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Les routes de chez nous

14 novembre 2021, 10:04

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Les bouchons faisant partie du quotidien de l’automobiliste, j’ai fini par m’en lasser et je préfère désormais les wantan que je trouve nettement plus digestes. À l’approche d’un rond-point aux heures de pointe, il est fréquent de faire l’expérience du bouchon. L’automobiliste mis en boîte et en bouteille se transforme en autoimmobiliste et prend son mal en patience. Enfin, pas toujours. Il y a immanquablement un virtuose du klaxon qui croit fermement que s’arc-bouter sur son contrebasson fera avancer le trafic et ce faisant, entraîne un troupeau de moutons à en faire autant, déclenchant un concert cacophonique d’instruments à vent. On se serait cru à Jéricho ! Il arrive souvent que la cause du bouchon soit due à un policier censé réguler le trafic. En fait, il se trouve que son véritable but est d’attendre le passage d’un VVIP (Véhicule véritablement incapable de patienter) et aussitôt sa Majesté passée, le policier remonte sur sa moto et, comme par miracle, le trafic se fluidifie de nouveau. 

Un étranger me demandait récemment : «De quel côté conduit-on à l’île Maurice ?» Après quelques secondes d’hésitation, je lui répondais que la loi nous imposait de rouler à gauche, mais que ce point de droit semblait assez confus pour certains automobilistes gauches. Je lui révélais alors les principes fondamentaux de la bonne conduite à Maurice. Tout d’abord, il lui faudrait se familiariser avec quelques termes locaux. Quelques exemples : le beaufort de la voiture n’est pas une belle citadelle, mais le pare-chocs, les flashers ne sont pas des chauffeurs pervers, mais des clignotants ; un box est un coffre (sans cheval et sans accusé) ; une glace est un rétroviseur et ne fond pas au soleil ; les robots n’ont rien à voir avec les Transformers, mais sont de bêtes feux de signalisation, etc. Ensuite viennent les termes importants comme : Tchombo (n’avancez plus), avoye (avancez), ploye (tournez le volant), bouz ou masinn (déplacez votre voiture) ou ou ena foparalel (problème de parallélisme). Enfin, il lui faudra s’accoutumer au vocabulaire de la route : «Quand vous sautez le chemin…» «Quand vous faites le courbe…» «Passerez-vous par l’ancienne route ou le chemin neuf ?» Ce vocabulaire pourrait dérouter le non-initié qui ne sait pas que chaque ville à sa route Royale ou que la rue Sir Seewoosagur Ramgoolam n’arrive toujours pas à remplacer la rue Desforges.

Il est grand le mystère du clignotant. À Maurice, quand une voiture actionne son clignotant gauche, cela ne veut pas dire qu’il va tourner à gauche. Il pourrait tourner aussi bien à droite, avoir oublié de le désactiver ou surprendre tout le monde en tournant effectivement à gauche. Souvent, les conducteurs s’arrêtent brusquement et ensuite mettent le clignotant pour se donner bonne conscience. Certains préfèrent passer le bras par la portière et agiter une main molle avec la certitude que cette dernière traduira leur intention. Veulent-ils tourner ? S’arrêter ? Chasser une mouche harassante ? Font-ils un appel à un ami ou bien demandent-ils un 50/50 ? 

Conduire à Maurice demande à être constamment sur le qui-vive. Tout peut arriver. Alors, attendez d’être chez vous, au chaud, pour vous endormir sur votre lorye. Si un épais brouillard vous précède, il pourrait ne pas être naturel et cacher un véhicule fumigène, car sur les routes de Maurice, il peut y avoir de la fumée sans feu et rarement voiton un gaz sans déplacement. La conduite dans la ville de Port-Louis sera votre test final. Il vous faudra faire avec les véhicules qui changent autant de voies que l’imitateur Laurent Gerra ; les piétons qui (par peur du tétanos sans doute) évitent de traverser dans les clous ; et les chiens errants qui préfèrent sans cesse le trottoir d’en face. Rouler à Port-Louis est parfaitement illustré par la pensée de Robert Sabatier : «Si la route est aisée, inventons l’obstacle.» 

Hier, j’ai pris pour la première fois l’autopont de Pont-fer à une heure de grand trafic et je n’ai pas été dépaysé, car le bouchon qui se trouvait jadis au sol a pris de la hauteur et établi ses quartiers sur l’autopont flambant neuf. 

Ne grognez pas, ingrats, car aujourd’hui, nous avons un embouteillage avec vue sur les montagnes.