J’ai toujours eu un don pour prédire l’avenir. Les gens viennent me voir de tous les coins de l’île pour me demander à quoi ressemblera demain. Je ne vous parle pas ici de la prédiction que nous entendons en boucle depuis cinquante ans, du genre «beau à mi-couvert avec ondées passagères sur les hauts-plateaux», mais de vraies prédictions 100 % fiables – si pa kontan ranboursman ! Très tôt, à l’âge où je pouvais sucer mon pouce de pied sans me déboîter le genou, j’avais découvert que je pouvais lire l’avenir dans les entrailles de mes couches-culottes. Je pouvais ainsi prédire les repas du soir, l’humeur de mon grand-père ou les fluctuations du cours du guano. Facile, me direz-vous ? Oui, il est vrai qu’à cette époque, les couches, les repas pour bébé (betterave – foie de morue), l’humeur de papiToc et les cours du guano traitaient de matières similaires. 

Avec le temps, j’appris à lire dans les lignes de la main et fus capable d’offrir des pronostics plus que parfaits à propos d’un futur proche alors que dans un passé antérieur ils étaient par trop imparfaits. Ces jeux de paume m’allaient comme un gant. Bientôt je réalisais que chaque prédiction exigeait un outil particulier. Pour prédire les récoltes des agriculteurs, je me suis mis à déchiffrer les lignes des mains de bananes et ce ne fut pas de la tarte ! Pour les questions reliées à la terre, j’employais ma boule de cristal alors que pour des problèmes d’eau je me servais de ma boule de vital. Au petit matin, j’affectionnais particulièrement la lecture dans les pâtés. Le client devait s’assurer qu’ils étaient chauds afin d’obtenir de moi les visions les plus fraîches. En mi-journée, un coup d’oeil dans un dholl-puri ou un roti veg était indispensable pour éclairer un client estomaqué et le soir, mes lectures d’un minn touni mettaient en garde les contribuables contre les effets potentiellement dénudant d’un impôt à venir. 

Aujourd’hui je suis un voyant multidisciplinaire. Je lis dans à peu près tout, mais l’astrologie demeure mon médium préféré. Quand j’ai réalisé que l’astrologie traditionnelle ne s’adaptait pas à l’île Maurice, j’ai créé des signes du Zodiaque locaux : KOSON-MARON (21 mars-20 avril), TANG (21 avril-20 mai), SERF (21 mai-21 juin), KOURPA (22 juin-23 juillet), MANGOUS (24 juillet-23 août), KAMALEON (24 août-23 septembre), ZAKO (24 septembre-23 octobre), BOULTANG (24 octobre-22 novembre), LIEV (23 novembre-21 décembre), KRAB-TROULOUROU (22 décembre-20 janvier), SOVSOURI (21 janvier-19 février) et KAMARON (20 février-20 mars).

Cette nouvelle configuration des astres m’a permis de mieux cerner le caractère de mes compatriotes. Ainsi, la lenteur décisionnelle d’un ancien Premier ministre est aisément expliquée par le signe du KOURPA alors que le creusement de la dette du pays par un Premier ministre plus récent est expliqué par le signe du KRAB-TROULOULOU. Le mois de mars a aussi donné deux Premiers ministres à ne jamais prendre à rebrousse-poil. Le mouvement des planètes influe sans arrêt sur le cours de nos vies. Une personne native du signe du BOULTANG m’avait demandé: «Vais-je perdre du poids l’année prochaine ?» J’ai consulté les anneaux gastriques de Saturne et lui ai prédit une perte de poids relative, car la constellation de la baleine influait sur son tableau astral. 

Je ne peux terminer cet exposé sur la voyance sans parler des cartes de tarot. Aux 21 cartes du tarot traditionnel, j’ai ajouté quelques cartes me permettant de mieux prédire l’avenir à la mauricienne. Nous trouvons dans ce tarot les cartes suivantes : Triyanger, Pamwalisa, Mobann, Zotbann, Perdibann, Lindi-kordonie, Ferfout, Libon-la, Lerdezenela-repasedezer, Donngouss et Prangouss. Le tarot local offre au voyant une fenêtre sur certaines de nos mauvaises habitudes. 

Le voyant n’est pas infaillible et certains médisants diront que je n’ai pas vu venir le Covid, mais cela vient uniquement d’un seul et unique fait… 

… Je ne lis plus dans les couches-culottes !