Michel Rocard introduisit la CSG en 1991 pour combler les déficits de l’assurance maladie, elle était vraiment généralisée, frappant l’ensemble des revenus : revenus d’activité (salaires), de remplacement (pensions de retraite), du patrimoine (revenus fonciers) et de placement (plus-values mobilières). Le taux était unique et très faible (1,1 %). 

Une retenue retraite sur le salaire seulement, la CSG de Renganaden Padayachy est, en revanche, discriminatoire, et non universelle, et à taux progressif plutôt que proportionnel. Elle ne concerne pas les employés du secteur public, ce qui fait qu’un petit entrepreneur financera la Basic Retirement Pension (BRP) du grand commis de l’État. 

C’est d’autant plus injuste que les prestations découlant de la fusion BRP et National Pension Fund (NPF) seront égales pour tous les retraités, qu’ils y aient contribué plus, moins ou rien, ou qu’ils aient été actifs, inactifs ou chômeurs. Madoff n’aurait pas imaginé un tel plan Ponzi, dans lequel les entrants financent les sortants. Une bombe sociale à retardement ! 

La CSG n’est pas une cotisation, car si son taux est modulé en fonction du salaire, elle n’est pas en rapport avec la prestation à laquelle elle donne droit (contrairement à la retraite par points du NPF qui est nominatif). Il s’agit donc d’un impôt affecté à la protection sociale, pour l’instant à la pension de vieillesse. Faisant fi du dialogue social, le gouvernement se défausse sur le contribuable. 

La CSG est considérée comme un impôt par le ministre des Finances lui-même, car il la conçoit comme un outil de réduction des inégalités de revenus. Or, une cotisation sociale doit suivre la logique assurancielle, et non redistributive, en respectant l’égalité entre les assurés, comme le soulignait le Conseil constitutionnel en France dans une décision du 6 août 2014. À Maurice, le législateur méconnaît le principe d’égalité devant la loi. La CSG sera une manette budgétaire facile à manier chaque année pour financer un surcoût de la BRP dû au vieillissement de la population. Le rapport cotisant/pensionné baissera avec le chômage, ce qui accroît le risque d’une impasse financière. De par son mode de perception, à la source, qui rend sa hausse indolore, la CSG présentera une forte propension à être régulièrement relevée. Elle deviendra à terme un impôt lourd sur le revenu, comme en France où le taux est maintenant de 9,2 %. 

Autant la CSG réduira le pouvoir d’achat de tout employé qui gagne un salaire de plus de Rs 37 480, autant cet impôt social sera répercuté dans le coût du travail et va obérer la compétitivité de l’entreprise. C’est que la distinction entre part salariale et part patronale des cotisations est trompeuse. Elles sont toutes prélevées sur la valeur marchande du travail effectué – donc un impôt sur le travail. Sans ces retenues sur des créations de valeur, l’entreprise aurait pu accorder des salaires plus élevés. 

Il faut avoir «l’âme socialiste» pour interdire au salarié de percevoir son salaire complet. Un gouvernement qui respecte la liberté individuelle laisse au salarié le choix d’un plan de pension. Un système libéral repose sur un régime de capitalisation (les primes sont investies), qui peut être combiné avec une mutualité (la précaution élargie est moins coûteuse que la couverture individuelle). C’est désormais la tendance que suivent plusieurs pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande. 

Ce que fait Maurice est une réformette qui engendrera déficits et injustices. Le système assuranciel du NPF (les fonds sont capitalisés) et le régime non contributif de la BRP vont se fondre dans un système par répartition : l’argent de la CSG est réparti entre cotisants et allocataires, et les fonds entrés sont ressortis sur-le-champ. N’étant pas gérées par des fonds de pension, les cotisations ne constituent pas un capital accumulé. Le cotisant n’est pas récompensé à la hauteur de son effort d’épargne forcée. 

Certes, le gouvernement reculera l’âge d’éligibilité de la BRP à 65 ans en juillet 2023. Mais les prestations et cotisations pouvant aussi être modifiées, les mesures paramétriques relèvent du bricolage à l’incidence inconnue. Pour être efficace, une réforme des retraites doit être systémique, c’est-à-dire passer de la répartition à la capitalisation. 

Ici on responsabilise les Mauriciens en les incitant à souscrire, par une épargne volontaire, à des contrats librement négociés qui fixent les montants des primes et des prestations. La concurrence entre assureurs garantit la solution la mieux adaptée à chaque individu. Pour l’infime minorité des foyers qui n’ont pas les moyens de s’assurer, l’État instaure un filet social financé par un impôt de solidarité. 

Cependant, il ne faut pas que la solidarité intergénérationnelle soit inique envers les jeunes, que la pauvreté les touche davantage que les personnes âgées.