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Sous l’aile de Quetzalcóatl

3 octobre 2021, 10:46

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Une mienne cousine revenant des ruines de Tlalcozauhtitlan, au Mexique, m’a longuement tenu la jambe sur la culture et la mythologie toltèques. Je dois vous l’avouer, sans une once de honte, que je n’y connaissais rien. Le mot toltèque m’avait d’abord fait penser : «feuille de métal et type de bois», mais elle m’expliqua que c’était en fait une civilisation vieille de mille ans, baignée de spiritualité ! Étant de nature spirituelle, j’ai essayé de lui lancer quelques boutades précolombiennes pour détendre l’atmosphère, mais elle le prit très mal. Je lui avais simplement demandé si elle préférait son Aztèque saignant ou à point ! Elle me pria de ne pas me moquer de ses croyances mystiques et que les Aztèques avaient été une civilisation avancée qui avait même prévu que l’ère du Verseau changerait la face du monde. Elle quitta la maison avec fracas au moment où j’ajoutais «litaire» au mot Verseau… 

Redoutant de mourir plus idiot que prévu, j’ai effectué quelques recherches sur le mysticisme à travers Internet (where else ?) et je suis tombé sur le New Age, le pouvoir des cristaux, le channeling et beaucoup d’autres éléments associés à la spiritualité du 21e siècle. Je lisais un chapitre sur la «synchronicité» (une coïncidence qui prend soudainement du sens) quand je reçus par email à la seconde près, une invitation pour me joindre à une école mystique du nom de : Véritable Ordre Lévitationnel. Un type, se présentant sous le titre ronflant de «Vénérable Grand Hiérophante», m’informa qu’il avait ressenti ma présence sur le Net et visualisé mon adresse email : toctockisanlasa@gmail. com. Voilà un curieux hasard qui ne prenait pas de pincette ! Le plus méfiant de mes frères argua mordicus que c’étaient des biscuits électroniques appelés cookies qui avaient permis au Vénérable Grand Hiérophante de me trouver sur le Net. Entre biscuit espion ou synchronicité, mon choix était clair. 

Pour devenir membre et participer au Véritable Ordre Lévitationnel, il me fallait débourser 300 euros pour les frais d’inscription et 150 euros par mois pour recevoir les enseignements mystiques. Cet apprentissage était censé faire de moi un sage confirmé en moins de dix ans et me permettre de léviter comme Foudre Bénie dans Tintin au Tibet. Les fascicules d’instructions ne seraient pas envoyés par la poste ou par email (véhicules profanes par excellence), mais par transmission de pensée. «Mais si je n’arrive pas à recevoir les messages télépathiquement ?» demandais-je. «Ne vous en faites pas, votre subconscient, lui, les recevra – 5 sur 5. Mais pour 1 200 euros, vous pouvez néanmoins vous procurer un Cristal Lévito-Transmuteur afin de fluidifier les flux et reflux entre votre subconscient et votre conscient», répondit le Vénérable Grand Hiérophante (que le dieu Quetzalcóatl l’encense.)

Après quelques mois, j’avais acheté des cristaux de bas carat, des pierres datant de l’âge du même nom, des jarres d’eau ferrugineuse, des talismans aux pouvoirs mentalistes et une plume de Quetzalcóatl (le serpent à plume et non pas à poil comme le prétendent les langues fourchues). Mais à payer le prix fort pour chercher à me découvrir, j’étais maintenant à découvert… 

Un chaman rencontré au supermarché me conseilla d’abandonner les sectes et de me laisser aller au pouvoir des plantes. C’est gratuit et sans danger. «La plante te donnera l’énergie dont tu as besoin.» Je me mis donc à étreindre les arbres et à me vautrer dans des touffes de chouchou, mais, ne ressentis finalement que des gratouilles récurrentes. Le Vénérable Grand Hiérophante (que le dieu Quetzalcóatl l’encense) m’informa que le transfert d’énergie des plantes demandait l’usage d’un Cristal Trancendantique pour fluidifier le flux et le reflux entre la plante et mon Moi (1 799 euros TTC) et que grâce à des adeptes comme moi, l’ère du Verseau allait irrévocablement balayer l’ère du Recto ! 

Finalement, ma femme, qui est une empêcheuse de dépenser un rond, reluqua mes relevés bancaires et m’accusa de gaspiller l’argent du ménage pour des sangsues et que, même aidé par une grue Trancendantique, je ne léviterai jamais ! Elle stoppa les paiements, balança mes cristaux à la flotte et jamais plus je n’entendis parler du gars dont je ne dois plus prononcer le nom… (Que le dieu Quetzalcóatl l’encense une dernière fois.) 

Et afin d’éviter une éventuelle rechute, elle m’offrit une boîte de sandales anti-mystique.