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La santé mentale, c’est la santé !

31 mai 2021, 14:05

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Quand on parle de maladies mentales, il y a ceux qui n’en savent rien, faute de sensibilisation, ceux qui croient savoir, puis, ceux qui vivent avec. Le Mental Health Awareness Month touche aujourd’hui à sa fin et, par déformation professionnelle, cela sonne comme la dernière occasion, avant le prochain prétexte d’actualité, de faire la lumière sur ce sujet, qui relève du tabou dans presque toutes les sociétés. Pourtant, les maladies mentales sont douées d’ubiquité. Elles sont sources d’innombrables maux dont on tarde à reconnaître l’impact et les fardeaux physique, social et économique pour les personnes qui en souffrent et, par ricochet, leur entourage direct. Des maux que l’on tait, souvent, à défaut de pouvoir totalement les cerner, sans doute parce qu’elles sont intangibles et «invisibles».

Il n’empêche que faire l’impasse sur cette maladie silencieuse, qui se vit dans l’ombre, ne va pas l’endiguer. Il faudrait, au contraire, en parler au clair, décloisonner les esprits, afin que ne soient plus affublés de «fous», «deranze» ou «latet fatige» ceux qui trouvent le courage de s’ouvrir concernant leur trouble psychologique ou psychiatrique. Car, dans la plupart des cas, la peur d’être étiquetés, humiliés ou que l’on profite de sa vulnérabilité contribue au mutisme des «malades mentaux». Quant aux préjugés et la stigmatisation, ils entretiennent le tabou.

Si le combat pour la reconnaissance de la gravité des maladies mentales doit commencer, c’est le moment. Pourquoi ? Parce que la santé mentale, c’est aussi la santé !

Si l’économie bat de l’aile depuis l’apparition du Covid-19 – plus d’une année et demie déjà –, la détresse humaine, elle, est en croissance exponentielle. La dépression et l’anxiété, comme une pandémie parallèle, se répandent à un rythme effréné dans ce monde anxiogène. Les confinements qui s’enchaînent, l’isolement, les décomptes morbides, les pertes d’emplois, la déscolarisation, l’absence de visibilité sur l’avenir, l’enlisement dans la misère et la violence sont autant d’éléments déclencheurs, à Maurice et au-delà de nos frontières. Sans compter les traumatismes préexistants, passés sous silence, qui ne font que s’exacerber. Sans extrapoler, pour beaucoup, vivre à l’ère du Covid est un défi quotidien.

Que le Mental Health (Amendment) Bill soit débattu au Parlement ce mois-ci a laissé transparaître une lueur d’espoir. Finalement, il a été voté sans amendements. Le gouvernement est passé, là, à côté de l’occasion «de clarify some provisions of the Mental Care Act» comme stipulé dans l’explanatory memorandum du projet et d’instaurer une vraie réforme en faveur des personnes souffrant de maladies mentales, et qui ne soit pas limitée à celles ayant commis un délit. Cela, malgré les apports pertinents de l’opposition...

En 2021, ne devrions-nous pas être capables de proposer des soins inclusifs pour mieux accompagner les personnes en détresse psychologique, enfants comme adultes, et à tous les niveaux de la société ? Ne devrions-nous pas avoir un système de santé qui n’occulte pas et ne classe pas les maladies mentales comme des maux de deuxième catégorie, sachant que santé mentale et physique sont intrinsèquement liées ? Et qui concède que les maladies mentales puissent être tout aussi, voire plus, incapacitantes et insupportables ?

La réponse à ces interrogations semble évidente. Pourtant, à l’heure actuelle, l’accessibilité aux soins psychologiques et psychiatriques fait défaut. De même que la sensibilisation. Lorsque l’on ne se tourne pas vers l’institution de tutelle, Brown Séquard, ou vers des ONG bienveillantes, les options pour se faire soigner en toute dignité sont coûteuses et, donc, limitées. Car en plus d’avoir un service de santé public qui ne dispose pas d’un nombre adéquat de personnel spécialisé pour notre population, les traitements pour les maladies mentales dans le privé ne sont aucunement couverts par nos assurances médicales à Maurice. Pas même les frais du psychiatre, qui pourtant est un Registered Medical Practitioner, au même titre que le cardiologue, par exemple. Il est d’ailleurs important de souligner qu’un médecin généraliste ne peut nullement se substituer à un psychiatre pour établir le diagnostic d’un patient en souffrance psychologique.

Aujourd’hui, les lacunes sont nombreuses, et qu’avons-nous ? Une Mental Health Care Act archaïque qui date de 1998, des Schedule of Benefits d’assureurs qui occultent l’existence des pathologies psychiatriques, à cause du facteur risque. Paradoxalement, les assureurs seraient prêts, pour rester compétitifs, à proposer des extensions à leurs polices à condition que «la demande se manifeste». Il me semble alors judicieux de le dire : toute personne a dans son entourage quelqu’un qui souffre ou a souffert d’une maladie mentale, mais l’ignore ! Cette «clientèle», chères assurances, existe en cachette !

Ce dont l’on ne se rend pas compte, c’est que priver des malades de soins, en toute dignité, ouvre la voie à des «pathologies sociales». Quand on ne peut se soigner en psychothérapie et/ou avec un traitement médicamenteux, qui sont souvent complémentaires, et qu’une dose de drogue synthétique se monnaye à Rs 100, cela ne fait aucun doute que la drogue sera l’exutoire le plus évident qui s’offrira à certains. Lorsqu’il ne s’agit pas de la bouteille… ou du suicide.

Dans un État-providence, tout citoyen a droit à des soins. Ceux qui souffrent différemment ne demandent pas de traitement de faveur, seulement d’obtenir un traitement égalitaire. Et lorsque le service de santé public, seul, n’est pas en mesure de pourvoir aux besoins de sa population, le gouvernement se doit d’encourager et d’inciter – si ce n’est d’enjoindre à travers des amendements aux lois existantes –, le secteur privé à intervenir.

Face à un mal qui gagne du terrain, si cela semble être un plaidoyer en faveur de soins plus accessibles dans le service public ; de la couverture des maladies mentales par les assurances santé et de la déstigmatisation des troubles psychologiques et psychiatriques autour de nous, c’est que c’en est un !