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Pour sauver les meubles du Sun Trust, les options Bodha et Dookun…

12 septembre 2020, 08:07

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Pas seulement pour le MV Wakashio et le remorqueur Sir Gaëtan : une opération de salvage pourrait s’avérer nécessaire pour sauver les meubles du Sun Trust, et tout l’empire financier qui va avec. 

Jamais auparavant un Premier ministre ne s’est retrouvé en si fâcheuse posture. Même au moment fort de l’affaire Amsterdam, quand quatre députés transfuges, soutenant le MSM, avaient été arrêtés pour une affaire de drogue, l’image du gouvernement n’avait autant souffert. Maintenant, le Premier ministre est fortement contesté dans l’opposition publique à la suite d’une succession d’affaires liées à la corruption, au détournement des fonds publics et à l’inefficience même de l’appareil d’État, comme témoigné par le naufrage du MV Wakashio et encore l’échouage du remorqueur Sir Gaëtan. 

Sur le plan international, l’image du pays n’avait jamais été aussi compromise, notamment avec l’inclusion de Maurice sur la liste noire des paradis fiscaux par l’Union européenne, les relations loin d’être cordiales avec les deux grandes puissances anglo-saxonnes et même le cinglant certificat d’incompétence émis par le ministre français des Outre-mer, Sébastien Lecornu. C’était la première fois qu’un membre du gouvernement d’un des pays «amis» traditionnels de Maurice prononçait un tel jugement dévastateur sur Maurice. Avec le MV Wakashio, le monde entier a vu, pour la première fois, des images de nos plages et mangroves polluées, de dauphins morts, tout en apprenant que le gouvernement en est responsable. 

Une première fois encore que le chef de l’Église catholique à Maurice prend l’initiative de dénoncer les graves manquements d’un gouvernement en place, touchant même la corde sensible du trafic international de drogue. L’insinuation du cardinal Maurice Piat sur une possibilité que le MV Wakashio pourrait avoir été impliqué dans une opération d’importation de drogue a été vraiment dévastatrice. Il est aussi fort possible que dans les milieux traditionnels, on n’a nullement apprécié le show orchestré par des responsables du MSM autour de la marche faite par le Premier ministre vers le caveau du père Laval. Les hommes politiques, de sir Seewoosagur Ramgoolam en passant par les Duval père et fils, ont toujours respecté le caractère sobre et solennel de ce pèlerinage à Ste-Croix et ils ont évité d’en faire un show politique. L’on se demande toujours qui seraient ces extraterrestres qui ont pu recommander un tel spectacle de récupération politique à Ste-Croix. L’on se rappellera que quelqu’un de la MBC avait tenté de faire accroire que le père Laval et ses disciples étaient tout heureux de prendre connaissance de l’acquittement de Pravind Jugnauth devant le Privy Council dans l‘affaire MedPoint. 

Que pourrait encore encaisser Pravind Jugnauth ? Cet affaiblissement inexorable du Premier ministre pourrait entraîner sa perte politique mais aussi l’écroulement du Sun Trust et de tout l’empire monté par les deux familles du leader du MSM. Il se peut aussi, théoriquement parlant, que les pétitions électorales, qui seront enfin entendues, après une série de manoeuvres de buying time du parti au pouvoir, pourraient changer la donne radicalement. 

Pour préserver ses acquis, le Sun Trust et son empire, le MSM a sans doute conçu un scénario post-Pravind en attendant des jours meilleurs et le retour en force du fils héritier. Pravind Jugnauth s’était bien retiré comme ministre pour revenir en force une fois acquitté à Maurice par rapport à l’affaire MedPoint. Afin de ne pas tout perdre, il serait utile de sauver les meubles. Dans ce contexte, les deux sauveurs potentiels, tous deux farouchement loyaux à la famille, pourraient être Nando Bodha et Leela Devi Dookun-Luchoomun. Un interrègne pourrait être assuré par l’un ou l’autre en attendant que les Mauriciens oublient et que la tempête passe. La famille a vu juste en neutralisant Raj Dayal car si ce dernier était ministre dans l’actuel gouvernement, il aurait été vu comme le sauveur incontestable. Seulement à la différence de Bodha et de Dookun-Luchoomun, cela n’aurait pas été un interrègne pour Raj Dayal mais un règne tout court au vu de ses talents de leadership acquis à Sandhurst, l’école militaire britannique admirée de par le monde. 

Quel sera le rôle de sir Anerood Jugnauth, le leader historique, s’il fallait orchestrer un retrait temporaire du fils, en attendant que le ciel redevienne bleu ? Incontestablement, sir Anerood choisirait l’option Bodha, bien que Dookun-Luchoomun soit issue du clan familial de lady Sarojini. En raison de ses études en Europe et de sa maîtrise du français et de l’art de la communication, Bodha est bien vu dans les milieux, qui pèsent de tout leur poids, pour orienter l’opinion publique à Maurice. Bodha pourrait aussi caresser dans le sens du poil les pays occidentaux, qui ont fait une croix de write-off sur Pravind Jugnauth. Bodha comprend parfaitement la psychologie rurale. Il parle d’ailleurs le bhojpuri avec l’accent d’un villageois. Ses déclarations en bhojpuri à l’effet que le «rail-gari» – bhojpuri pour le train – allait aussi desservir les «chachis» (tantes) des villages, ont fait mouche. 

Leela Devi Dookun-Luchoomun dispose, pour sa part, de trois atouts majeurs. Elle est une femme et 52 ans après l’Indépendance, le pays n’a jamais connu une femme Premier ministre. Elle pourrait ainsi mobiliser la moitié de la population derrière elle. Ensuite, de par son statut familial, elle échappe aux complexités de catégorisation castéiste, qui empoisonne la politique à Maurice. Troisième atout, pour avoir été enseignante au collège du Saint-Esprit, elle dispose d’un immense réservoir de goodwill auprès des anciens étudiants de cet établissement et de leurs parents. 

Évidemment, les Maneesh Gobin et Bobby Hurreeram sont hors de course d’office. Ni l’un, ni l’autre n’est assez «sophistiqué» pour être accueilli dans les salons des «intellectuels», encore moins pour rallier l’armée du MSM. Mais il y a un outsider. Il s’agit de Steven Obeegadoo, qui pourrait être considéré comme un Mauricien authentique et intégral en raison de son héritage familial et de sa vie privée. La famille Obeegadoo a été très proche du Hindu Maha Sabha pendant des décennies. Il faudrait seulement la science d’un spin doctor hors pair pour orchestrer une opération permettant à Steven Obeegadoo de passer du n°2 (qu’il a obtenu après l’accident Saint-Louis Gate d’Ivan Collendavelloo) au n°1. Mais qui aurait jamais cru qu’un jour il deviendrait le n°2 ?